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Le foot a-t-il changé en France depuis 2018 ?

Par Nicolas Kssis-Martov
4 minutes
Le foot a-t-il changé en France depuis 2018 ?

Deux ans. Deux ans que les Bleus nous ont gratifiés d'une deuxième étoile. Néanmoins, le vide laissé actuellement par l'arrêt du foot en France et l'annulation de l'Euro conduit forcément à regarder l'événement sous un autre angle, presque déjà celui de l'héritage. Que reste-t-il de la fête de juillet 2018 ? Les Bleus de Mbappé et Griezmann ont-ils autant marqué le pays que leur prédécesseurs de 1998 ? Bref, la deuxième étoile a-t-elle changé quelque chose ?

Forcément, la seconde fois marque moins les mémoires. La France de 1998 n’avait pour flatter son ego qu’un Euro remporté par les Bleus de Michel Hidalgo. L’Hexagone n’affichait aucun des signes extérieurs d’un pays de foot, ou du moins le ballon rond n’occupait clairement pas une place essentielle dans les préoccupations de nos concitoyens. Le Lens de Tony Vairelles venait de remporter le championnat et évoluer à Auxerre n’empêchait pas d’être capé. Il y eut un avant et un après. La Coupe du monde ne fut pas seulement la victoire d’une équipe black-blanc-beur emmenée par un entraîneur modeste, héros issu de la classe ouvrière de province… Ce fut le triomphe – Antonio Gramsci parlerait d’hégémonie culturelle – du foot qui, désormais, pouvait tranquillement étendre son empire et son emprise sur la République et la Patrie. L’EDF, en soi, changea aussi de dimension, tant sur le terrain économique que du poids de son enjeu politique, comme ont pu le découvrir les mutins et autres « caïds » de Knysna.

Presque normal

2018 survint dans un tout autre contexte. Tout le monde aimait ou donnait son avis, avec assurance, sur un sport devenu à ce point incontournable qu’il provoquait des crises politiques et servait désormais de porte d’entrée centrale pour les débats de société. La nation entière a fait la fête dès les quarts de finale avant de se terminer dans une orgie de fumis (la culture ultra s’était démocratisée entre-temps), de pintes blondes et de stories Instagram.

Surtout, cette finale gagnée à Moscou semblait normale, presque inéluctable. Fini le défaitisme traditionnel, réservé à quelques commentateurs de plateaux télé. Un succès annoncé ne laisse donc pas derrière lui les mêmes traces et les mêmes effets que le miracle apporté par l’onction d’un Aimé Jacquet. 2018 n’a pas non plus inscrit le foot français sur la carte de la FIFA ou dans les carnets de notes des agents de joueurs, il s’y trouvait déjà. La seconde étoile n’a pas davantage affecté une Ligue 1 qui, à l’exception du PSG, sait pertinemment que les internationaux, surtout titulaires, ne restent plus sur ses pelouses et que son économie repose en partie sur les flux économiques du mercato.

Victoire logique, fête confisquée

L’étrange impression qui domina la rentrée puis la reprise se révéla alors celle d’une continuité, d’une restauration, bien plus que d’une révolution. Nous étions champions du monde. Nous avions fait la fête dans la douceur estivale, mais presque de manière utilitaire, à la façon d’une fête de la musique où tout le monde se lâche pour l’arrivée de l’été, puis retourne à ses obligations. Tout le monde s’est grimé de bleu, mais cette fois-ci, les discours unanimistes ou rassembleurs se firent plus discrets. Personne ne crut que les drapeaux et les accolades sur les Champs-Élysées avaient permis de réconcilier le peuple divisé (Marine Le Pen avait fait 34% au second tour de la présidentielle), et bientôt, la plus belle avenue du monde deviendrait un champ de bataille pour la grande geste des Gilets jaunes.

L’exemple de cette banalisation de l’événement est d’ailleurs venu d’en haut. Notre président de la République a monopolisé, pour son bon plaisir, des Bleus de retour de Russie, au point de les dérober à la ferveur de la foule massée à la Concorde. Avec un Benalla promis à un bel avenir, qui souffle à l’oreille du chauffeur de bus… Les héros à crampons y perdirent là une communion populaire qui se ne récupère vraiment jamais. Car l’occasion de laisser une empreinte dans la mémoire collective ne se rattrape pas.

Crise du Covid-19 et esprit 2018 ?

Faut-il s’étonner ensuite de la difficulté à découvrir un esprit « France 2018 » . Bien sûr, on peinerait à trouver la moindre conséquence bénéfique pour une L1 qui continue de chercher son modèle économique en priant pour qu’enfin, le PSG ramène une Ligue des champions. Le poids du foot a rencontré ses limites lors des aléas et des drames qui ont ponctué, voire suspendu, la vie du pays. On songe naturellement à la crise sanitaire du coronavirus où l’État régalien sacrifia la fin de saison, pendant que le Tour de France sauvait sa peau en 2020.

Autre exemple : le traitement réservé à Karim Benzema en disait finalement plus long sur les tensions mémorielles qui traversent notre présent que la communication sans aspérité autour de ces Bleus de 2018. Le foot ne cesse en effet de fuir les débats de société plutôt que de les anticiper (homophobie, violences sexuelles, racisme, etc.). S’il n’y a qu’une leçon à tirer de France 2018, elle se situe peut-être ici : jamais le foot ne fut autant interpellé, et jamais il ne resta autant silencieux.

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Par Nicolas Kssis-Martov

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