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Jean-Philippe Durand : « L’Eintracht n’était pas programmé pour gagner une Coupe d’Europe »

Propos recueillis par Loïc Bessière
6 minutes
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C'est depuis l'Afrique, continent où il menait une mission de scouting pour l'Eintracht Francfort, que Jean-Philippe Durand a assisté à la finale de la Ligue Europa dont les Allemands sont sortis vainqueurs. Cela n'empêche pas le recruteur du club depuis 2020 de révéler certains secrets de la réussite des Adler. Réussite qui suscite la curiosité en France.

Gagner une Coupe d’Europe, vous savez faire (avec l’OM en 1993). Vous a-t-on demandé des conseils avant le match ?Pas du tout, chacun son travail. (Rires.)

Comment analysez-vous cette finale de Ligue Europa ? Comme souvent en finale, c’était un match très tendu, très serré. Je pense que Francfort a pris plus d’initiatives et a eu plus de chance de marquer. Mais comme souvent dans une finale, cela se joue sur des détails. Même si je pense que la victoire est méritée, sans l’arrêt de Kevin Trapp dans la prolongation, les Rangers auraient gagné, ça se joue à rien.

Le grand public s’attendait à voir Naples, Dortmund ou Barcelone en finale de la C3. Pour vous, était-ce une surprise d’y voir Francfort ? Quelque part, l’Eintracht n’est pas une équipe qui était programmée pour gagner une Coupe d’Europe. Après, c’est un club qui progresse chaque année depuis quatre, cinq ans. L’équipe arrive à élever son niveau de jeu quand elle joue une compétition européenne contre les grands clubs. Même en championnat contre les gros, ça s’est bien passé cette année. Le championnat a été perdu à domicile contre des équipes supposées plus faibles. Il y a une force collective dans cette équipe, malgré des changements récents avec le départ d’André Silva et ses 29 buts, et Rafael Santos Borré qui débarque de River Plate et qui a eu un temps d’adaptation. L’équipe s’est construite petit à petit.

Comment s’est passée votre arrivée à Francfort ?Ils cherchaient à développer et organiser leur réseau de scouting et ils recherchaient un référent pour la France. Ils m’ont proposé d’être leur responsable sur le pays. C’est principalement mon rôle. Depuis peu, je fais aussi l’Afrique, mais 90% reste la France.

Les Allemands ont des structures et des organisations de travail qui sont toutes portées vers la performance. Chaque personne peut évoluer dans les meilleures conditions, et on va demander beaucoup de travail, cela se ressent.

Ressentez-vous une différence entre le travail de recruteur pour un club allemand et un club français ?La différence, on la sent dans l’exigence de travail. Les Allemands ont des structures et des organisations de travail qui sont toutes portées vers la performance. Chaque personne peut évoluer dans les meilleures conditions et on va demander beaucoup de travail, cela se ressent. Quand les jeunes français entrent dans le mode travail/exigence, ils progressent forcément. En France, on est moins portés là-dessus ou pas assez.

Comment se définit au quotidien cette exigence dont vous parlez ?L’exigence est dans les comportements, comme le respect du club et des horaires. Mais aussi dans le travail au quotidien, lors des entraînements, il y a beaucoup d’intensité. On demande beaucoup aux joueurs tous les jours ! La différence n’est pas énorme, mais c’est un petit peu plus tous les jours qui fait beaucoup à l’arrivée…

Appels en profondeur.

Les jeunes Français sont à la mode depuis plusieurs années. L’Eintracht n’échappe pas à la règle avec Almamy Touré et Evan Ndicka arrivés jeunes, et bientôt Randal Kolo Muani. Sentez-vous une demande autour des jeunes cracks de l’Hexagone ? Disons que des clubs comme Francfort, qui ne sont pas des clubs phares comme le Bayern, représentent une étape pour les jeunes à potentiel. C’est en ce sens que l’on peut facilement trouver un projet commun entre un jeune joueur talentueux qui veut développer sa carrière et un club qui va lui donner tout l’environnement, les capacités et le temps de jeu pour lui permettre de se développer.

Contrairement à l’Angleterre où le joueur n’est qu’un numéro et où il n’y a pas vraiment de projet sportif autour de lui, en Allemagne, quand ils font signer un joueur, c’est parce qu’ils croient en lui, qu’ils vont lui donner sa chance et qu’ils vont aller au bout du projet.

Quel est le profil de joueur recherché par Francfort : un joueur avec à peine quelques matchs pros dans les jambes comme Evan Ndicka à l’époque en 2018 ou plus confirmé comme Randal Kolo Muani ?Pour moi, ce sont les mêmes profils ! Lorsque j’ai proposé Randal, c’était un jeune qui avait peu joué à Nantes. Il n’a signé que cette année, car Nantes n’a pas voulu donner son accord pour un transfert avant. Ça fait deux ans que l’on essaye, mais ils n’ont jamais voulu. On a donc attendu qu’il soit libre pour le faire signer. Il y a deux ans, il n’avait aucune référence et très peu de matchs en pro, donc pour moi, c’est le même profil que Ndicka en 2018 : un peu plus âgé (23 ans), mais un jeune avec une bonne marge de progression.

Vous avez souvent dû aller à la Beaujoire. Quelles sont les qualités qui vont faire de Randal Kolo Muani la prochaine pépite de Francfort ? C’est un joueur qui a des qualités athlétiques et une vitesse intéressantes. On sait que le jeu en Allemagne est très rapide et va d’un but à l’autre avec peu de répit dans le match et des équipes portées vers l’offensive. Je pense que Randal a toutes les qualités pour s’imposer dans ce championnat et marquer beaucoup de buts, car c’est un championnat très prolifique. Si on est efficace, on a ces possibilités-là. Je pense qu’il a une bonne marge de progression dans pas mal de phases de jeu, mais comme il a beaucoup de qualités, je pense qu’il a fait un bon choix en venant à Francfort et qu’il franchira un cap.

Comparé à une dizaine d’années en arrière, il y a beaucoup plus de jeunes joueurs qui franchissent le Rhin. Sentez-vous dans les discussions que vous avez en France une volonté des joueurs et des entourages d’aller en Allemagne finir leur progression ? Je suis énormément sollicité par les agents qui me proposent sans cesse des joueurs français. Contrairement à l’Angleterre où le joueur n’est qu’un numéro et où il n’y a pas vraiment de projet sportif autour de lui, en Allemagne, quand ils font signer un joueur, c’est parce qu’ils croient en lui, qu’ils vont lui donner sa chance et qu’ils vont aller au bout du projet. Il faut qu’il y ait en retour du travail, de l’exigence et que le joueur se donne. Mais s’il entre dans ce cadre-là, il progressera. On sait qu’en France, on a des joueurs de qualités, qui sont bien formés, mais ils franchissent un cap en Allemagne où ils ont du temps de jeu dans un championnat très relevé.

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Propos recueillis par Loïc Bessière

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