- Transfert
- 1992/1993
- Klinsmann/Weah
Klinsmann-Weah, le double transfert de la saison 1992-1993
À l'été 1992, le PSG est sur le point de signer Jürgen Klinsmann, champion du monde en titre et fine gâchette de l'Inter Milan. Alors que tout est bouclé, l'Allemand débarque à Monaco, tandis que George Weah signe dans la capitale. Retour sur l'une des opérations les plus dingues des années 90.
Éte 1992, un an après sa prise de pouvoir au PSG, Canal Plus se cherche un grand buteur pour magnifier une équipe qui vient de terminer 3e du championnat et a déjà recruté quelques pointures (Alain Roche, Bernard Lama, Vincent Guérin). Rapidement, Michel Denisot espère signer Hirsto Stoïchkov, mais devant le refus du FC Barcelone, se rabat vers un second choix de standing équivalent : Jürgen Klinsmann. Champion du monde 1990, véritable taulier en sélection allemande, l’attaquant sort d’une saison mitigée en Italie, mais a réussi un Euro 92 convaincant. L’Inter Milan, où il ne lui reste plus qu’un an de contrat, est prête à vendre si l’acquéreur potentiel y met le prix, environ 25 millions de francs.
Klinsmann trop cher pour le PSG, pas pour l’AS Monaco
Durant tout le mois de juillet, la France du football en salive d’avance : le PSG, rival annoncé de Marseille et Monaco pour la course au titre, est sur le point de réaliser l’un des plus gros transferts de l’histoire du championnat de France. Le 23 juillet, alors que l’officialisation semble imminente, la Une de L’Équipe prend tout le monde à contre-pied : Jürgen Klinsmann vient de signer à Monaco, et George Weah débarque à Paris.
« Nous faisions le forcing sur Klinsmann lorsque, mardi dernier (le 21 juillet, ndlr), nous avons appris que Monaco laisserait partir Weah. Alors on a sauté sur l’occasion. » Peu de temps après les faits, Michel Denisot tentait d’expliquer dans France Football l’une des opérations de transferts les plus spectaculaires de l’époque. Le fruit d’une « entente parfaite » entre les dirigeants des trois clubs concernés selon l’ancien président parisien, et une drôle d’odeur de petits arrangements entre amis pour tous les observateurs. Car selon Alaji Sidibay, agent de George Weah, le transfert de son client à Paris était déjà bouclé à la date que Michel Denisot situe comme début des discussions. Peut-être parce qu’alors, le PSG a l’accord du Libérien, mais Monaco n’a pas encore celui de l’Allemand, condition sine qua non pour accepter de laisser filer Mister George.
Si Paris préfère le futur Ballon d’or 1995 au champion du monde 1990, c’est d’une part car son entraîneur Arthur Jorge préfère le profil du premier, mais aussi parce que le salaire du second est un peu trop imposant : 800 000 francs mensuels auxquels doivent s’ajouter les charges. Et l’Allemand, en plein milieu de ses vacances, est disposé à changer d’air, mais pas à baisser ses émoluments. C’est là que l’ASM et les avantages de la fiscalité monégasque entrent en jeu.
Arsène Wenger, l’entraîneur en place sur le Rocher, estime qu’il est temps d’insuffler du sang neuf dans son groupe, et donc de laisser partir quelques éléments qui ont beaucoup donné. Weah est l’un d’eux. Recruté en 1988 au Tonnerre de Yaoundé sur les conseils de Claude Le Roy, le Libérien sort d’une seconde partie de saison 1991-1992 poussive et, surtout, il a envie de partir en Italie. Quelques gros poissons sont venus le superviser, mais sa baisse de forme a refroidi les prétendants, seuls Pescara et Ancône, promus en Serie A, sont prêts à miser sur lui. L’intérêt du PSG est donc une aubaine, autant pour Monaco, qui peut le refourguer 45 millions, que pour le joueur, qui va continuer de jouer en Coupe d’Europe, et pour Paris, qui peut s’offrir son attaquant de classe mondiale à un salaire abordable.
Klinsmann, joueur du PSG pendant deux jours
Dans l’histoire, l’Inter Milan conclut le deal sans visiblement poser de question, et le 23 juillet, après des négociations d’une rapidité déconcertante – Michel Denisot assure que Paris n’est pas intervenu comme intermédiaire entre l’Inter et l’ASM – le double transfert est officialisé. Le changement de cap de Klinsmann ? « C’est un pro » commentera Michel Denisot. « Paris ou Monaco, qu’importe. L’arrangement financier n’était pas différent, et Monaco est une équipe de haut niveau européen. Pour l’heure, meilleure que la nôtre. Il n’a fait aucune difficulté à changer de cap. » Étrangement, à l’époque, le transfert aurait pu fuiter, des employés de l’aéroport de Nice ayant aperçu le joueur que la presse guettait du côté de Roissy.
L’aéroport de Nice, seul endroit où Michel Denisot assure avoir croisé le joueur au moment de boucler le deal pour Weah, comme il l’expliquait en octobre 2014 sur L’Équipe 21. Un entretien pendant lequel il lâcha de manière surprenante que l’Allemand avait « signé au PSG » et qu’il « y était resté deux jours » . Une version des faits légèrement différente d’il y a 23 ans. « Au moment où on a signé Klinsmann, j’ai appris qu’il y avait une ouverture pour Weah à Monaco. J’ai continué à avancer avec l’accord de Pierre Lescure sur Weah, j’ai eu des discussions à Rome où j’étais en tournage, on est revenus et on est restés une semaine à Monaco pour se mettre d’accord avec Weah avec la bénédiction de Jean-Louis Campora (le président de l’ASM à l’époque, ndlr). On s’est mis d’accord et le dossier Klinsmann avançait en même temps. On a switché les deux avec l’accord de tout le monde. » Sur le marché des transferts, s’il y a bien une chose qui n’a jamais changé, c’est cet amour pour le jeu des chaises musicales.
Par Nicolas Jucha