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Jerzy Dudek : « La Pologne a besoin que Lewandowski se montre à la hauteur »
Jerzy Dudek a beau aller sur ses 50 ans, l'ancien gardien a toujours le regard pétillant quand il s'agit de remettre les gants, comme samedi à Anfield, pour un match de charité opposant des légendes de Liverpool et de Barcelone, aux côtés de Steven Gerrard, Daniel Agger ou Rivaldo. Le public le lui a bien rendu en reprenant plusieurs fois son nom, preuve de l'amour inconditionnel éprouvé pour le héros de la finale d'Istanbul. Entretien avec un homme dont le swing et le déhanché risqueraient de vous surprendre.
Revenir à Anfield avec ce maillot rouge, c’est forcément spécial ?Bien sûr, c’est toujours génial. J’ai attendu ce moment pendant trois ans. La dernière fois qu’on s’était tous retrouvés à Liverpool, c’était en 2019 (contre les légendes de l’AC Milan, NDLR). C’est toujours un événement que nous attendons. Porter ce maillot est à chaque fois un grand honneur.
Ça te rend un peu nostalgique ?C’est clair. L’atmosphère d’un vestiaire, les coéquipiers, ça manque. C’est super que l’on ait des matchs comme ça pour se retrouver et échanger ensemble. Il y a toujours un peu de nostalgie. Quand tu joues, tu ne réalises pas forcément à quel point c’est spécial. Tu t’en rends compte après avoir arrêté.
Tu es quand même épanoui dans ta nouvelle vie ?Oui, il y a une vie après le football et elle est top. Je peux m’occuper de mes enfants. J’en ai trois, le plus âgé a 25 ans maintenant et je n’ai pas pu passer beaucoup de temps avec lui comme je jouais et que je voyageais beaucoup. Mais j’ai aussi deux petites filles, donc je suis leur chauffeur pour les emmener à l’école, et les ramener. C’est quelque chose que j’apprécie beaucoup. Parfois, tu regardes aussi en arrière. J’ai passé pas mal de temps loin de la maison : cinq ans aux Pays-Bas, six à Liverpool, quatre à Madrid. Aujourd’hui, je vis à Cracovie et ça me plaît.
Donc tu es passé de gardien à chauffeur de taxi ?C’est ça ! (Rires.) Papa peut vous emmener à l’école, pas de problème, je vous attends à 8 heures ! C’est sympa, ça permet de discuter un peu. Je passe le plus de temps possible avec mes filles.
À quoi ressemble ton quotidien aujourd’hui ?Honnêtement, rien de spécial. Je participe à une émission de télévision en Pologne avant les matchs de l’équipe nationale ou de Ligue des champions. J’ai une école de foot assez importante à Cracovie, l’AS Progres. Je suis ambassadeur de plusieurs projets et parfois, je joue des matchs caritatifs. J’ai aussi commencé le golf il y a une douzaine d’années et j’aime vraiment ça.
Qu’est-ce que tu aimes dans le golf ?Ne pas avoir à courir. (Rires.) Plus sérieusement, l’atmosphère est très sympa, et c’est un sport assez technique. Il y a beaucoup de détails à prendre en compte, comme dans le football. Il y a une différence en revanche : à moins d’être footballeur professionnel, on ne peut pas jouer dans les grands stades. Tu peux supporter Liverpool, mais pas jouer à Anfield. Le golf te donne cette possibilité de jouer sur les meilleurs parcours, où les meilleurs joueurs du monde ont joué. Je trouve ça fascinant de pouvoir se mettre dans les traces des meilleurs golfeurs de la planète. C’est pour ça que je joue au golf. Ce n’est pas un sport majeur en Pologne, mais on a de beaux parcours, notamment autour de Cracovie et Varsovie.
Avoir été gardien et avoir autant utilisé ses mains, ça aide en golf ?Je pense, oui. Tu as besoin de bonnes sensations quand tu frappes la balle. Tu sens quelque chose dans tes mains, ça aide. Il y a également la force mentale. Le golf, c’est beaucoup de hauts et de bas, tu dois survivre. Je peux me servir de mon expérience du football pour savoir comment appréhender une partie et comment jouer les coups.
Qui est le meilleur footballeur que tu connaisses sur un terrain de golf ?À Liverpool, je vivais à côté du Royal Hoylake, un célèbre parcours de golf, mais je n’y ai jamais joué ! J’ai commencé avec Guti, quand j’ai rejoint le Real Madrid. Guti était un fou de golf, il jouait presque tous les jours. Michael Owen et Steven Gerrard jouent bien aussi. Sheva (Shevchenko) est très bon, on a joué ensemble et il est accro, très compétitif. J’ai aussi entendu que Bale était très bon, mais je n’ai jamais joué avec lui.
Et toi, tu te situes où ?Mon handicap le plus bas était 1.3 ou 1.4 (une valeur qui correspond au nombre de coups au-dessus du par, NDLR). C’était incroyable, je ne croyais pas pouvoir être si bas. Ce sport est fou, si tu veux être très bon, tu dois passer encore plus de temps sur le terrain. C’est une histoire sans fin ! Maintenant, je suis à 1.8 et c’est déjà assez exigeant.
Je crois que tu as dit non deux fois à l’émission Danse avec les stars…
Peut-être même trois fois !
Pourtant, tu avais montré des mouvements intéressants à Istanbul.Dès que j’ai l’opportunité de danser, je danse. Au Nouvel An, je reste sur le dancefloor jusqu’à ce que tout le monde parte. Quand on est entre amis, je danse en couple ou en solo, j’aime ça. Le plus important, c’est de te sentir libre, quelle que soit la musique ! Tu te libères l’esprit, on en a tous besoin à un moment ou à un autre. Istanbul, c’était juste une petite partie de mes capacités de danseur. J’ai différents projets, peut-être qu’un jour je saisirai l’opportunité de participer à cette émission, mais pas tout de suite.
La Pologne joue ce mardi sa place à la Coupe du monde contre la Suède. Tu le sens comment ?Je serai à Chorzów, là où le match aura lieu. Je pense que c’est la dernière opportunité de participer à une Coupe du monde pour les joueurs de cette génération comme Lewandowski, Krychowiak, Glik, Szczęsny. La Suède est très dure à battre. On dirait qu’ils ne vont pas te faire de mal, mais tout d’un coup, ils mettent deux buts. Ce sera une grande revanche par rapport à la défaite 3-2 à l’Euro. On a nos chances, on a les cartes en main.
Comme la Suède, la Pologne est une équipe difficile à lire, qui semble capable de tout.En 2001, nous avions un match, contre la Norvège, trois jours après ma signature de contrat avec Liverpool. Il y avait beaucoup de choses dans ma tête au moment de jouer le match le plus important de ma vie. Nous devions gagner pour nous qualifier, nous n’avions jamais été dans cette position avant (à l’époque, la Pologne n’avait plus participé au Mondial depuis 1986, NDLR). Heureusement, on a gagné 3-0. Le score est large, mais ce n’était pas simple sur la pelouse. Je pense que ce sera pareil mardi. On sait tous comment la Suède peut jouer, et on sait tous comment nous pouvons jouer, en utilisant notre force offensive. Il faudra être très attentif sur les coups de pied arrêtés parce que la Suède est très forte dans ce domaine. Tout le monde sait à quel point ce match est important. On joue en Pologne, devant un public fantastique, ça ne peut pas être mieux.
Lewandowski n’a jamais vraiment brillé lors d’une phase finale avec la Pologne. A-t-il encore des choses à prouver ?On n’avait pas eu ce genre de joueurs dans notre histoire. On parle de Zbigniew Boniek, Kazimierz Deyna, Grzegorz Lato, mais ce sont des époques différentes. En revanche, Lato, par exemple, a été le meilleur buteur de la Coupe du monde 1974. Lewy, lui, n’a pas connu ça. Il est excellent en club, mais on a besoin qu’il se montre à la hauteur en équipe nationale. C’est un génie du football. Quand il a rejoint l’équipe nationale pour la première fois, il était très mince. Il était en route pour jouer au Borussia Dortmund, et je lui ai dit : « Tu veux jouer en Allemagne, mais ce n’est pas le championnat polonais, ils vont te tuer ! » Mais il a été très bon au Borussia Dortmund, ils ont su l’aider à se renforcer physiquement. Maintenant, c’est une vraie machine. Espérons que l’on batte la Suède et qu’il écrive l’histoire de notre équipe nationale.
Propos recueillis par Quentin Ballue, à Kirkby