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Le jour où Janot a fait pleurer la Beaujoire
En 442 apparitions sous le maillot de Saint-Étienne, Jérémie Janot n’est monté qu’une poignée de fois dans la surface adverse pour tenter d’égaliser sur des corners tardifs. Mais ce 11 novembre 2006, face à Nantes, Spider Jérémie vit un match trop frustrant pour suivre la dernière action depuis ses buts. 93e minute, Pascal Feindouno au corner…
« Ivan Hašek, l’entraîneur, m’a demandé de rester dans les buts. J’ai fait semblant de ne pas l’entendre, de regarder à l’opposé et, dans ma tête, je me suis dit : t’as pas intérêt à ce que ça tourne mal, sinon t’es mort. » Quelques secondes plus tard, sur un corner au bout du temps additionnel, l’ASSE égalise à 2-2 et glace 32 000 supporters nantais, grâce à la montée de Jérémie Janot.
Un coup de théâtre en guise de point final d’un match qui sortait déjà du lot par la beauté de ses buts, notamment celui de l’arrière droit nantais Éric Cubilier. Sans cesse chambré par ses coéquipiers pour n’avoir jamais marqué en 108 matchs de Ligue 1, il met un terme aux moqueries en marquant d’une folle reprise de volée depuis l’extérieur de la surface. Après l’égalisation de Pascal Feindouno en fin de première période, la recrue nantaise Nourdin Boukhari, fraîchement débarquée d’Amsterdam, allume un pétard des trente mètres à trois minutes de la fin de la rencontre pour remettre les Canaris devant. « À l’époque, chaque équipe pouvait jouer avec son propre ballon, se rappelle Jérémie Janot. Là, je crois que c’était un Airness et il flottait beaucoup. Avant le match, j’avais dit à l’entraîneur des gardiens que je craignais les tirs de loin. Je ne me suis pas trompé : j’ai pris deux frappes de vingt et trente mètres, des top buts. »
« Dans le vestiaire, on me traitait de mytho »
Frustré tant par son impuissance sur les deux buts encaissés que par la défaite qui se profile, Janot commence à ruminer dans ses buts en espérant pouvoir se rattraper, d’une façon ou d’une autre. Les Nantais lui en donnent l’opportunité dans le temps additionnel. Galvanisés par le but de Boukhari, les Canaris se libèrent et, plutôt que de jouer la montre, continuent d’attaquer. Conséquence : à la 93e minute, Saint-Étienne finit par récupérer un ultime ballon et obtient le corner de la dernière chance. Feindouno au ballon. Nantes se dégage, la balle revient sur Geoffrey Dernis, à l’entrée de la surface. Le milieu de terrain rate complètement sa reprise, qui finit dans les pieds de… Jérémie Janot : « Je fais un contrôle un peu bizarre, mais le ballon me reste dans les jambes. J’enchaîne avec une talonnade pour essayer de me la mettre pied gauche, je la foire et ça arrive directement sur Vincent Hognon, qui arrive à marquer. 100% chatte, donc. À l’époque, j’avais la baraka, j’étais dans une bonne période. Hašek était content, mais si on n’avait pas égalisé, j’aurais passé un sale quart d’heure. »
Symbole de la saison 06/07 galère d’un FC Nantes qui chute en Ligue 2 après quarante-quatre années dans l’élite du foot français, ce but arraché in extremis par la bande à Janot laisse un souvenir douloureux à Vincent Briant, jeune gardien du FC Nantes à l’époque et aujourd’hui gérant d’un Monsieur Store à Quimper : « Sur le peu de temps de jeu que j’ai eu en pro, il y a des rencontres où je n’ai pas fait les bons arrêts au bon moment. Un arrêt qui fait qu’on se souvient de toi, quoi. Notamment lors de ce match contre Saint-Étienne. Janot touche deux fois le ballon, il y a un cafouillage et, finalement, ils marquent. La balle passe à deux centimètres de mon pied. Si je fais cet arrêt, on gagne et on reste dans la course au maintien. »
Plombé par un recrutement ronflant mais inadapté à la Ligue 1, une direction à la dérive, l’épisode Barthez et les changements d’entraîneurs successifs, Nantes connaît cette année-là l’une des pires saisons de son histoire en première division et boucle l’exercice à la vingtième place. Les joueurs de Saint-Étienne, Jérémie Janot en tête, gardent, eux, un souvenir beaucoup plus doux de cette période : « Il y avait une super ambiance dans le groupe et ce but a été un événement qui a encore davantage resserré les liens entre nous. On en a rigolé pendant des semaines et des semaines après le match. Dans les vestiaires, les gars me demandaient : « Tu l’as fait exprès ? », je leur répondais « Bien sûr », et puis ils me traitaient de mytho(rires). Même Vincent Hognon, il ne me croyait pas ! « Je te fais une passe décisive et tu me remercies comme ça ? », je lui disais. En fin de compte, c’était une revanche pour toutes les fois où je me suis pris des lucarnes par des mecs qui voulaient centrer et qui, après coup, disaient que c’était volontaire. » Après ce match, Spider-Man n’est plus jamais monté sur corner. « J’avais eu de la chatte, je savais que ça n’arriverait plus. C’est pas le genre de choses qui se reproduit deux fois. » Stéphane Ruffier, lui, n’a pas encore épuisé son crédit.
Par Albert Marie