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Le carnet tactique de PSG-Manchester City

Par Maxime Brigand
Le carnet tactique de PSG-Manchester City

Après 45 minutes passées à discuter entre les lignes grâce, entre autres, aux idées de Verratti et aux envolées de Di María, le PSG s'est fait retourner par Manchester City (1-2) et a laissé les hommes de Pep Guardiola le cuire à l'étouffée au cours d'une seconde période maîtrisée dans tous les registres par les visiteurs du Parc. Voilà comment.

Wembley, le 20 mai 1992. Alors que le FC Barcelone s’apprête à vivre la troisième finale de C1 de son histoire, Johan Cruyff se présente face à ses joueurs. Ces derniers se baladent depuis plusieurs jours avec un visage tendu et ne parlent entre eux que d’une chose : leur défaite six ans plus tôt, au même stade de la compétition, face au Steaua Bucarest. Pour tuer le temps et se vider l’esprit, Andoni Zubizarreta s’amuse alors à compter avec certains de ses partenaires le nombre de marches à gravir avant de soulever la coupe. Le soir de la rencontre, finalement remportée face à la Sampdoria, Cruyff, lui, ne demande qu’une chose à son groupe : « Salid y disfrutad. » De sortir et de s’amuser autant que possible. « J’ai retenu cette leçon, s’amusait à rembobiner Pep Guardiola mardi, à la veille de s’installer à la table de sa demi-finale aller de Ligue des champions face au PSG et d’y dénouer sa serviette. J’ai retenu que lorsqu’on arrive à ce stade de la compétition, il n’y a qu’une chose à faire : c’est d’apprécier et profiter. Si les meilleurs joueurs réussissent dans cette compétition, c’est justement parce qu’ils parviennent à apprécier ces moments. Et si les grands clubs gagnent, c’est parce qu’ils abordent ces rencontres comme des matchs amicaux. Mercredi soir, c’est aussi ce que je veux voir de mon équipe. Parce qu’on a le privilège d’être l’une des quatre meilleures équipes d’Europe cette saison et qu’il faut en profiter. Il ne faut pas penser aux conséquences d’une défaite, mais au plaisir et au bonheur qui naissent d’un tel moment. » Le bonheur, c’est justement dans quoi baigne Guardiola, lui qui a su retaper au fil des derniers mois un Manchester City désormais animé à grande majorité par des milieux de terrain capables de jouer tous les rythmes et de déstructurer tous les blocs qu’ils croisent. Mercredi soir, à Paris, ce bonheur passait par une victoire et pour l’obtenir, l’entraîneur catalan n’avait demandé qu’une chose à ses soldats : « Messieurs, pour s’imposer, on devra avoir la possession. C’est la seule solution. »

Zone à risque, part de l’Ange et Marco Prince

Tout simplement car avoir le ballon, c’est s’assurer que l’adversaire n’en profite que par petites séquences. Face à un PSG capable de cogner à la moindre brèche, cela peut s’avérer être vital. Pour Pep Guardiola, avoir le ballon au Parc, c’était aussi se donner la possibilité de maîtriser le temps et de se couvrir des bourrasques. Face à Dortmund, l’Espagnol avait déjà, dans cette logique, décidé d’aligner un onze composé des « joueurs qui perdent le moins le ballon ». Sans surprise, c’est aussi avec eux que Guardiola s’est présenté à Paris tout ayant conscience que son Manchester City concèderait des occasions face à des Parisiens qui se sont présentés avec leur onze fort, notamment renforcé par le retour de Marco Verratti, absent des deux manches du tour précédent. Problème pour le leader de Premier League : mercredi soir, Guardiola a d’abord vu son équipe traverser 45 premières minutes « très compliquées », sans jus, et lors desquelles l’entrejeu citizen a peiné à empêcher Leandro Paredes, Neymar, Ángel Di María et Marco Verratti de discuter entre eux. Ce qui nous ramène au double problème posé plus haut : la structure et la nécessité de bien utiliser le ballon. Mais aussi à la face A de ce PSG-Manchester City : la première période.

Une première période que le PSG a dominé dans les chiffres (1 but, 9 tirs à 4) et dans les faits grâce à sa faculté à sortir le ballon en enjambant plutôt facilement les barrières et à profiter de plusieurs mauvais choix d’un Manchester City qui a clairement affiché son plan lors du premier acte : construire à gauche (46,5% des attaques sont arrivées de ce côté lors des 45 premières minutes, et Cancelo, Gündoğan et De Bruyne ont été parmi les Mancuniens les plus touchés) pour ensuite pouvoir atteindre à l’opposé Mahrez, scotché sur le côté faible parisien (celui de Bakker, titularisé à la suite de l’absence de Diallo). Mais City a mis une mi-temps entière à entrer dans son match et s’est longtemps refusé à attaquer la profondeur en ne profitant notamment pas des quelques espaces créés par les projections axiales de Bernardo Silva, qui est venu se mettre au niveau de Bakker pour libérer Mahrez. À gauche, autre frein : Cancelo n’a pas évolué assez à l’intérieur du jeu et a automatiquement poussé Gündoğan à évoluer un cran plus bas que d’habitude, ce qui a limité dans un premier temps son rayonnement.

City a eu de multiples séquences de la sorte en première période, mais a souffert d’un gros déchet : ici, Gündoğan va complètement manquer son ouverture pour Mahrez, alors que Bernardo Silva a pourtant réussi à attirer Bakker.

Là, c’est Rodri qui va envoyer son ouverture directement vers Navas.

Et ici, Kyle Walker va marquer une pause et servir Mahrez dans le mauvais timing, envoyant directement le ballon en touche.

Finalement, la seule occasion mancunienne de la première demi-heure est arrivée au bout d’une séquence classique : l’ouverture entre le central et le latéral, dans une zone absolument mortelle. Sur cette occasion, Navas a été vigilant face à Bernardo Silva.

Si Guardiola a vu sa troupe légèrement gagner la bataille de la possession lors du premier acte (54%), c’est le maillage interne de Manchester City qui a fait tiquer, plus que le 4+2 installé à la relance, qui l’a aidé à ne pas se faire avoir en transitions. C’est lui qui a permis au PSG, porté par un Verratti impeccable techniquement (100% de passes réussies, dont une très large majorité dans le camp anglais lors de la domination parisienne) et par un Di María de gala à tous les niveaux (4 tirs, 1 passe décisive, 1 passe-clé, 2 interceptions, 3 ballons récupérés, 5 dribbles réussis, record du match), de confectionner 45 premières minutes de très bon niveau.

Dès la première sortie de balle parisienne, il a été possible d’identifier les soucis des Mancuniens, organisés en 4-4-2 sans ballon.

Car, alors que Mahrez sort presser sur Kimpembe, Bernardo Silva va se retrouver dans un casse-tête…

Preuve : le Portugais se déporte pour couvrir une potentielle passe d’Idrissa Gueye vers Bakker, alors que personne ne contrôle… Gueye. Résultat, également aidé par le décrochage de Verratti, le cœur du jeu est vidé…

… Gueye peut alors tranquillement percer le milieu de City et trouver Mbappé, qui va ensuite pouvoir jouer avec Verratti.

Le PSG s’est ainsi d’abord régalé dans les sorties de balle, à l’image de cette passe de Paredes, souvent placé entre Marquinhos et Kimpembe pour relancer, pour Verratti.

Les cerveaux parisiens ont ensuite pu s’offrir quelques belles séquences et piquer dans les brèches ouvertes, notamment une souvent utilisée…

… l’utilisation de Florenzi dans le dos de Cancelo, facilement aspiré par le positionnement de Di María.

Au fil de la première période, on a aussi vu Neymar décrocher sur certaines séquences pour faire avancer le ballon comme ici…

… et d’autres passes casser le bloc de City.

Malgré de nombreuses séquences pimentées et le fait que Manchester City a tiré la langue sur plusieurs mouvements, si ce n’est sur les lancements en profondeur où le duo Stones-Dias s’est régalé, le PSG, qui n’a d’abord pas hésité à chasser assez haut, ne s’est finalement créé que peu de grosses occasions lorsqu’il a eu le match en mains.. Que retenir ? La première occasion en contre de Neymar (2e) après une récupération haute de Di María dans les pieds de Rodri, le formidable une-deux dans la surface entre Neymar et Verratti (13e) suivi d’une bonne tentative du meneur de jeu brésilien, et la maigre cartouche pour Bakker (34e) après une belle ouverture de Verratti mal négociée par Mbappé. Les Parisiens ont surtout été dangereux sur phases arrêtées : le but de Marquinhos, qui a de nouveau fait parler sa science du placement et a puni pour la énième fois une défense en zone, est arrivé sur corner et Paredes a aussi vu l’un de ses coups de casque passer tout près du but d’Ederson.

Début de la situation, avec un Marquinhos qui part de nouveau de loin…

Paredes joue un rôle essentiel en faisant écran sur Ruben Dias…

Marquinhos, lui, va facilement échapper à Gündoğan, puis venir sauter sous le nez d’un Ruben Dias contrôlé par Paredes : clinique.

Au-delà du score, satisfaction à la pause pour Pochettino : son PSG, tenu par un duo Di María-Verratti, placé avec ballon autour du double pivot mancunien et qui a été précieux dans son repli intérieur en phase défensive, mais aussi dans sa fermeture à double tour des demi-espaces, a d’abord réussi à éteindre Manchester City. Les Mancuniens n’ont alors été dangereux que sur une tentative de Foden consécutive à une sortie de balle avortée par une récupération haute de Walker, qui a réussi à contrôler sans trop sourciller Mbappé tout au long de la soirée, à l’image de ce qu’il avait fait avec Aubameyang il y a quelques mois, qui a aidé à sonner la révolte (42e).

L’une des clés centrales de la réussite de la première période du PSG : le positionnement intérieur de Verratti et Di María, qui ont parfaitement coupé l’accès aux demi-espaces (donc à De Bruyne et Bernardo Silva) là où Gueye a ressorti son costume de Monsieur Propre (5 ballons récupérés).

Le réveil de la bête et les ajustements

Mais que s’est-il passé pour que tout bascule ? Pep Guardiola : « L’équipe a su se réadapter, et on a produit un jeu qui nous ressemble en seconde période. On a retrouvé de l’agressivité et de l’intensité, avec et sans ballon. On a réussi à trouver les bonnes solutions, de la fluidité dans notre jeu… » Tout a changé, brusquement, entre les courses enfin présentes et les appels soudainement déclenchés dans les demi-espaces (c’est l’un d’eux, effectué par Kyle Walker, qui conduit au corner qui a précédé le but inscrit par De Bruyne). Deux ajustements ont notamment aidé à ce changement dans le rapport de force : le changement de masque de Phil Foden, qui, lassé de rester le dos à la ligne de touche (ce qui devait initialement étirer le bloc parisien, mais a plutôt amputé Guardiola d’une solution dans le cœur du jeu), a commencé à se balader entre les lignes, et la mise sur pied d’une astuce pour ne plus subir les sorties de balle parisiennes (une astuce assez similaire à celle sortie par Guardiola au retour à Dortmund)..

En seconde période, Foden, à gauche de De Bruyne, a davantage cherché à embrouiller les Parisiens entre les mailles.

Map de sa première période….

Map de la seconde.

Sans surprise, c’est lui qui a été trouvé par Mahrez, plein axe, et qui a obtenu la faute sur le coup franc qui amène le deuxième but inscrit par l’international algérien.

Et l’astuce évoquée : en seconde période, Guardiola a demandé à son City de s’organiser en 4-4-2 en phase défensive et à la paire Bernardo Silva-De Bruyne de se relayer pour contrôler Paredes et ainsi ne jamais laisser l’Argentin lancer le jeu. On le voit ici avec Bernardo Silva…

… et ici avec De Bruyne.

Grâce à ses réglages, on a retrouvé le City qui chante entre les lignes, qui pose ses circuits favoris sur la table (appel d’un élément entre le latéral et le central, ce qui peut offrir soit un corner soit un centre en retrait ; diagonales vers les zones indéfendables), qui attaque à cinq éléments, qui respecte le jeu de position, qui se laisse guider par un Gündoğan retrouvé à une hauteur optimale en seconde période, qui pique par Mahrez (l’Algérien a aussi été le joueur qui a récupéré le plus de ballons mercredi soir, 7) et qui laisse Ruben Dias baliser magnifiquement le terrain pour éteindre tout doucement Neymar. Kylian Mbappé, souvent cherché en vain en profondeur, ne s’est lui jamais vraiment réveillé dans la nuit, même si on a vu l’attaquant français être tout près d’offrir un but à Verratti en début de seconde période. City a alors repris le contrôle de l’espace et le plaisir de chasser dans toutes les zones tout en s’amusant à contenir un PSG sans solution et coupé en deux dans son camp, qui s’est entêté à sortir au sol et qui, de plus, n’a pas été forcément aidé par un Navas loin d’être impérial dans son jeu au pied.

Preuve du changement de ton : Cancelo vient ici empêcher Di María de démarrer alors que Dias surveille Neymar de près.

Lors de la deuxième période, City, aidé par un Zinchenko qui a effectué une entrée en jeu de très grande qualité en remplacement d’un Cancelo structurellement dépassé en première période, est alors redevenu ce monstre qui, contrairement au Bayern, ne lâche que des miettes. On parle de l’équipe d’Europe qui concède le moins de tirs par match en C1 cette saison et qui n’en a concédé mercredi… aucun après la pause. Lorsqu’il maîtrise, City se plaît également à passer son adversaire à l’essoreuse grâce à de longues séquences de possession (City a eu le ballon 66% du temps lors des 45 dernières minutes) tout en le matraquant à l’intérieur, zone que Guardiola adore et à propos de laquelle il a un jour dit : « En football, il n’y a qu’une bonne manière d’attaquer : c’est en attaquant l’axe. Au basket, ils font le pick and rollet, si c’est fermé, oui, ils cherchent ensuite l’extérieur. J’ai le même désir. » Le leader de Premier League s’est mis à enchaîner les passes courtes, qui sont les plus efficaces, car les moins manquables et les plus rattrapables, et à défendre avec ballon tout en faisant reculer le PSG à coups de marteau. Inlassablement, jusqu’à rendre fou Idrissa Gueye, expulsé dans le dernier quart d’heure pour un tacle assassin sur Gündoğan.

Séquence preuve de l’amélioration du pressing à la perte de City en seconde période.

Et de son jeu entre les lignes qui a grimpé de trois niveaux en passant à un 3-2-5 plus varié.

Marco Verratti n’a alors réussi que deux passes dans le camp de City là où il en avait réussi 19 en première période. Neymar, lui, en a réussi sept, record pour un joueur parisien lors d’une deuxième partie de soirée interminable pour les supporters parisiens, qui n’ont jamais pu se mettre un contre convenable sous la dent, et au bout de laquelle Phil Foden aurait pu planter un troisième poignard. « On a passé la deuxième mi-temps trop derrière, sans réussir à sortir, a soufflé Marquinhos avant de filer. City a joué plus haut, s’est montré plus agressif et ça sera la difficulté à surmonter au prochain match. » Ça et quelques autres. Ce matin, le PSG peut regretter de ne pas avoir su capitaliser sur sa première période alors qu’il avait la place de le faire. Il lui reste 90 minutes pour tout changer après 90 premières qui auront montré l’importance de réussir à ne pas descendre trop bas dans ses temps faibles, de jouer avec le tempo et la nécessité de savoir pourquoi et comment conserver intelligemment un ballon. Sûr de son groupe et de ses armes, Pep Guardiola a réussi à couper le courant après une mi-temps passée à régler sa structure. En honorant le souvenir de Cruyff et en regardant ses hommes s’amuser comme des enfants en seconde période, mais aussi en assumant – progressivement – son identité. Et c’est ainsi que la première manche est tombée au creux de ses mains face à une équipe qui n’était peut-être pas préparée à voir les choses lui échapper.

Dans cet article :
Brighton renverse un Manchester City toujours malade
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