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Le jour où Bernard Lama a raté un pénalty

Par Arnaud Clement
Le jour où Bernard Lama a raté un pénalty

Le 21 mai 1994, le Parc des Princes accueillait la kermesse des champions. Déjà titré, le PSG recevait alors Bordeaux en clôture du championnat. L'occasion d'une dernière pilule, 4 buts à 1, dans une saison à sens unique, et pour Bernard Lama de s'essayer à l'exercice du tir au but.

La régalade et ce parfum de « fiesta loca » après le coup de froid bulgare. Seulement six mois après l’échec cuisant des Bleus pour le World Cup 1994 contre la bande à Kostadinov, le Parc des Princes retrouve ses habits de fête et de lumière, qui siéent si bien à ce PSG d’il y a vingt ans. Ce PSG version Canal + qui a écrasé l’édition 1993-1994 du championnat de D1, en se l’offrant, contre Toulouse, deux journées avant son terme, et en reléguant au final l’OM, dauphin quand même costaud malgré le poids des affaires judiciaires, à 8 points. Milieu de terrain de cette formation de panthéon, Vincent Guérin garde de ces mois de compétition à fond la caisse une place toute particulière dans sa mémoire : « On a fait une saison exemplaire en termes de résultats et d’efficacité. On avait aussi une défense très hermétique, on n’avait pris que 22 buts en 38 journées, vraiment pas loin du record (21 buts, OM 1991-1992, ndlr). Ça a été une des saisons phares pour moi, surtout dans ce milieu extra, avec Paul (Le Guen, ndlr) en récupération, Laurent(Fournier, ndlr) à droite, moi à gauche et Valdo en numéro 10. On pouvait même changer de poste le temps d’un match tellement on se trouvait bien. » Dans ces conditions, la date du 21 mai 1994 doit dès lors ressembler à un dernier feu d’artifice au Parc. Pour clôturer un an de communion.

Un épilogue qui se joue donc contre Bordeaux et qui offre deux bonnes raisons aux Parisiens de finir le travail avec la manière. Le fait que ça soit la der’ des der’ pour le gang des moustaches du banc. L’adjoint Denis Troch va devenir orphelin d’Artur Jorge dont le départ programmé a déjà été annoncé. Et le fait que c’est aussi pour eux une petite revanche face à l’une des trois équipes à les avoir vaincus cette année-là sur 38 journées. Pour ajouter un peu de piquant au spectacle, les Girondins de Rolland Courbis, avec un onze de départ pas franchement bancal, sont à la bagarre avec Auxerre, Nantes, Cannes et Montpellier pour une place en Coupe UEFA. « Nous avions une belle petite équipe cette saison-là avec Zidane, Dugarry, Vercruysse… J’avais passé une belle année, malgré ce gros PSG » , reconnaît Marcel Dib, qui avait posé son baluchon en Gironde cette saison-là seulement : « Même si le résultat final peut laisser entendre le contraire, on n’avait pas préparé ce match en dilettante. »

« Pas vu la chose comme une provocation »

Car même pour le plaisir et après que Paul Le Guen a reçu un trophée pendant le protocole – pour la série d’invincibilité tenue entre les 5e et 33e journées – les Parisiens ne savent pas prendre leur temps et démarrent pied au plancher. Après le premier quart d’heure de jeu, c’est justement le capitaine qui porte le premier toast de la soirée, en reprenant d’une reprise taclée un dégagement de la défense de l’entrée de la surface. « Ce match-là, je n’ai que peu de souvenirs. Mais quand tu en prends quatre en même temps, hein… » , souligne Marcel Dib. On a une mauvaise vue d’ensemble dans le brouillard. Alors dans la lumière, Vincent Guérin se remémore très bien cette partie : « On avait produit un très bon match, dans la lignée de ce qu’on avait fait précédemment, en déroulant le jeu à notre convenance. Avec un groupe aussi mature, nous avions, quel que soit le contexte, des exigences sur le terrain. » Tellement qu’à peine deux minutes plus tard, le ballon est encore dans la surface du portier Lionel Pérez. Dans le coin droit, Valdo élimine Didier Sénac d’un coup de rein, mais ne s’échappe pas, fauché. La faute sifflée par M. Lartigaut est logique, la suite plus surprenante.

Même préposés aux pénalties et n’ayant pas – encore – ouvert leur compteur-buts ce soir-là, George Weah et David Ginola sont beaux joueurs et laissent à Bernard Lama le soin de rejoindre la surface d’en face pour tenter de marquer son troisième but en pro. Le chat avait déjà marqué dans cet exercice à Lille, en 1989, puis à Lens, en 1992. Les supporters ont la banane devant ce duel de numéros 1. Et les joueurs, notamment les visiteurs, dans tout ça ? « Est-ce que c’était un moyen de chambrer ? Oui et non, je crois surtout que c’était surtout pour clore le spectacle. En tout cas, je n’ai pas vu de réaction hostile » , rassure Marcel Dib, rejoint dans ses propos par Vincent Guérin : « Ça s’est fait comme ça. Il n’y avait rien de préparé. Je crois qu’il voulait seulement participer à la fête, en étant davantage acteur qu’en tant que simple gardien de but. En tout cas, je ne l’ai pas vu se faire titiller par les Bordelais. C’était plus une affaire de gardiens… » Une fois n’est pas coutume, Lama se fait avoir en face à face, ouvrant trop son pied droit. Et Lionel Pérez de se relever en un éclair de rage pour signifier au gardien de l’équipe de France de l’époque qu’il ne peut pas tout se permettre.

Le match qui a coûté la place à Courbis

Le vrai fait marquant de ce match en somme. Derrière, c’est la balade des gens heureux. Le Guen y va de son doublé, en solo après un relais avec Valdo. Puis David Ginola plante son treizième cachou de la saison, ayant bien suivi sur un duel raté par le Libérien. Laurent Fournier est même tout près de mettre un quatrième bâtard dans le four. « Le pénalty raté de Bernard et le match en lui-même ont contribué à plonger un peu tout le monde dans l’allégresse. C’était une vraie joie pour tout le monde, je pense » , devine sans trop se risquer Vincent Guérin. Pour Bordeaux en revanche, l’affaire tourne à la piquette. « L’ambiance était à la folie, c’est clair. Ça faisait huit ans qu’ils attendaient un second titre. C’était la fête pour eux, pas pour nous. Tellement que si je me souviens bien, c’est après ce match que les présidents, Lange et Afflelou, ont décidé de ne pas reconduire Rolland (Courbis, ndlr) à la tête de l’équipe. »

La seconde période est anecdotique ou presque. Le montant ne veut pas d’un tir à angle fermé de Vincent Guérin. Didier Senac réduit le score de la tête sur corner à l’heure de jeu, dix minutes avant la onzième filoche de Weah, encore suite à un coup de pied de coin. Dès lors, le dernier quart d’heure est le moment de savourer, que ce soit pour les 35 000 spectateurs, Artur Jorge, tout sourire malgré les banderoles avec un H dans son blase, ou les champions de France, faciles jusqu’au bout. Encore plus que les actuels ? Vincent Guérin expédie la question : « Il y a certaines similitudes, mais c’est une autre génération, un autre football, un autre univers. Nous étions déjà très franco-français à l’époque. Le football français était aussi plus en haut de l’affiche, ce qui est un peu moins le cas. Aujourd’hui, Paris écrase quand même la concurrence, qui était plus au rendez-vous à l’époque. Quand on voit Paris qui en met cinq contre Nantes, qui est pourtant 6e, ça fait réfléchir sur la différence… »

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