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Le jour où l’Espagne s’est vue trop belle
Avant de devenir championne du monde et d'Europe, l'Espagne était une équipe à la recherche d'un équilibre collectif. Contre l'Ukraine en ouverture du Mondial 2006, la Roja s'affiche comme l'épouvantail du tournoi. Son talon d'Achille ? Une certaine arrogance…
Dans la vie, il y a toujours des hauts et des bas. Force est de constater que l’on préfère la première situation à la seconde. Bien calée sur son territoire ensoleillé, l’Espagne n’échappe pas à la règle. Dans une période creuse, la Selección n’hésite pas à revoir ses plans dans les grandes largeurs. Suite à une élimination prématurée lors de la phase de poules de l’Euro 2004, la Roja doit changer de tête. Iñaki Sáez renvoyé chez les Espoirs, la Fédération espagnole choisit un homme d’expérience pour redresser la barre du navire rouge : Luis Aragonés. Premier joueur à se prononcer sur la nomination, le capitaine Raúl accueille El Sabio les bras grands ouverts. « Luis méritait cette nomination suite à sa grande carrière d’entraîneur professionnel. Je lui souhaite la bienvenue et le meilleur avec la sélection nationale. »
Le meilleur, ça passe évidemment par une qualification pour le prochain Mondial en Allemagne. Et si l’Espagne joue bien, elle reste en concurrence avec la Serbie, prête à lui chiper la première place synonyme de qualification directe. Le verdict tombe : l’Espagne se retrouve au deuxième rang, la faute à une différence de buts particulière défavorable. Il faudra donc passer par une double confrontation contre la Slovaquie en barrages. Convoqué par Aragonés, Juanito se souvient d’une étape plutôt tranquille à passer. « L’équipe était certaine de ses capacités. En réalité, notre départ n’avait pas été terrible dans les phases éliminatoires… En tombant contre la Slovaquie pour les barrages, la pression était là, mais l’Espagne se devait de passer sans trembler. »
L’Ukraine, baromètre de l’Espagne
Dès le match aller au Vicente-Calderón, l’affaire sera vite pliée. Victorieuse 5-1, l’Espagne termine en roue libre avec un nul à Bratislava pour décrocher un billet aller-retour pour l’Allemagne, la durée du séjour restant encore à définir. Le premier élément, c’est le fameux tirage au sort de la phase de poules. Il sera clément : Ukraine, Tunisie et Arabie saoudite. « Le tirage au sort paraissait favorable, acquiesce Juanito. La Serbie, par exemple, avait eu beaucoup moins de chance… Notre objectif, c’était de terminer premiers de cette poule pour se mettre en confiance. En cela, le match contre l’Ukraine était fondamental pour réaliser un bon Mondial. » Si les Jovto-Blakytni participent à la première compétition officielle de leur histoire, les Espagnols doivent quant à eux bomber le torse d’entrée.
À Leipzig, Aragonés aligne un 4-4-2. Sans Raúl. Oui, l’idole de tout un pays débute sur le banc, mais Aragonés s’en fiche. Il connaît la force de son équipe, et elle passe surtout par des piliers : Iker Casillas, Carles Puyol ou Marcos Senna. En attaque, la pression médiatique pour une titularisation du numéro 7 est insignifiante sur les choix du coach. Fernando Torres sera associé devant à la dernière perle espagnole, David Villa. Bingo. En dix-sept minutes, le score est déjà de 2-0. El Guaje offre même le but du break sur coup franc. L’Ukraine ne respire plus. « Je ne les ai pas vraiment vus tétanisés par l’enjeu, mais on avait le match en main, analyse Juanito, remplaçant pour la rencontre. Ce n’était pas une chose facile, parce qu’on jouait en pleine après-midi avec une grosse chaleur. Cette acclimatation, c’était un facteur déterminant pour gagner. »
« Il faut savoir apprendre de ses erreurs pour grandir… »
Pour l’Ukraine et son coach Oleg Blokhine, la scène tourne à la torture quand Vladislav Vashchuk se rend coupable d’une faute dans la surface en tant que dernier défenseur. Un carton rouge et un penalty de David Villa plus tard, l’Espagne prend le large (48e). Pour le plus grand plaisir du stoppeur du Betis Séville, connaisseur des principales forces adverses. « L’Ukraine était une équipe compacte, très rodée car beaucoup d’entre eux évoluaient au Dynamo Kiev… Et puis bien sûr, il y avait Shevchenko en danger principal. » Bien timide durant toute la rencontre, le Ballon d’or 2004 assistera en spectateur privilégié au clou du spectacle, lorsque Puyol enchaîne roulette, une-deux avec Xavi puis remise de la tête pour Fernando Torres, pour signer un des plus beaux buts de la compétition. « Après une aussi belle victoire, on se sentait en grande forme, avoue Juanito. Mais l’équipe gardait les pieds sur terre, parce qu’un bon début ne signifie pas forcément un beau final. L’attente du public et de la presse est devenue plus importante après tous ces éloges. Dans un sens, la presse a surestimé les capacités de l’Espagne. »
Trois matchs, trois victoires. L’Espagne arrive en grande pompe en huitièmes de finale. Face à elle, la France, difficile second après une victoire aux forceps contre le Togo. « Nous allons envoyer Zidane à la retraite ! » titre Marca avant la rencontre. Un manque d’humilité évident alors que deux ans auparavant, l’Espagne sortait par la petite porte au Portugal. « Après l’Ukraine, cet appui médiatique nous a aidés. Mais avant d’affronter la France, c’est devenu un poids supplémentaire. Du côté des joueurs et du staff technique, le groupe savait que ce serait un match très difficile. Nous n’avions jamais sous-estimés les Bleus, et sur ce match, ils méritaient clairement leur victoire. Il faut savoir apprendre de ses erreurs pour grandir… » Une leçon bien retenue pour 2008. Et 2010. Et 2012.
Par Antoine Donnarieix