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Kuba Libre
Après quelques saisons compliquées à la suite de blessures à répétition et un prêt peu convaincant à la Fiorentina, l'Euro en France redonne à Jakub Błaszczykowski une seconde jeunesse. Depuis le début du tournoi, Kuba est l'homme statistique de la situation côté polonais, pour le plaisir de tout un peuple, dont il reste la coqueluche incontestée. Krychowiak ou pas.
Deux buts, une passe décisive, un tir au but transformé avec panache et des supporters qui scandent son nom toutes les minutes. Si on attendait Robert Lewandowski, c’est bien son ancien coéquipier au BvB, Jakub « Kuba » Błaszczykowski, qui fait le bonheur de la Pologne durant cet Euro. En difficulté depuis quelques saisons, l’ancien capitaine de la Reprezentacja semble profiter de ce passage en France pour rappeler à tous qu’il n’est pas fini. Depuis le début de la compétition, son niveau de jeu et d’engagement est tel qu’il s’est même fait un nouveau fan en la personne de Russel Crowe. L’acteur, oscarisé pour son rôle dans Gladiator en 2001, ne peut s’empêcher de féliciter son nouveau joueur préféré sur les réseaux sociaux à chaque sortie de la Pologne. Et comme tout le monde a l’air ravi du retour en forme de Kuba, même ses anciens coéquipiers en club, pourtant adversaires lors de cet Euro, se bousculent pour le féliciter. Depuis qu’il s’est fait chiper le capitanat, Kuba ne donne que très peu d’interviews et ne va presque jamais en conférence de presse. Il estime que « [s]on rôle a changé » . S’il ne doit sûrement pas voir d’un très bon œil que ce soit Robert Lewandowski (son ennemi de toujours) qui mène ce qui fut pendant longtemps « son » équipe, Kuba a bien compris que se battre pour un bout de tissu ne servait à rien. Que seule la vérité du terrain compte.
KUBA!!! #POL
— Russell Crowe (@russellcrowe) 25 juin 2016
Kuba !! Well done Poland. More hard work to come. Do boju Polska !!
— Russell Crowe (@russellcrowe) 21 juin 2016
Läuft bei dir Jakub #wazniak pic.twitter.com/sNN26Y5igy
— Mats Hummels (@matshummels) June 25, 2016
De l’hosto à l’Euro
Si ce retour en grâce fait particulièrement plaisir à ceux qui l’ont côtoyé ces derniers temps, c’est parce que ce come-back a longtemps été impossible à pronostiquer. Depuis sa blessure au genou contractée en janvier 2014, un coup dur qui l’a empêché de jouer pendant presque un an, Kuba n’était plus vraiment le même joueur. Moins vif, plus brouillon et surtout très fragile physiquement. Si vers la fin de l’exercice 2014/2015, il a participé tant bien que mal à la remontée fantastique du BvB en championnat, il sera obligé de rater les derniers matchs de la saison pour cause de problème aux adducteurs. Indisponible pour les adieux de Jürgen Klopp au Westfalenstadion, il se pointe en jean et chemise pour saluer celui qui l’a fait venir, celui à qui il doit une grosse partie de sa carrière. Comme pour Klopp, le temps de Błaszczykowski dans la Ruhr semble alors révolu.
À l’arrivée de Thomas Tuchel, le Polonais se voit prêté à la Fiorentina. En Italie, malgré un bon début de saison, il peine à s’imposer. En Pologne, on s’inquiète du peu de matchs que dispute Kuba, et juste avant la sélection d’Adam Nawałka, le bruit court qu’il pourrait ne pas être de la partie en France. « Beaucoup de gens pensaient que sa carrière en équipe nationale était terminée » , a déclaré son comparse du BvB, Lukas Piszczek, il y a quelques jours en conférence de presse. « Mais Kuba leur a montré sur ce tournoi ce qu’il valait. Personnellement, j’ai toujours cru en lui. Et s’il n’a que très peu joué à la Fiorentina, il s’est vraiment servi de cette année pour se préparer à l’Euro. » Un choix payant lorsqu’on voit la manière dont Błaszczykowski évolue depuis le 10 juin. Présent sur toutes les actions dangereuses de la Pologne, il compense ce qui lui manque encore du point de vue physique par un acharnement de chaque instant. Comme avant. Comme si rien ne s’était passé ces dernières années.
Le talisman
La force de Jakub Błaszczykowski a toujours été son mental. Il faut dire que lorsqu’on voit sa mère se faire tuer par son père à l’âge de 10 ans, ce ne sont pas trois blessures aux genoux qui vous traumatisent. Depuis cet événement funeste, le joueur du Borussia a fait de sa vie un combat. Et le peuple polonais est sous le charme de cette fureur de vivre. Depuis toujours, Kuba jouit d’une cote de popularité monstre dans son pays natal. Son autobiographie parue l’an passé, et dans laquelle il raconte les événements de sa bien triste enfance, a cartonné. En Pologne, un pays résolument conservateur, la piété dont a fait preuve Kuba pour surmonter certaines épreuves émeut les foules. Né à 20 kilomètres de Częstochowa, haut lieu de pèlerinage catholique en raison de la présence de l’icône de la Vierge noire, Błaszczykowski est pour beaucoup de Polonais l’homme idéal. Celui qui s’est battu contre la fatalité d’une vie un peu glauque dans la campagne polonaise. Le voir cartonner en équipe nationale ravit donc toute une nation. Selon le tabloïd Super Express, Kuba est « le talisman de la Reprezentacja » . Il faut dire qu’à chaque fois qu’il a marqué avec le maillot floqué de l’Aigle blanc sur les épaules, la Pologne n’a jamais perdu. Si elle veut frapper un grand coup lors de cette fin d’Euro, elle aura besoin de son trésor national plus que de n’importe quel autre joueur, brassard de capitaine ou pas.
Par Sophie Serbini