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La fâcheuse aventure anglaise de Charles Itandje

Par Eddy Serres
La fâcheuse aventure anglaise de Charles Itandje

Il était la figure de proue de l'avenir tricolore au poste de gardien. Charles Itandje écume désormais les clubs moyens du championnat grec tout en gardant les cages de la sélection camerounaise. Un destin improbable provoqué par un transfert à Liverpool et un fou rire mal contrôlé.

On l’aurait presque oublié, mais il fut un temps où Charles Itandje tapait à la porte de l’équipe de France. Les Bleus préparent alors le Mondial allemand et Raymond Domenech appelle le Franco-Camerounais pour participer au stage à Tignes avec l’ensemble du groupe. Finalement, le sélectionneur au mono-sourcil ne donnera pas suite, obligeant le gardien lensois à regarder la Coupe du monde devant son poste de télévision. Un premier tournant substantiel dans la carrière d’Itandje, d’autant qu’il sera poussé vers la sortie l’été suivant, en 2007, par les arrivées successives de Vedran Runje, puis Ronan Le Crom à Bollaert. Du coup, le natif de Bobigny pose ses valises à Liverpool contre un petit chèque de 1,5 million d’euros. Sur les bords de la Mersey, le deal est simple : assurer la doublure d’un Pepe Reina intouchable à l’époque contre une rémunération mensuelle de 100 000 euros. Le séjour anglais tournera pourtant rapidement au désastre, la faute à une maladresse qui lui attira les foudres de toute une ville. Et qui plomba le reste de sa carrière.

Sept petites parties et le désert

Pour sa première saison outre-Manche, Charles-Hubert dispute sept rencontres, entre la FA Cup – où Liverpool ne se hisse qu’au 5e tour, battu à la surprise générale par Barnsley – et la League Cup, compétition dans laquelle les Reds échouent en quarts de finale face à Chelsea. Pour les rencontres de Premier League, Itandje s’installe tranquillement dans les travées d’Anfield sans jamais tomber la chasuble et voit ses coéquipiers chiper la dernière place du « Big Four » . L’année suivante marque le début d’une longue descente aux enfers. Déjà, l’ancien international français espoir perd sa place de doublure au profit de Diego Cavalieri venu de Palmeiras et ne dispute ainsi pas la moindre minute sous la liquette liverpuldienne. Courtisé par Galatasaray, il préfère néanmoins rester un exercice supplémentaire dans la formation dirigée par Rafa Benítez.

Cette saison 2008-2009 résonne également comme le 20e anniversaire de la tragédie d’Hillsborough, où 96 Scousers ont perdu la vie. Cette tragédie représente une partie non négligeable de l’identité de Liverpool, qui rend régulièrement hommage à ses victimes, d’autant que la vérité sur les causes du drame est longtemps restée inavouée par les autorités anglaises. De la sorte, le 15 avril 2009, Anfield se mue en mémorial. Les joueurs sont conviés en tribunes pour assister à la commémoration. Dans les gradins, Charles Itandje s’assoit aux côtés de Damien Plessis, l’un des deux autres Frenchies de l’équipe, avec David N’Gog. Tandis que 96 ballons sont relâchés dans le ciel gris du Merseyside, le troisième gardien des Reds, lui, ne trouve rien de mieux à faire que de se marrer lorsqu’une musique en l’honneur des supporters décédés retentit dans l’enceinte. Il s’agit de son dernier sourire esquissé à Liverpool.

Vidéo de la maladresse, sobrement intitulée « Charles Itandje agissant comme un idiot au 20e anniversaire d’Hillsborough »

« Les supporters voulaient ma peau »

Le lendemain, la nouvelle a déjà fait le tour de la ville. Itandje devient alors l’ennemi public numéro un. À tel point que la direction du club décide de le suspendre officiellement pendant deux semaines. Rafa Benítez, dégoûté par ce manque de respect, lui aurait même signifié de ne plus jamais prendre la peine de venir à Melwood pour s’entraîner. « Le problème, c’est que je ne mesurais pas l’importance de cette cérémonie. Un type s’est mis à chanter, et j’ai dit à mon voisin(Damien Plessis, ndlr) que je reconnaissais cette musique. Et on s’est mis à rire comme des gamins… (…) Deux jours plus tard, c’était la panique. Les supporters voulaient ma peau. Au club, on me disait: « Ne marche pas dans la rue, tu vas te faire agresser ». » Un comble pour une équipe censée ne « jamais marcher seule » .

L’ancien Lensois ne tarde pas à faire son mea culpa. En vain. « Avant tout, si mon comportement a offensé quelqu’un, je ne peux que présenter mes excuses. Je suis désolé, désolé, désolé. Mille fois désolé. (…) Je voudrais parler personnellement aux familles pour m’excuser parce que je ne voulais faire de mal à personne. » Dés lors, tout va de mal en pis. Lynché de partout, Charles Itandje est seul à travers cette tempête, a laquelle les médias entendent bien ajouter leur grain de sel. Le Liverpool Echo, journal le plus lu et respecté de la ville, y va lui aussi de sa justice sommaire : « Il semble être heureux de s’asseoir dans les tribunes d’Anfield avec son cigare et ses pantoufles tout en gagnant une forte somme d’argent. Quelle est l’ambition de ce joueur ? Que fait son agent ? Sa carrière est si courte que ça devient gênant de voir qu’il préfère gagner de l’argent à ne rien faire plutôt que d’aller jouer ailleurs. » Au fond du trou, le portier n’a d’autre alternative que de plier bagage à la fin de la saison, à l’AO Kavala, en Grèce, sous la forme d’un prêt. De retour à Liverpool l’été suivant, en 2010, il passe au 5e rang dans la hiérarchie des gardiens et ne joue même pas avec la réserve du club. En décembre, Itandje trouve enfin un nouveau point de chute, toujours en Grèce, à Atromitos, et s’enfuit définitivement de cette région devenue beaucoup trop hostile pour lui.

Six ans après, aucun Scouser n’a oublié le nom de Charles-Hubert Itandje. Si les kopites n’ont généralement que de l’amour pour leurs Reds, le Franco-Camerounais a eu le malheur de toucher à l’un des symboles forts du club, provoquant le courroux incontrôlé de centaines de milliers de personnes. Une ânerie de quelques secondes qui précipita vraisemblablement la fin de sa carrière au haut niveau. C’est con, Charles-Hubert n’a jamais eu réellement mauvais fond, en plus. Seulement le rire facile et une bonne culture musicale.

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Par Eddy Serres

Propos d'Itandje issus du site officiel du Liverpool FC, ainsi que du JDD

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