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La prolongation de Layvin Kurzawa au PSG : bonne ou mauvaise idée ?
À la surprise générale, Layvin Kurzawa ne quittera pas le Paris Saint-Germain cet été. En fin de contrat le 30 juin, le latéral gauche a signé un nouveau bail jusqu'en 2024 avec le club de la capitale. Un choix incompréhensible de la part des dirigeants parisiens ? Ça reste à voir. L'international français a en tout cas l'opportunité de prouver à ses détracteurs qu'il est loin d'être une calamité.
La rumeur sonnait déjà comme une blague, la confirmation a fini de susciter critiques et moqueries. En début de semaine, le Paris Saint-Germain a officialisé ce que personne – à commencer par l’entourage du joueur, visiblement – n’attendait : une prolongation de quatre années pour Layvin Kurzawa, assortie d’une revalorisation salariale conséquente. Une sacrée surprise, tant le latéral gauche, débarqué en 2015 dans la capitale, semblait promis à une première aventure à l’étranger. Un coup dans le viseur d’Arsenal, un autre dans celui de l’Atlético de Madrid ou de l’Inter, le joueur en fin de contrat avait le droit à son lot de rumeurs plus ou moins crédibles depuis plusieurs mois. « Je sais qu’il se posait encore la question il n’y a pas très longtemps. Il cherchait à savoir quelle était la meilleure direction à donner à sa carrière, confie Bruno Irles, son ancien formateur à Monaco, qui a gardé contact avec son poulain. Je suis convaincu que s’il prolonge, c’est qu’il a la ferme intention de s’imposer. Quand on en avait parlé, il avait cette envie : passer un nouveau cap à Paris, où il n’a pas encore convaincu à 100%. » Et si cette prolongation inattendue était finalement une bonne nouvelle pour le PSG ?
Ne chassez pas le naturel
Depuis le début de son aventure parisienne, Kurzawa s’est habitué à en prendre plein la tronche. Présenté comme un très bon coup à son arrivée au PSG en 2015 (contre 25 millions d’euros), le défenseur français a fini par devenir le punching ball préféré des supporters parisiens. Le joueur ne fait pas l’unanimité, l’homme non plus. Sauf chez ceux qui l’ont connu.
« Il a pu faire des choix de vie contestables, qui n’ont pas plu au public, déroule Guy Lacombe, qui l’avait lancé dans la cour des grands en septembre 2010 avec Monaco. Mais à moins qu’il ait changé depuis, ce que je ne crois pas, il suffit de lui parler pour comprendre qu’on a affaire à un garçon charmant et intelligent. » Bruno Irles ne dit pas autre chose : « Il a beaucoup mûri. Je l’ai connu très jeune, il commettait parfois quelques écarts, il n’avait pas toujours l’hygiène de vie d’un footballeur professionnel. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le même Kurzawa. »
Les détracteurs du défenseur peuvent sauter sur l’occasion pour rappeler qu’ils ont de la matière pour le ranger dans la catégorie des causes perdues. Cette dernière décennie, Kurzawa aura été filmé dans un bar à chicha en train de critiquer Didier Deschamps, impliqué dans une affaire de faux permis et étiqueté comme un gamin prétentieux ridiculisé lors du match entre la France et la Suède chez les Espoirs.
« Il a payé et on lui a suffisamment remis dans la tête cette histoire, balaie Irles. Mais il n’a insulté personne ! C’est juste du chambrage, comme quand on joue entre copains. » Kurzawa serait-il victime d’un délit de sale gueule ? Un peu, surtout que le bonhomme se tient plutôt à carreau depuis quelques années. Sa communication n’est pas toujours irréprochable, et alors ? Qui va se plaindre de voir un joueur porter ses convictions en défilant dans les rues de Paris pour soutenir le mouvement Black Lives Matter ? « C’est quelqu’un de nature, Layvin, reprend Bruno Irles, aujourd’hui coach de Quevilly-Rouen. Il fait des choses déroutantes, il a toujours été comme ça. Il est capable d’aller à une manifestation ou d’aller fêter une victoire dans un match à huis clos au milieu des supporters, il ne va pas forcément réfléchir aux conséquences de ses actes, il ne va pas être dans la retenue, mais c’est toujours sincère. »
Talent, réputation et inconstance
Le nouveau chapitre parisien de Kurzawa s’est ouvert avec un discours de circonstance, délivré par le principal intéressé au micro de la chaîne officielle du PSG : « Il y a beaucoup de choses qui ont changé. J’ai eu un enfant, je pense que c’est ça aussi qui m’a permis de prolonger. J’ai gagné en maturité, je suis plus posé. Je vais travailler, donner le maximum et on verra comment ça va se passer. » Le nouveau Kurzawa serait-il arrivé ? C’est fort possible, selon Guy Lacombe, qui avait apprécié les dernières prestations du latéral gauche avant la coupure. « Je le trouvais plus sage ces derniers temps sur le terrain, plus posé, juge-t-il. Et il y a manifestement une concurrence très saine avec Bernat. Je pense que Paris a fait le bon choix, ce n’est pas simple de trouver un latéral de cette qualité. » Un avis partagé par Tuchel vendredi dernier en conférence de presse : « Layvin a fait une bonne saison. Il a été très fiable. Il a joué beaucoup de matchs. Et si on a la possibilité d’avoir Layvin et Juan à ce poste, on sera très forts. » De la pure communication à quelques jours de la prolongation ou l’avis sincère d’un technicien qui avait promis au défenseur de l’aider à retrouver sa place en équipe de France à son arrivée sur le banc du PSG ? L’option numéro deux est crédible.
Il faut jeter un coup d’œil aux dernières apparitions de Kurzawa sous le maillot parisien pour saisir ses qualités et ses défauts. Titulaire pour les deux matchs contre l’OL en février (en championnat et en coupe) ainsi qu’à Dortmund lors du huitièmes de finale aller, l’ancien Monégasque avait soufflé le chaud et le froid : très disponible pour combiner avec ses partenaires, très volontaire et souvent offensif, mais aussi terriblement irrégulier dans les phases défensives, sans être vraiment aidé par le travail de repli de Neymar, de Mbappé ou même par la couverture douteuse des milieux défensifs.
« Il a toujours eu des lacunes défensives, mais je trouve qu’il a bien rectifié le tir. Tuchel l’a utilisé dans des matchs difficiles, ça veut bien dire qu’il a progressé dans ce domaine, estime Lacombe. Offensivement, c’est franchement un joueur de grand talent, il apporte beaucoup. J’ai d’ailleurs été surpris par le dessin humoristique deL’Équipecette semaine qui se moquait de sa qualité de centre, alors que c’est réellement un très bon centreur. » Une réputation ruinée depuis un soir de France-Luxembourg en septembre 2017, où Kurzawa avait battu un triste record en ne réussissant aucun de ses dix-sept centres.
Les performances ne trompent personne : Kurzawa n’est pas devenu le joueur qu’il aurait pu être. Mais à bientôt 28 ans, celui qui devait être le successeur de Maxwell sur le flanc gauche du PSG s’est vu offrir une nouvelle chance de montrer de quoi il était capable. « Il arrive dans la période de sa carrière où il doit être le plus fort, lâche Guy Lacombe. Il a eu le temps de bien cerner ce qu’il faisait de bien, mais aussi ce qu’il ne faisait pas bien, donc c’est le bon moment. » Sans jamais avoir réussi à devenir indiscutable quand les dirigeants parisiens lui ont mis Yuri Berchiche ou Juan Bernat dans les pattes, Kurzawa devra prouver sur le terrain qu’il n’a pas seulement été prolongé pour des raisons économiques ou pour un besoin de joueurs formés en France à inscrire dans la liste en C1. « Il a montré qu’il était capable de faire des matchs de très haut niveau, mais il n’a jamais réussi à enchaîner. C’est ce qui lui manque, conclut Bruno Irles. Son axe de progression, ça va être la régularité. On ne l’a jamais vu à un très bon niveau sur deux ou trois saisons pleines. » Et si par malheur, Kurzawa ne se montre toujours pas à la hauteur, rien ne l’empêchera de faire l’affaire en championnat dans des matchs sans saveur.
Par Clément Gavard
Propos recueillis par CG sauf mentions