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L’adieu au Papet Diouf

Par Chérif Ghemmour
L’adieu au Papet Diouf

Aux larmes. C’est lui le Marseillais... Pape Diouf est mort ce mardi du coronavirus à 68 ans. Il fut l’un des plus grands présidents de l’OM.

Larbi Ben Barek. Basile Boli. Marcel Desailly. Didier Drogba. Il était sans doute écrit qu’un des fils d’Afrique présiderait un jour aux destinées de l’OM. Et ce fut Pape Diouf… Sénégalais né au Tchad, passé par sciences-po à Aix, un temps postier aux PTT, c’est en tant que journaliste à La Marseillaise qu’il couvrira l’actu du club phocéen et qu’il en deviendra un expert. Sous le règne du tout-puissant Bernard Tapie, il sera l’un des rares à ne pas verser dans la courtisanerie ou dans la complaisance, s’attirant même l’estime de Nanard. Son idylle avec le foot se renforcera d’abord par l’organisation de jubilés de grands joueurs en Afrique (Eusébio, Saar Boubacar). Puis il deviendra agent de joueurs, démarrant son écurie avec deux stars de l’OM, Joseph-Antoine Bell et Basile Boli. Dur en affaire, imposant de sa voix rocailleuse de gros fumeur, de sa moustache fournie et de son mètre quatre-vingt-dix un savoir-faire impressionnant, il ralliera bientôt Marcel Desailly, Bernard Lama, Sylvain Armand, Greg Coupet, Didier Drogba. Il prendra sous son aile un minot prometteur de 13 ans, Samir Nasri… Pape Diouf entre à l’OM en 2004 en tant que manager du club.

Au printemps de cette année, malgré sa promesse faite aux supporters, il actionnera le transfert de Didier Drogba, idole du Vélodrome, à Chelsea. La transaction honorable de 37 millions d’euros et l’évidence que Marseille était devenu trop petit pour l’Ivoirien inciteront le peuple phocéen à ne pas faire longtemps grief à son président. Le bon Pape se le mettra définitivement dans la poche deux ans plus tard, un certain dimanche 5 mars 2006. À l’approche d’un PSG-OM, mécontent du nombre insuffisant de places pour ses supporters au Parc et craignant des problèmes de sécurité, il refuse d’envoyer l’équipe première et envoie à la place les minots de la réserve ! Et les jeunes inconnus décrochent un 0-0 héroïque qui leur vaudra les applaudissements du public parisien qui réservera ses sifflets aux siens… En bon président marseillais, il saura réserver ses piques à l’ennemi parisien : « À Marseille, il y a des turbulences, parfois des débordements et quelques excès. Mais il n’y a pas de haine, ni d’entêtement borné. Il n’y a pas ici de public méchant, parfois haineux comme on peut le voir à Paris » …

Jamais titré…

Hélas ! Quelques mois après la sensation du Parc, fin avril 2006, le PSG prendra sa revanche en battant l’OM en finale de Coupe de France 2-1. Malgré la révélation Ribéry, propulsé chez les Bleus en Coupe du monde en Allemagne… Ce sera un des grands paradoxes des années Diouf à la tête de l’OM : alors qu’il remettra le navire phocéen à flot, son passage restera vierge de tout titre. En 2007, l’OM archifavori à nouveau en finale de Coupe de France s’inclinera contre Sochaux 2-2 et 5 TAB à 4… Cette saison 2006-2007 sera d’ailleurs marquée en janvier par un épisode tragi-comique : la vente avortée du club à l’aventurier Jack Kachkar ! Durant cette séquence lamentable imputable à l’escroc canadien, Pape Diouf préservera la continuité sportive du club et de l’équipe avec un sens du commandement affirmé. Recruteur avisé, il enrôlera à Marseille Ribéry, donc, Mathieu Valbuena, Mamadou Niang, Mickaël Pagis. En Ligue 1, Marseille subira comme tout le monde et jusqu’en 2008 (OM troisième) le leadership incontesté de l’OL. Les joutes verbales entre Aulas et Diouf épiceront la chronique du foot français. En 2009, alors que Lyon abdique en fin de saison, c’est le Bordeaux de Laurent Blanc qui soufflera de trois points le titre de champion de l’OM coaché par Éric Gerets… Un entraîneur adoré des supporters et des joueurs qui a décidé en mars de quitter le club !

On soupçonnera Pape Diouf d’être à l’origine de son départ en interférant négativement dans la relation entre le coach belge et Robert Louis-Dreyfus, gravement malade. Il n’en sera rien, comme lui-même en donnera sa version jamais démentie par Gerets : « Au mois de mars 2009, c’était la Gerets mania. Je rencontre alors Robert en Suisse, et je lui dis que si on ne fait pas prolonger Éric, on va avoir sur les bras les mêmes problèmes qu’avec Drogba. Il m’a dit : « Vous êtes le président, faites. »J’ai dit OK. Dès mon retour, j’appelle Éric pour lui dire qu’on peut enfin revoir la situation, mais il me répond :« Président, ce n’est pas de votre faute, j’aurais voulu que le club me fasse confiance plus tôt et le montre, laissez-moi le temps de réfléchir, car j’ai des propositions. »Quand je l’ai revu, il me dit : « Président, je crois que je vais partir, je vais accepter les propositions qui m’ont été faites. »Je lui ai dit, je le regrette, mais je comprends aussi. » La fin de saison est dramatique pour l’OM : Gerets s’en va au club saoudien d’Al-Hilal, le 17 juin, Robert Louis-Dreyfus se sépare de Pape Diouf après cinq ans de présidence, avant de s’éteindre le 4 juillet…

Citoyen, Phocéen…

Entre-temps, Pape Diouf avait acté la venue de Didier Deschamps à l’OM. Bonne pioche ! Avec DD, Marseille gagnera l’année suivante, et la Coupe de la Ligue, et le titre de champion de France. Et c’est le successeur de Pape, Jean-Claude Dassier, qui récoltera les honneurs… Pour beaucoup, ce double titre restera comme l’héritage indirect du colosse sénégalais aux costards impeccables. Rangé des affaires sportives, Pape Diouf interviendra à titre personnel lors de l’affaire des quotas en mai 2011. S’il dédouanera Laurent Blanc ( « Il n’est pas raciste, j’en suis quasiment convaincu pour connaître le garçon et avoir discuté avec lui » ), il réitérera ses critiques globales du manque de diversité aux plus hauts postes de la société française telles qu’il les exposait deux ans plus tôt dans Jeune Afrique : « Je suis le seul président noir d’un club en Europe. C’est un constat pénible, à l’image de la société européenne et, surtout, française, qui exclut les minorités ethniques. »

Il demeure, à ce jour, le seul président noir d’un club de l’élite française. En novembre 2014, il se montrera plus cinglant envers Willy Sagnol ( « Willy Sagnol est un sous-Zemmour » ) dont les propos sur le « joueur typique africain » l’avaient scandalisé au point d’appeler les joueurs de L1 à boycotter une journée de championnat en signe de protestation. Décoré de la Légion d’honneur en 2013 par François Hollande, Pape Diouf se lancera à Marseille aux élections municipales de 2014 sur une liste autonome, « Changer la donne » , qui ne récoltera que 5,63 % des voix. Pape Diouf n’a rien gagné avec l’OM, mais il restera l’un de ses plus grands présidents, demeurant des années après son bail une figure respectée du peuple phocéen, l’instabilité au sommet du club depuis dix ans renforçant année après année sa stature inoubliable. Il a rejoint au ciel son ami d’estime Loulou Nicollin, amoureux de son verbe d’académicien…

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« Pape, c’était un humaniste »
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Au revoir, Pape.
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