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La véritable histoire de la publicité Leader Price avec Zinédine Zidane
Un portrait de Zidane. Un slogan : « J’adore vous faire gagner. » Et c’est tout. Voici l’histoire en 4 par 3 de la célèbre publicité de Leader Price. À jamais la première dans la longue liste du sportif français le plus sponsorisé de l’histoire.
Comme souvent dans la vie, tout commence par un coup de fil. 14 octobre 1998, Willy Huret est directeur de la création au sein d’une agence française du géant américain de la publicité Leo Burnett. Ce jour-là, un copain lui propose d’aller voir le match des Bleus face à l’Andorre au Stade de France. En tribune présidentielle. D’abord hésitant, le publicitaire accepte lorsque son pote lui annonce qu’ils pourront ensuite dîner avec les joueurs. Bien lui en prend. Lors du fameux repas, le hasard le fait s’asseoir juste à côté de Zidane. « Je lui ai demandé d’emblée :« Zinédine, McDo va faire une campagne avec le crâne de Barthez. On ne vous a rien proposé ? » Il m’a dit que non. »Willy lui promet de chercher activement. Les deux hommes se tapent dans la main. Le footballeur probablement sans y croire, le publicitaire avec la certitude qu’il tient le bon filon. « Le phénomène Zidane réside dans le fait qu’il n’a jamais été discuté, contrairement à beaucoup d’autres, explique-t-il aujourd’hui. La ligne Zidane, c’est une autoroute. » Dès le lendemain, Willy Huret a une première idée : associer ZZ à un autre champion du monde. La 206 de Peugeot, n°1 incontestée en rallye. Peu convaincu, le constructeur automobile laisse poireauter le publicitaire.« C’était horrible : Zizou pouvait oublier notre rencontre ou signer n’importe où. Et là, j’ai eu une idée, un flash. »
« Pas le plus beau portrait de l’année »
Un flash en forme de carré bicolore rouge et bleu. Un ami lui a récemment parlé de Leader Price. Alors il se précipite dans les bureaux de Jean-Marc Soula, responsable de la publicité de l’enseigne. Qui saisit l’opportunité au bond. Willy Huret sait d’emblée où il veut aller :« Cumuler deux ascensions : Zidane avait rassemblé à la Coupe du monde, et Leader Price tentait de réunir autour de la promesse du rapport qualité-prix. » De ce postulat, l’équipe créa arrive à un slogan simple, mais efficace : « J’adore vous faire gagner ». Comprendre : sur le terrain comme dans les rayons. Ne reste plus qu’à s’attacher les services de ZZ, pas difficile à convaincre. Peut-être parce qu’il trouve aussi dans cette campagne un certain intérêt. « On a tendance à penser que les marques vont chercher des stars pour tirer leur notoriété, mais là, ça a été dans les deux sens, rappelle Jean-Pierre Mialon, créatif à l’époque chez Leo Burnett, qui a aussi travaillé sur le brief.Ça a donné un coup de pied au cul à l’entreprise, mais ça a aussi été un tremplin pour Zidane. Il y avait tout à gagner pour deux « marques » qui démarraient ensemble. »
Sitôt les grandes lignes du projet validées, Willy Huret se remet en contact avec Zidane, et lui rend visite à Turin à quelques reprises pour le shooting photo des portraits. « À chaque fois, je me trompais,se souvient-il. J’amenais toujours des chemises trop amples, parce que Zidane était filiforme. » À l’arrivée, lorsque les visuels prennent forme, leur authenticité compense leur spontanéité.« Ce n’était peut-être pas le plus beau portrait de l’année, appuie Jean-Pierre Mialon, mais ça paraissait proche des gens, plus simple. » Début 1999, la campagne est lancée. Elle recueille d’emblée un succès populaire insensé.« On avait produit des T-shirts à l’effigie de Zidane. On en distribuait 250 000 par semaine. C’était fou. » À telle enseigne que les dirigeants de l’entreprise eux-mêmes se prennent au jeu : Jean-Charles Naouri, patron de Leader Price, fait installer dans son bureau une découpe carton de Zidane en taille réelle. En un an, la notoriété cumulée du hard-discounter du groupe Casino est passée de 23 à 74% et ses parts de marché ont progressé de 3,7 points. Loin devant ses concurrents directs.
1,5 million de francs de cachet
« Il serait impossible de refaire ça aujourd’hui, affirme Jean-Pierre Mialon.Surtout dans un temps aussi court et en dépensant si peu. » Un peu plus de 1,5 million de francs selon un ancien dirigeant du groupe de magasins, soit environ 305 000 euros. À l’époque pourtant, la campagne est critiquée. Certains publicitaires concurrents lui reprochent d’avoir « fait n’importe quoi avec Zidane ». Jalousie pour Willy Huret :« C’est toujours pareil quand quelqu’un réussit un coup… Quand je l’ai revu il y a quelques années, Zidane a reparlé de la campagne avec une émotion sincère. » Pour Zizou, de fait, la campagne est le point de départ d’une aventure qui fera de lui le sportif chouchou des annonceurs.« Des groupes comme Dior, Canal et Ford sont ensuite arrivés très rapidement. »Un an plus tard, Zizou crée d’ailleurs Zidane Diffusion, une entreprise dirigée par ses frères et sa sœur, qui emploie également son beau-père Antoine Fernandez et son ami d’enfance Mustapha Mazouz, pour gérer des offres toujours plus nombreuses. « C’eut été logique qu’il commence par une entreprise comme Dior,résume Jean-Pierre Mialon. Mais le pied de nez, et ce qui m’a toujours fait plaisir, c’est que le coup a été fait par Leader Price. »Willy Huret, lui, garde en mémoire la relation de confiance bâtie avec le n°10 français :« Il a été fantastique. C’est un homme qui ne parle pas beaucoup, mais il est très sensible. Je lui avais ainsi proposé de mettre sa silhouette sur des cabas. Il a refusé en me disant qu’on finissait toujours par les retrouver par terre. Il ne voulait pas qu’on lui marche dessus. »
Article issu de notre livre consacré à Zinédine Zidane, disponible ici.
Par Valentin Lutz