- Angleterre – 5 août 1970 – Le jour où…
La première séance de tirs au but de l’histoire, il y a 45 ans…
Il fut un temps où, au bout d'un match à élimination directe sans pouvoir départager deux équipes, il fallait choisir entre la peste – rejouer le match – ou le choléra – procéder à un injuste tirage au sort. Jusqu'à ce que soit mise en place la séance des tirs au but, expérimentée pour la première fois le 5 août 1970 lors de la Watney Cup, un tournoi de présaison aujourd'hui défunt. Et le premier tireur de l'histoire n'est autre qu'un certain George Best…
5 août 1970 : il y a très exactement 45 ans se dispute au Boothferry Park de Kingston-upon-Hull l’une des demi-finales de la Watney Cup opposant l’équipe locale d’Hull City à Manchester United. Le score est de 1-1 à l’issue du temps réglementaire. Pour désigner un vainqueur, le règlement du tournoi prévoit un concept inédit pour l’époque : la séance de tirs au but. Pour la postérité, c’est ce cher George Best qui est le premier à tester cette nouvelle formule pour clore un match à élimination directe. Le Nord-Irlandais réussit sa tentative, contrairement à son prestigieux coéquipier Denis Law, qui est le premier de l’histoire à échouer : son tir ne trompe pas Ian McKechnie, qui devient le premier portier à s’illustrer dans l’exercice. Mais le gardien de Hull (décédé il y a quelques semaines) n’est pas longtemps le héros de la séance puisque c’est aussi lui qui élimine son équipe, sa tentative en cinquième position venant heurter la barre. Manchester United devient la première formation à se qualifier au cours d’une séance de tirs au but et se hisse jusqu’en finale, où elle s’inclinera lourdement 1-4 trois jours plus tard face au Derby County de Brian Clough.
De la bière en boîte de conserve
Mais d’abord, qu’est-ce que c’était que cette Watney Cup ? La Watney Mann Invitation Cup était un tournoi estival de préparation à la saison à venir, créée en cette année 1970 et qui allait connaître quatre éditions, la dernière en 1973. Une compétition amicale éphémère et donc novatrice, pas seulement parce qu’elle fut la première à réellement instituer la séance de pénos. Elle était aussi la première en Europe à être financée par le « naming » . Watney était en effet un brasseur anglais aujourd’hui disparu, resté célèbre outre-Manche pour avoir commercialisé à une époque la Watney Party Seven, de la bière… en boîte de conserve, ancêtre des mini-fûts pour particuliers. Le principe pour lancer les invitations avait d’ailleurs certainement été inventé par un type ivre : étaient conviés à participer les deux clubs des quatre premières divisions en Angleterre ayant marqué le plus de buts la saison d’avant mais n’étant pas concerné par une quelconque promotion ou une participation à une coupe d’Europe. C’est ainsi que Manchester United, 8e de la D1 mais avec une grosse réussite en attaque, s’était trouvé à disputer le tournoi aussi bien face à un autre club de D1 (Derby County) que face à des clubs de D4 tels que Peterborough United et Aldershot… Ultime bizarrerie de la Watney Cup : ses organisateurs, a priori des gros fans du jeu offensif, avaient aussi voulu innover en expérimentant le hors-jeu uniquement dans les surfaces de réparation. Une tentative qui n’eut pas de suite, contrairement à cette séance de tirs au but, qui s’imposa vite comme une évidence.
Les tab, une initiative israélienne ?
Car avant la Watney Cup, il n’y avait que deux choix pour départager deux équipes à égalité lors d’un match à élimination directe : rejouer le match (ce qui se fait encore en FA Cup par exemple) ou tirer le vainqueur au sort. Le cas le plus célèbre en la matière a eu lieu lors de l’Euro 1968, avec l’Italie qui se qualifie à la pièce pour la finale de l’épreuve, après un 0-0 face à l’URSS. Autre cas moins connu : au tournoi de foot des JO de cette même année 1968, Israël s’était aussi fait sortir au tirage au sort par la Bulgarie, ce qui avait fait bondir la fédération israélienne. Peu après, un de ses membres, un certain Yosef Dagan, avait d’ailleurs envoyé un courrier à la FIFA pour lui suggérer d’instituer ce principe de la séance de tirs au but, déjà expérimenté en de rares occasions sans que ça ne soit officiel (lors des coupes nationales de Yougoslavie et d’Italie dès les années 50 notamment). Le board de la FIFA met le sujet sur la table une première fois lors d’une réunion en février 1970, avant d’adopter cette réforme officiellement le 27 juin. Dès la saison 1970/1971 des coupes européennes, l’UEFA décide sa mise en place et au premier tour de la Coupe des coupes entre Honved Budapest et Aberdeen, les Hongrois se qualifient aux pénaltys. Mais ça, c’était après cette révolutionnaire Watney Cup.
Par Régis Delanoë