S’abonner au mag
  • Bundesliga
  • 50 ans, 50 histoires
  • N°50

La tragédie de Schalke, champion pendant (0)4 minutes

Par Ali Farhat
La tragédie de Schalke, champion pendant (0)4 minutes

Le 24 août 2013, la Bundesliga a « officiellement » soufflé ses 50 bougies. Pour l'occasion, voici 50 histoires, petites et grandes, qui ont fait la légende de ce championnat situé outre-Rhin. À déguster avec une bonne bière bien fraîche, bien sûr. 1er de notre classement, la tragédie du FC Schalke 04. Ou comment le club de la Ruhr, qui attendait le titre depuis 43 ans, a été champion pendant 4 minutes et 38 secondes ce 19 mai 2001, avant qu'un coup franc de Patrik Andersson à Hambourg ne sacre finalement le Bayern Munich. Marc H., abonné à Schalke depuis 23 ans, fait le récit de cette journée mémorable, mais surtout cauchemardesque.

Le contexte

« À quelques journées de la fin de ce championnat, l’équipe était au top. On avait un superbe trio d’attaque, avec Ebbe Sand, Emile Mpenza et Andreas Möller – qui venait de Dortmund et qui n’avait rien pour être aimé, du moins au début. On a fait une super phase retour, ponctuée par une victoire 3-1 sur la pelouse du Bayern. C’est à ce moment-là que nous, les supporters, on s’est dit :« Merde, il y a peut-être un truc à faire. » À Schalke, on n’oublie jamais d’où l’on vient. Dix ans en arrière, on était en D2. On était endettés, on se battait pour ne pas descendre. La victoire en finale de Coupe de l’UEFA face à l’Inter en 1997, ça relevait presque du miracle, quand tu vois les deux équipes sur le papier. Bien sûr, le club a beaucoup évolué dans les années 90, et on allait avoir notre nouveau stade. Mais aucun de fan de Schalke ne pensait vraiment que le club aurait la possibilité de gagner le championnat dans un futur proche. »

« Non seulement on bat le Bayern chez lui, mais en plus, on prend la tête du championnat. Mais les journées d’après, on fait n’importe quoi. On fait match nul à Bochum, lanterne rouge, et on perd à Stuttgart (qui lutte pour ne pas descendre) à la 33e journée. Ce qui est fou, c’est que Balakov marque le but du 1-0 pour le VfB, et que dans le même temps, à Munich, Alexander Zickler donne la victoire au Bayern face au 1. FC Kaiserslautern. Et le Bayern nous repasse devant juste avant la dernière journée. Ils ont trois points d’avance. Mais on a une meilleure différence de buts qu’eux – il n’y a pas beaucoup d’équipes qui peuvent se réjouir d’avoir une meilleure différence de buts que le Bayern. Mais bref, peu importe : normalement, tu te dis que c’est fini. MAIS : avec Schalke, tout est beaucoup plus dramatique. »

Avant-match

« Pour le dernier match, on affrontait Unterhaching, encore une équipe qui lutte contre la relégation. Dans nos têtes, le titre, c’était du passé. Maintenant, il fallait que Schalke gagne pour consolider la deuxième place et se qualifier pour la première fois de son histoire pour la Ligue des champions. Le Bayern qui perd à Hambourg, impossible. Personnellement, mon seul espoir résidait en Sergej Barbarez. Vu qu’il se battait pour le titre de meilleur buteur du championnat, j’espérais qu’il puisse au moins en mettre un au Bayern. Voilà, c’était mon seul espoir, aussi infime soit-il. »

« Je suis allé au stade avec mon père, qui avait connu le dernier titre de 1958, ainsi qu’avec des amis. Comme il n’avait pas de billets pour la Nordkurve, on est tous allés dans la Südkurve. Là, il y avait un écran géant installé au-dessus de nous. Un écran qui donnait les résultats à la mi-temps, rien de plus. »

1re mi-temps

« Le match commence n’importe comment. À la 3e minute, Unterhaching mène 1-0. Schalke joue très mal, et s’en prend un deuxième à la 27e. À ce moment-là, j’ai pensé : « C’est pas possible ! Non seulement on va pas être champions, mais en plus, on va même pas réussir à se qualifier pour la LDC pour la première fois de notre histoire, tout ça parce qu’on va encore perdre contre une équipe qui se bat pour pas descendre ! » Mais nos joueurs se bougent, et finissent par revenir au score : Nico Van Kerckhoven d’abord, Gerald « Blondie » Asamoah ensuite, le tout à quelques minutes de la mi-temps. Et du coup, le public s’est réveillé. Dans les tribunes, on a commencé à se dire : « Merde, rien à foutre, on va gagner ce putain de match. » À Hambourg, il y avait 0-0 à la mi-temps. On se disait que plus le temps passait, si le score ne bougeait pas, plus Hambourg avait de chances d’en coller un. Et je pense que, comme à Hambourg, les joueurs de Munich ont vu que Schalke étaient menés, alors ils ne se sont pas plus bougés le cul que cela. Unterhaching nous empêchait de mener, ils ont dû se dire qu’on se tirait nous-mêmes une balle dans le pied, et du coup, ils n’avaient pas besoin de gagner pour remporter le Meisterschale. »

« À la mi-temps, je voulais juste qu’on gagne ce match. Après une telle saison, cela m’aurait fait mal de ne pas accéder à la Ligue des champions, d’autant plus que c’était Dortmund qui était 3e et qui nous menaçait directement. Je voulais juste qu’on marque un but, et qu’au moins, on joue la LDC. Mais la mi-temps est longue, et propice aux calculs. En fait, on n’avait besoin que de deux buts : un ici, un à Hambourg, et le titre était à nous. »

2e mi-temps

« Mais évidemment, comme c’est Schalke, il se passe de nouveau n’importe quoi. Et on se retrouve menés 2-3 à la 69e. Et puis arrive Jörg Böhme. Qui marque deux fois en deux minutes. Boum ! On mène 4-3. À partir de là, le match était plié. Unterhaching ne s’en est pas relevé. Ils étaient KO debout. On ne pouvait plus perdre le match. Du coup, on a commencé à suivre le match de Hambourg à la radio. Pas de smartphones à l’époque, et pas d’images sur l’écran géant durant le match. Seuls les scores sont affichés. »

« Et puis arrive la fin de match. Ebbe Sand met le but du 5-3 à la 89e minute, et quelques secondes après, on entend dire dans les tribunes qu’il s’est passé quelque chose à Hambourg. Avant même que le speaker du stade n’officialise quoi que ce soit, il y a un bruit qui se répand dans tout le Parkstadion comme une traînée de poudre. Des mecs qui, pendus à leur radio, crient que Hambourg mène 1-0. Et tu vois tout ce stade, qui affiche complet pour sa dernière (65 000 spectateurs payants, et sûrement d’autres, ndlr), qui grouille, qui bouillonne. Tu comprends que Hambourg a marqué, mais tu attends encore que le speaker le valide. Ce qu’il fait. »

Schalke 04 champion…

« Et là, tu n’y crois pas. Le match le plus étrange de la saison vient de se dérouler sous tes yeux, et ce que tu n’espérais même plus vient d’arriver : Sergej Barbarez vient de marquer à la 90e minute le but du 1-0 pour le HSV. À côté de ça, le triomphe en Coupe de l’UEFA, c’était devenu que dalle. Regarde l’enchaînement des événements : tu perds le titre au cours des trois dernières journées, et à la dernière minute de la saison, la chance revient. Et Schalke 04 va être champion d’Allemagne. Tu es là, tu n’y crois vraiment pas. Immédiatement, la question qui est sur toutes les lèvres est : combien de temps reste-il à Hambourg ? Et là commence le drame. »

« L’arbitre siffle la fin du match. Les joueurs sont contents, mais c’est encore très contenu. Certains restent sur la pelouse, d’autres vont dans les vestiaires. On ne sait pas vraiment ce qui se passe. On sait que le match à Hambourg ne va pas durer éternellement, alors on attend. Enfin, pas tout le monde : certains supporters commencent à escalader les grillages, la saison est terminée, Hambourg mène 1-0. Ils veulent aller sur la pelouse voir leurs héros. De mon côté, j’étais content, mais j’attendais le résultat à Hambourg. J’ai observé Rudi Assauer, Charly Neumann, bref, les gars importants de Schalke, pour voir comment ils réagissaient. S’ils commencent à faire la fête, c’est que c’est bon. »

« Assauer reçoit la fameuse nouvelle du journaliste dePremiere (l’ancêtre de Sky, ndlr), qui lui dit que c’est fini à Hambourg, que Schalke 04 est champion d’Allemagne pour la première fois depuis 43 ans. Et Assauer commence à faire la fête. À ce moment-là, tu y crois vraiment. Tu es champion d’Allemagne. »

… pendant un peu plus de quatre minutes

« Et là, ils allument l’écran géant derrière nous. Ça joue encore à Hambourg. Beaucoup pensent au début qu’il s’agit d’une rediffusion, et ne font pas vraiment attention. Il faut dire qu’il y a des milliers de fans en train de faire la fête, là, devant toi. Et puis tu te retournes, et tu te dis : « Mais ce n’est pas une rediff. » Le score est de 1-0, on joue la 93e minute. C’est du direct ! Et puis arrive l’action malheureuse de Matthias Schober (formé à Schalke, prêté par Schalke au HSV, ndlr) qui, au lieu de dégager ce putain de ballon en tribunes, le prend à la main, parce qu’il est pas très serein. L’arbitre Markus Merk siffle un coup franc indirect pour le Bayern dans la surface de Hambourg, pour une passe en retrait. Pour moi, ça n’en est pas une, pour Merk, ça en est une, mais bon… Merk n’aura plus le droit d’arbitrer un seul match de Schalke après ça. »

« D’un côté, tu vois ça sur l’écran géant, de l’autre, tu vois des milliers de fans de Schalke sur la pelouse, en train d’en arracher des morceaux pour les garder en souvenir. Tu es entre deux mondes. Tu vois des mecs faire la fête, et tu vois clairement qu’ils ne voient pas ce qui est en train de se passer. Patrick Andersson va pour tirer le coup franc. Et bien qu’il soit à 7 mètres et qu’il y ait tous les joueurs de Hambourg sur leur ligne de but, j’ai senti qu’il allait la mettre. Et tu comprends qu’après avoir été champion pendant 4 minutes et 20 secondes, ton rêve va s’effondrer. »

Vidéo

« Andersson tire, et marque. La résolution de l’écran géant n’était pas tip-top, donc je n’ai pas bien vu comment est partie la balle, si elle est rentrée ou non. Mais j’ai vu les joueurs du Bayern fêter le but. Et je suis là, debout, dans les tribunes, à comprendre qu’on n’est pas champions. Je fais la gueule. Puis je me tourne vers la pelouse du Parkstadion. Et là, tu vois la moitié du public qui se trouve sur la pelouse qui croit toujours que Schalke 04 est champion. Une scène surréaliste. Et là, petit à petit, tu vois les gens qui commencent à se rendre compte du truc. Tu sens l’information qui circule d’une personne à une autre, tu vois tous ces visages qui changent, qui passent de la joie au désespoir. Tu as des gens qui s’évanouissent, d’autres qui commencent à pleurer toutes les larmes de leur corps, d’autres qui tombent à genoux et qui bouffent littéralement la pelouse tout en sanglotant. Tu vois ça, et tu n’y crois pas. »

« J’étais sous le choc. Tu sais que tu n’es pas champion d’Allemagne, mais tu n’en as pas pleine conscience. Et alors imagine ceux qui font la fête en bas. Tu vas les voir et tu leur dis : « Arrête, on n’est pas champions, le Bayern a égalisé à la fin. » Et eux, ils ne l’ont pas vu de leurs yeux. Imagine à quel point ils n’ont pas dû comprendre ce qui se passait, à quel point ils ont dû se sentir mal ensuite ! Et lentement, les gens ont commencé à quitter le stade. Une vraie marche funèbre. Pourtant, notre raison nous avait dit que gagner le titre était quelque chose d’irréaliste, qu’on avait fait de la merde les journées d’avant et que c’est déjà bien de se qualifier pour la LDC pour la première fois. Mais le cœur dit autre chose. Le cœur a mal. Nous sommes en état de choc. »

« Quand je suis rentré avec mes potes, on est allés acheter plein de bières, on a bu toute la nuit, on a regardéSportschau (équivalent de l’ancien Téléfoot, ndlr), puisDas aktuelle Sportstudio, et je crois même qu’on a regardé une rediffusion duSportschausur une autre chaîne. On ne s’est pas dit un mot de la soirée, mais on s’est infligé une véritable séance de torture. Et je suis sûr que ce n’était pas une passe en retrait, je suis sûr qu’il n’y avait pas coup franc indirect dans la surface. Nous sommes un club de névrosés. Cette perte du titre en 2001 explique en partie pourquoi nous n’avons pas été capables de gagner le titre en 2007, alors qu’il était à notre portée. On a fait un blocage. Si la Bundesliga était une psychologue, elle nous donnerait un titre de champion, pour qu’on puisse guérir enfin. Notre âme collective est toujours malade. Parce que, dans leurs têtes, les gens qui étaient au Parkstadion ce jour-là sont toujours bloqués sur la 94e minute du match Hambourg-Bayern. Ils attendent juste que Markus Merk revienne sur sa décision. »

Bundesliga 50 ans, 50 histoires (1 à 9) Bundesliga 50 ans, 50 histoires (10 à 18) Bundesliga 50 ans, 50 histoires (19 à 27) Bundesliga 50 ans, 50 histoires (28 à 36) Bundesliga 50 ans, 50 histoires (37 à 45) Bundesliga 50 ans, 50 histoires : Quand une garden-party dynamitait la Bundesliga (n°46) Bundesliga 50 ans, 50 histoires : L’année du K (n°47) La colère du Trap’ (n°48) Les 50 plus belles citations de la Bundesliga (n°49)

Dans cet article :
Schiappa, impossibles quotas
Dans cet article :

Par Ali Farhat

À lire aussi
Logo de l'équipe Cray Wanderers
Paris, la force tranquille
  • Ligue des champions
  • 8e de finale retour
  • PSG/Leverkusen (2-1)
Paris, la force tranquille

Paris, la force tranquille

Paris, la force tranquille
Articles en tendances
12
Revivez Nantes-OM (1-2)
  • Ligue 1
  • J10
  • Nantes-OM
Revivez Nantes-OM (1-2)

Revivez Nantes-OM (1-2)

Revivez Nantes-OM (1-2)
11
Revivez Lille-Lyon (1-1)
  • Ligue 1
  • J10
  • Lille-Lyon
Revivez Lille-Lyon (1-1)

Revivez Lille-Lyon (1-1)

Revivez Lille-Lyon (1-1)
10
Revivez PSG-Lens (1-0)
  • Ligue 1
  • J10
  • PSG-Lens
Revivez PSG-Lens (1-0)

Revivez PSG-Lens (1-0)

Revivez PSG-Lens (1-0)

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

Dernières actus

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • Pronostic Foot 100% Gratuits ! + de 100 Matchs analysés / semaine

Cray Wanderers

Allemagne