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José Luis Brown : la dernière envolée d’El Tata

Par Victor Launay
4 minutes
José Luis Brown : la dernière envolée d’El Tata

José Luis Brown s’est éteint ce lundi 12 août à La Plata, après que la maladie d’Alzheimer l’a affaibli pendant plusieurs mois. Destiné à être le remplaçant de Daniel Passarella, « El Tata » jouera pourtant les sept matchs du Mondial 1986 et sera le premier buteur de l’Argentine lors de la finale (victoire 3-2 contre l'Allemagne), qu’il finira avec une épaule en vrac. L’apogée d’une carrière débutée à l’Estudiantes qui l’emmènera à Boca, en Colombie, mais aussi... à Brest.

« Ta poitrine explose. Tout explose » . Les genoux sur la pelouse de l’Estadio Azteca, les mains vers le ciel, les yeux remplis de larmes, José Luis Brown n’arrive pas y croire. Il vient d’ouvrir le score lors de la finale de Coupe du monde 1986 opposant l’Argentine de Diego Maradona à l’Allemagne de Karl-Heinz Rummenigge.

« Ne pensez même pas à me remplacer »

Pour mettre son coup de tête et tromper Harald Schumacher – cela restera son seul but avec l’Albiceleste en 36 sélections –, « el Tata » a, comme un symbole, pris appui sur El Pibe de Oro pour s’envoler et reprendre le coup franc tiré côté droit par le Nantais Jorge Burruchaga. Il finira la partie l’épaule en vrac, suite à un choc avec Dieter Hoeness. « Ne pensez même pas à me remplacer » , avait dit Brown au médecin de la sélection, avant de faire un trou dans son maillot pour y coincer son doigt et éviter que son bras ne bouge trop. Rejointe au score par l’Allemagne à dix minutes de la fin, l’Albiceleste remporte finalement le match 3-2 et décroche sa deuxième étoile, emmenée par le meilleur joueur de la planète. Et pourtant, José Luis Brown aurait bien pu ne jamais connaître ce moment d’éternité. Trois mois avant le début du Mondial, le libéro s’était retrouvé sans club, le Deportivo Español (club situé à Buenos Aires) choisissant de ne pas le conserver à cause d’un problème au genou. En dépit de cela, Carlos Bilardo, qui en avait fait son capitaine à l’Estudiantes de la Plata, choisit de le sélectionner. Appelé à rester dans l’ombre du « monstre » Daniel Passarella, capitaine de l’équipe championne du monde huit années plus tôt, « el Tata » a finalement pu jouer les sept matchs du Mondial mexicain, « el Gran Capitán » étant cloué au lit par une intoxication alimentaire. Le retrait du brassard au profit de Diego Maradona était visiblement difficile à digérer.

De l’Argentine à l’Armorique : du grand Art

Porté en triomphe sur l’échelle du camion de pompiers de Ranchos, sa ville d’origine, à son retour du Mondial, José Luis Brown quitte le même été l’Argentine pour prendre la route de la France. Sa seconde expérience à l’étranger après deux saisons du côté de Medellín, à l’Atlético Nacional. Direction le FC Brest Armorique, où le fantasque président François Yvinec fait les yeux doux aux stars sud-américaines grâce au soutien de Michel-Edouard Leclerc. Sous les ordres de Raymond Keruzoré et aux côtés du brésilien Júlio César en défense centrale, el Tata emmène les jeunes Paul Le Guen, Vincent Guérin et compagnie à la huitième place de la première division, le meilleur résultat jamais obtenu dans l’histoire du club. Coéquipier de Brown cette saison-là, Thierry Goudet se souvient de « l’aura particulière » du joueur, « un excellent coéquipier, un grand champion, très agréable et très sociable » . Mais l’aventure ne durera qu’un an. En conflit avec la présidence, Keruzoré quitte le club à l’été 1987 et entraîne avec lui le départ de Leclerc, artisan de la venue de Brown et qui conditionnait son soutien au maintien de l’entraîneur.

Après une trentaine de matchs en D1, Brown laisse sa place à un autre Argentin, Jorge Higuaín, et part pour Murcie, où il jouera un an et demi avant de revenir au Racing, quelques mois avant le Mondial 1990. Avec Jorge Valdano, il est finalement recalé « sans anesthésie » par celui avec qui il a « passé plus de temps qu’avec son propre père » , Carlos Bilardo. Dans la foulée, le guerrier de 34 ans raccroche finalement les crampons. « Après avoir été sorti du groupe pour le Mondial, j’avais accepté les avances de Lanús, se souvient-il dans un entretien accordé à El Gráfico en 2011. J’étais content, j’avais commencé à jouer avec eux mais un jour, sur la route de l’entraînement, je me suis arrêté à un feu. J’ai regardé mon genou et je me suis dit : « Mon Dieu, comme j’ai mal, je ne joue plus ».J’ai fait demi-tour et je suis rentré chez moi. C’était fini. » José Luis Brown sera ensuite entraîneur de plusieurs petites équipes en Argentine, adjoint de Bilardo à Boca au début des années 2000 et verra éclore Messi et Riquelme au sein des équipes de jeunes de l’Albiceleste. Avant de finalement l’emporter, la maladie d’Alzheimer effaçait depuis quelques années les souvenirs de la mémoire d’El Tata. Mais son coup de tête restera gravé pour toujours dans celle des Argentins.

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Par Victor Launay

Propos de Thierry Goudet recueillis par VL

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