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Julien Stéphan, la première boucle

Par Maxime Brigand
6 minutes
Julien Stéphan, la première boucle

118 jours après ses débuts chez les pros, Julien Stéphan retrouve Lyon, mardi soir, pour disputer une demi-finale de Coupe de France qui doit servir à valider ses premiers mois sur le banc rennais et sa méthode.

Une première scène, d’abord : elle se joue dans un vestiaire de La Guerche-de-Bretagne, au printemps 2017, à la mi-temps d’un match de CFA. Maître queux de la réserve du Stade rennais depuis deux ans, Julien Stéphan est face à ses ouailles. Brutalement séchés par le PSG (7-1) neuf mois plus tôt en ouverture du championnat, les Bretons ont l’occasion, face aux mêmes Parisiens, de valider un titre de champion de quatrième division en cas de succès. À la mi-temps et malgré la présence de Grzegorz Krychowiak sur la feuille de match côté PSG, la réserve rennaise mène 1-0. Stéphan prend la parole : « On ne doit pas lâcher un centimètre de terrain. On ne doit pas lâcher sur le plan tactique. On ne doit pas lâcher un replacement. On ne doit pas lâcher une couverture.(…)Maintenant, on a quarante-cinq minutes pour aller chercher notre truc, les gars. Et quarante-cinq minutes… C’est quoi quarante-cinq minutes dans une vie ? C’est rien dans une vie, c’est rien du tout, pour peut-être un moment dont vous vous souviendrez toute votre vie. » Quarante-cinq minutes plus tard, le Stade rennais a assuré le souvenir : une large victoire (4-1) pour un titre venant valider la méthode et le discours de Stéphan.

La deuxième scène, maintenant : elle se joue aussi face à un groupe, professionnel cette fois, avant un match de Ligue 1 contre Caen, il y a quelques semaines. Cette fois, Julien Stéphan, 38 ans, prend un verre entre ses mains. « Ça les gars, c’est votre dynamique, c’est un truc que vous avez, qui est précieux en ce moment. Et si vous balancez tout… » Puis, le coach, qui a récupéré le volant de l’équipe première d’un Stade rennais quatorzième de Ligue 1 au soir de la quinzième journée, lâche le verre, qui explose sur le sol. « Vous voyez, si vous lâchez cette dynamique-là, vous pouvez tout casser, et aujourd’hui, on n’a pas le droit de casser ça, surtout après le match de jeudi qu’on vient de faire.(Victoire 3-1 contre Arsenal, N.D.L.R.) » L’épisode raconte beaucoup des premiers mois chez les grands de Stéphan, dont les parcours en C3 et en Coupe de France, dont le Stade rennais disputera la demi-finale à Lyon mardi soir, ont validé sa capacité à s’adapter à un effectif. Pour les principes de jeu, il faudra certainement attendre le prochain mercato estival, où le profil des recrues sera observée, pour se faire une idée plus précise de la chose, mais nous voilà déjà avec des chiffres encourageants sur la table, 118 jours après.

Contrôle des espaces

Il y a 118 jours, Julien Stéphan était justement à Lyon et n’avait eu que quelques jours pour donner « un fil conducteur » à une équipe qui présentait la cinquième meilleure attaque de Ligue 1, mais qui sombrait depuis plusieurs semaines sur des erreurs individuelles plutôt que sur une vraie défaillance collective. C’est notamment ce qu’avait décrit la défaite au Roazhon Park contre Strasbourg (1-4), qui avait poussé Létang à couper la tête de Sabri Lamouchi. Au Groupama Stadium, pour son dépucelage au haut niveau, Stéphan avait alors réagi et sorti son système de jeu référence (un 4-4-2) et un principe défensif clé : la défense en zone, stratégie où les individus cherchent avant tout le « contrôle des espaces » et les interceptions plutôt que les duels. Rennes s’était imposé (0-2) grâce notamment à ce principe, qui est le premier apport de Stéphan, ce que le jeune technicien a probablement récupéré de Christian Gourcuff, dont il avait failli devenir l’adjoint à Rennes.

Pour que sa défense en zone soit efficace, Julien Stéphan a rapidement compris que cela passerait par un pressing parfaitement organisé : le 4-4-2 étant un système à cinq paires, celle du milieu (Grenier-André) a un rôle central et est la caution du pressing breton. Son fonctionnement est relativement simple : les deux milieux sortent souvent très haut pour presser l’adversaire dès qu’il récupère le ballon dos au jeu et l’empêchent d’enclencher un mouvement, mais cela oblige la ligne défensive à suivre et fermer les espaces derrière, ce qui n’avait pas forcément fonctionné lors du match aller contre le Betis (3-3), mi-février, mais qui a plutôt bien marché en deuxième mi-temps contre Lyon (0-1) vendredi, et ce, malgré l’absence de Grenier. Une absence que Stéphan a d’abord compensée avec James Léa-Siliki (qui n’est pas le joueur le plus efficace dans le rôle de Grenier, sachant que l’ancien Lyonnais lance la majorité des offensives rennaises et qu’il redescend souvent à la hauteur des défenseurs centraux pour assurer la relance) avant de faire entrer Jérémy Gélin, seul joueur de l’effectif breton à pouvoir remplacer qualitativement l’international français.

Un flou offensif

Autre caractéristique de la structure mise en place par Stéphan : son 4-4-2, où les défenseurs centraux ne sont que rarement incorporés aux phases offensives, vit offensivement via 80% d’attaques passant par les ailes (41% côté droit, 39% côté gauche). C’est aussi l’un des axes principaux pour Julien Stéphan car, sur certains matchs (au retour contre Arsenal, lors de la défaite au Parc ou par séquences vendredi face à Lyon), cette structure, qui est aussi assurée par le rôle des joueurs de côté qui ont la responsabilité de fermer toutes connexions diagonales, s’est déséquilibrée et a souffert. L’OL est notamment capable d’enchaîner les courses vers l’intérieur du jeu et cette gestion sera l’une des clés de la demi-finale de Coupe de France ce soir. Une demi-finale qui peut aussi venir valider les premiers mois prometteurs de Stéphan sur le banc rennais, qui a dû jongler avec un calendrier infernal depuis son arrivée et qui n’a pas forcément eu le temps de travailler en profondeur tactiquement.

Prometteurs par les faits, mais aussi par les chiffres : si Rennes est neuvième de Ligue 1 et peut encore espérer gratter un ticket européen, Julien Stéphan a surtout réussi à construire une équipe joueuse, qui marque plus et encaisse moins de buts que sous Lamouchi, qui se projette plus rapidement et qui réussit également plus de passes dans le dernier tiers adverse. Problème, le Stade rennais présente aussi la quatrième attaque du championnat en matière d’expected goals (43,21, pour 39 buts marqués), ce qui prouve que le club breton sous-performe offensivement et confirme que ce secteur, souvent difficile à lire, est l’autre enjeu des prochains mois pour Stéphan. Face à Lyon, c’est pourtant ce carré offensif (Sarr, Bourigeaud, Ben Arfa, Niang ou Hunou), si précieux lors de l’épopée européenne du Stade rennais, qui aura la clé d’un « exploit » qui pourrait emmener le Stade rennais au stade de France pour la première fois depuis 2014. Mais aussi boucler la première boucle de haut niveau de Stéphan.

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