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  • 27 juin 2010
  • Coupe du monde
  • Allemagne/Angleterre

Le jour où Frank Lampard a relancé le débat sur la vidéo

Rodolphe Ryo
5 minutes
Le jour où Frank Lampard a relancé le débat sur la vidéo

Si la goal-line technology avait été mise en place dès la Coupe du monde 2010, l'Angleterre aurait peut-être connu un destin différent lors de ce Mondial sud-africain. Privés d'une égalisation évidente signée Lampard en huitièmes de finale contre l'Allemagne, les Anglais étaient rentrés au pays avec une défaite 4-1 dans la musette et un fort sentiment d'injustice.

Cinq ans après, la simple évocation du nom de Jorge Larrionda suffit certainement à faire remonter des souvenirs douloureux chez de nombreux supporters anglais. Car le dimanche 27 juin 2010, le natif de Montevideo est devenu persona non grata en Angleterre, voire même ennemi public numéro un. Le lieu du crime ? Le Free State Stadium de Bloemfontein en Afrique du Sud. Ce jour-là, dans une enceinte nourrie par les bruits assourdissants et déjà insupportables des vuvuzelas, Allemands et Anglais se disputent une place en quarts de finale de la Coupe du monde. Donnés favoris par tous les bookmakers, les protégés de Joachim Löw font rapidement honneur aux pronostics en ouvrant le score dès la 20e minute de jeu. Miroslav Klose s’amuse de Matthew Upson et crucifie le pauvre David James. L’Allemagne semble lancée. Douze minutes plus tard, Thomas Müller et ses chaussettes baissées décalent d’un lob astucieux Lukas Podolski pour le 2-0. Les Anglais sont à la rue. La moindre accélération allemande fait passer Terry et Upson pour des retraités venus participer à un jubilé. L’Allemagne semble se diriger tout tranquillement vers le prochain tour. Et pourtant. À la 37e minute, Gerrard décide enfin de réussir un centre et sert parfaitement Upson qui réduit le score, bien aidé par un Neuer parti cueillir quelques pâquerettes.

Le coup de théâtre de Larrionda

Dès le coup d’envoi, les hommes de Fabio Capello repartent à l’attaque. James Milner hérite du cuir au milieu de terrain et sert Jermain Defoe à l’entrée de la surface. Le ballon revient sur Frank Lampard qui ne se pose pas de questions. Le milieu de Chelsea, pourtant gêné par Khedira, tente sa chance du droit. Le ballon lobe Neuer, heurte la barre avant de rebondir derrière la ligne et de ressortir. Capello peut serrer les poings, Wayne Rooney peut exulter. L’attaquant de United saute dans les bras d’un Lampard qui, lui, ne s’enflamme pas. Et pour cause. Il a compris. Il a compris que quelque chose ne tournait pas rond, et particulièrement chez Jorge Larrionda et son arbitre assistant. L’Anglais vient de réaliser que son but n’était pas validé. Les ralentis vidéos abondent alors sur les chaînes de télévision du monde entier et rendent un implacable verdict : le but aurait dû être accepté, le ballon ayant franchi la ligne de près d’un mètre. Abattus par ce coup de théâtre arbitral, mais aussi dépassés physiquement et techniquement par la bande à Müller, les Anglais craquent en seconde mi-temps, et encaissent deux autres buts pour une défaite finale 4-1. L’Allemagne file en quarts, et terminera finalement troisième après s’être fait sortir en demies par l’Espagne.

Loin de ces considérations, les Anglais ruminent, eux, la décision arbitrale de Jorge Larrionda. Et le monde du foot se retrouve de nouveau devant son débat préféré, celui d’instaurer, ou non, la vidéo. « On était à 1-2 et avec ce but, le match aurait pu changer » , confie John Terry en conférence de presse, plutôt mesuré. « Je suis pour la technologie sur la ligne de but, spécialement après ce qui vient de nous arriver, explique de son côté Lampard. Le ballon a franchi la ligne, il était dedans. C’était tellement énorme … Si nous étions revenus à 2-2 à ce moment-là, ça aurait été différent. » Côté allemand, Manuel Neuer révèle, lui, une nouvelle facette de sa personnalité : la malice : « J’ai vite capté le ballon et vite relancé. Si j’avais regardé à droite ou à gauche, peut-être que cela aurait fait réfléchir l’arbitre. J’ai sûrement contribué à ce que le but ne soit pas validé. » Filou.

Le fantôme de 1966

Mais si la presse anglaise s’attarde, bien évidemment, sur la décision incompréhensible de Jorge Larrionda, elle allume également ses joueurs le lendemain du match. À titre d’exemple, le Times titre en Une « Une Angleterre abjecte s’écrase » , alors que Alan Shearer, un poil moins soft, déclare sur les ondes de la BBC : « Dans le dernier quart d’heure, alors qu’on a besoin de buts, on fait entrer un gars comme Heskey qui n’a jamais marqué un but de sa vie… » Car oui, si l’erreur d’arbitrage de Jorge Larrionda est difficilement compréhensible et influence forcément le déroulé du match, elle ne peut éclipser à elle seule le piètre niveau de jeu montré par les Anglais dans cette partie. Certes, il est fort probable qu’une égalisation anglaise aurait relancé un match jusqu’alors plutôt bien maîtrisé par les joueurs de Joachim Löw. Certes, les Anglais n’auraient pas été obligés de se livrer autant et de s’exposer ainsi aux fulgurances allemandes en contre. Peut-être auraient-ils alors montré un visage différent de celui affiché depuis le début de la compétition. Mais bon… À la fin de la rencontre, Steven Gerrard préférait d’ailleurs saluer la prestation des Allemands : « Le but refusé ne peut nous servir d’excuse, ce serait trop facile. La meilleure équipe l’a emporté, voilà tout. »
Certains préféraient y voir simplement un juste retour des choses après le fameux but accordé à l’attaquant anglais Geoff Hurst le 30 juillet 1966, en prolongation de la finale de la Coupe du monde contre l’Allemagne, remportée par l’Angleterre (4-2). À la 100e minute de jeu, alors que les deux équipes sont à égalité, Hurst envoie un caramel sur la barre du portier allemand. Le ballon rebondit sur la ligne avant de ressortir. Personne ne sait si ce fameux but de Wembley était valable ou non, mais l’arbitre, le Suisse Gottfried Dienst, avait, lui, décidé de l’accorder après avoir demandé conseil à son juge de touche. Il faudra attendre 2014 pour voir la technologie sur la ligne de but être instaurée lors d’un Mondial, et l’équipe de France devenir au passage, contre le Honduras, la première sélection à se voir accorder un but en Coupe du monde après intervention de cette fameuse goal-line technology. Quant aux Anglais, qu’ils se rassurent, ils ne sont pas près de retrouver Jorge Larrionda sur leur route. Il a pris sa retraite en 2011. En toute discrétion cette fois.

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Rodolphe Ryo

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