- Hommage
- Christophe Dominici
Le jour où Christophe Dominici a joué au foot pour le jubilé de Laurent Fournier
Tragiquement disparu ce mardi, Christophe Dominici laisse un grand vide dans le monde du rugby. Mais pas seulement. Car avant de devenir une légende du ballon ovale, le petit Christophe avait une autre passion : le football. Celle-là même qui l’a amené à prendre part au jubilé de Laurent Fournier, le 21 mai 2000 au Parc des Princes.
Christophe Dominici est mort. Non loin de chez lui, laissant derrière lui une famille meurtrie par le chagrin. Comme un symbole, c’est au Parc de Saint-Cloud que l’histoire de « Domi » a pris fin. À six petits kilomètres du Parc des Princes, son second jardin. C’est là qu’il avait brisé les rêves européens du Biarritz Olympique, en 2005, en filant entre les perches sans regarder dans le rétro pour offrir à son Stade français de toujours une finale européenne dans le money time. Mais c’est là, aussi, que Dominici a réalisé un rêve : disputer un match de football au milieu du gratin français.
L’idole de Fournier
Plantons le décor. Nous sommes le 21 mai 2000 et c’est dimanche. Sur les coups de 18h30, 14 654 spectateurs se pressent au Parc des Princes pour dire au revoir à Laurent Fournier, qui y organise son jubilé. Pour un tarif compris entre 40 et 100 francs, c’est un match de gala que les quelques milliers de fans parisiens répartis dans les tribunes rouges historiques ont dans leur assiette. « On n’avait pas ouvert le haut du Parc, car c’était trop cher », se souvient Laurent Fournier. Et pour cause : Le Parisien de l’époque rapporte même que c’est près de 300 000 francs qu’aurait dépensé l’ancien milieu historique rouge et bleu pour s’offrir ce dernier tour de piste avec ses potes. « Michel Denisot nous avait quand même bien aidés », insiste le héros du jour.
L’affiche est alléchante : d’un côté, le PSG 1996 et ses champions d’Europe Daniel Bravo, Youri Djorkaeff, Vincent Guérin, José Cobos, pratiquement tout le monde est là. En face, une équipe all stars composée entre autres d’Éric Cantona, Jean-Pierre Papin, Leonardo, Bernard Casoni ou encore George Weah, le tout entraîné par Artur Jorge. Du côté des Parisiens, deux renforts attirent l’attention : celui de Serge Chiesa, d’abord, qui va donc enfin jouer un match au Parc des Princes sous les couleurs du PSG après avoir dit non à Daniel Hechter trois décennies plus tôt. L’autre, c’est Christophe Dominici. Un habitué du Parc des Princes, proche des footballeurs, que Laurent Fournier n’a eu aucun mal à convaincre pour venir taper le ballon. « On se croisait de temps en temps au Parc, et un jour, je lui avais proposé de venir à mon jubilé pour jouer avec l’équipe du PSG 1996, replace Fournier. Avec Jean-Pierre Rives, Christophe était mon idole au rugby. Il m’a dit immédiatement oui, et honnêtement, pour moi, c’était un honneur. »
Avant le rugby, le foot
Ce n’est pas une surprise en réalité. Car gamin, Dominici préfère le foot. C’est Jean-Marie, son père, qui fut gardien de but au SR Colmar ou à Hyères, qui lui avait transmis ce gène et l’avait poussé à prendre une licence dans le club du Var de Solliès-Pont. Le petit Christophe disputera même un 32e de finale de Coupe Gambardella face au Monaco de Lilian Thuram, pas forcément un souvenir heureux puisqu’il avait été exclu par l’homme en noir pour avoir protesté de façon véhémente après un penalty non sifflé. Cette colère, verbale et parfois même physique, prend racine dans un drame familial. Le tragique décès de sa grande sœur, Pascale, sa « deuxième maman » qui a dormi avec lui jusqu’à ses onze ans, comme il l’écrivait dans son autobiographie Bleu à l’âme en 2007, intervient alors que Christophe n’en a que 14. Une cicatrice que l’ancien rugbyman ne refermera jamais. Trois ans plus tard, à l’issue d’un match de foot et d’une bagarre où il s’est senti seul et abandonné par ses coéquipiers, « Domi » le sait : ce sera son dernier match de foot en club. Mais pas le dernier de sa vie. José Cobos, qui a notamment joué avec lui ce fameux jour de mai 2000, n’a pas oublié ce qu’était capable de faire balle au pied l’ancienne légende du Stade français. « On a partagé plusieurs matchs, car il adorait le foot et il était plutôt pas mauvais. On était assez surpris de ses qualités. Il y avait un beach soccer à Sainte-Maxime où l’on se retrouvait avec Ali Benarbia, David Ginola, Daniel Bravo, Laurent Blanc et il était aussi avec nous pour jouer. » Vincent Guérin abonde : « Il était plus jeune, mais il était bon au foot. Il avait des qualités de vitesse et il avait une réelle posture de joueur de foot. Il avait un niveau intéressant. Le jour du jubilé de Lolo, il s’était bien fondu dans cette fête, même s’il ne connaissait pas énormément de gens. »
Au cœur de l’enceinte de la porte de Saint-Cloud, Dominici est remplaçant au coup d’envoi. L’ambiance de fin de saison se fait sentir sur la pelouse : Djorkaeff revient de blessure et profite de ce match de gala pour se tester avant de partir avec les Bleus sur le toit de l’Europe, tandis que Canto sort au bout d’une petite demi-heure pour ne pas se blesser avant un tournoi de beach soccer. Sur le terrain, Jérôme Leroy ouvre le score pour le All-Star et prend son envol devant les panneaux publicitaires Manix aujourd’hui remplacés par ceux de Qatar Airways. Laurent Fournier égalisera sur le penalty, tandis que Dominici, lui, touchera le poteau. Une entrée en jeu qui a marqué les esprits, et notamment celui de Michel Kollar, l’historien du PSG : « Christophe Dominici était un bon joueur de foot ! C’était quelqu’un qui aimait le PSG. Le public était excité à l’idée de le voir jouer, et ce qui m’avait marqué, c’est qu’il était déterminé à gagner. Même dans un contexte comme celui-ci, on voyait le côté compétiteur ressortir. » Quand il a appris son décès, José Cobos n’y croyait pas. Laurent Fournier, lui, s’est immédiatement replongé dans ses souvenirs et est tombé sur celui-ci : « Après le jubilé et la soirée au VIP qui a suivi, on avait fini aux Trois Obus à 4 ou 5h du matin.(Rires.)Quand j’ai vu la nouvelle mardi, je me suis immédiatement replongé dans les photos, et la chose qui m’est venue à l’esprit, c’est celle-ci : on a eu de la chance de jouer avec Christophe. »
Par Andrea Chazy