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« Je vais aux États-Unis avec l’envie de tout casser »

Propos receuillis par Gabriel Cnudde
11 minutes
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Après avoir évolué au centre de formation de Montpellier, Steven Dal Molin n'a pas décroché de contrat professionnel. Joueur du FC Sète la saison passée, il est sur le point de partir pour une grande aventure au pays de l'Oncle Sam. Entre appréhensions et excitation, Steven se livre, quelques heures avant son grand départ.

Le monde du football professionnel est impitoyable, et seule une partie des jeunes d’un centre de formation peuvent rêver décrocher un contrat dans un club de l’élite. Steven Dal Molin, 21 ans, n’a pas eu cette chance. Après des années de formation au MHSC, le numéro 6 ne s’est pas vu proposer de contrat. La déception effacée, Steven a joué la saison dernière avec le FC Sète, en CFA. Il a alors été contacté par l’University Elite Athlètes, une agence qui envoie des joueurs européens évoluer dans des facultés américaines. Grâce à son niveau d’études, Steven a été retenu. Dans quelques heures, il s’envolera pour la Virginie où il va vivre au sein de la Virginia Commonwealth University. Découvrez toutes les deux semaines sur Sofoot.com un compte rendu détaillé des aventures de Steven Dal Molin avec les Rams de la VCU.

À quel âge as-tu commencé le football ?

J’ai commencé le football dès que j’ai pu, vers 4 ans. À l’époque, quand j’ai commencé, j’ai joué en débutant, puis en poussin, en benjamin, etc. J’ai commencé parce que je fais partie d’une grosse famille de footeux. Mon père jouait au football, mon frère jouait également. Mon frère jouait au niveau amateur, au niveau régional quoi. Mon père, lui, il a joué en Ligue 2, mais ce n’était pas professionnel à l’époque. Il a joué en région parisienne et en Corse.

Quel a été ton parcours avant de rejoindre le centre de formation du MHSC ?

Tout petit, j’ai commencé au club de Palavas, à côté de chez moi. Ensuite, quand je suis passé sur les grands terrains, je suis allé à l’AS Lattes. C’est un bon club régional pour les jeunes. Du coup, c’est là que j’ai commencé à évoluer contre Montpellier. Et quand j’avais 15 ans, Montpellier m’a recruté. Le MHSC a pris contact avec mon club, qui a donné les contacts à mon père. Tout le monde a discuté et je me suis retrouvé là-bas. Les observateurs de Montpellier m’avaient vu jouer quand j’étais à Lattes, mais aussi à 14 ans, lors des essais pour intégrer l’INF Clairefontaine. Je n’avais pas été sélectionné, mais j’étais allé jusqu’à la dernière étape.

Comment s’est passé ta formation à Montpellier ? Quels sont les souvenirs forts que tu en gardes, bons ou mauvais ?

Moi, j’avais la chance d’être de Montpellier, donc je pouvais rentrer tous les soirs à la maison. Je n’étais pas à l’internat. À part ça, on avait tous le même emploi du temps. Le matin, on s’entraînait, et l’après-midi, on avait cours. Les professeurs venaient nous faire les cours au centre de formation. C’était une routine assez sympa quand même. J’ai fait tout mon lycée là-bas. C’était vraiment cool, parce que j’étais dans mon club de cœur. J’ai toujours supporté Montpellier. C’était un rêve d’être là. Je n’y croyais pas trop au départ. J’ai vite été surclassé, et les entraînements avec les plus âgés, c’était super cool ça aussi. En plus, on a vécu le titre de champion de France de l’intérieur ! Cette année-là, nous, on gagne le championnat U19 ! Il y avait beaucoup d’engouement, beaucoup de monde qui venait nous voir jouer. On évoluait à côté des professionnels. C’était vraiment super. J’ai adoré la proximité et l’esprit familial de ce club.

Pourquoi est-ce que tu n’as pas réussi à signer un contrat professionnel à la fin ? Qu’est-ce qui t’a manqué ? Te l’a-t-on expliqué ?

Moi, j’étais un joueur régulier, je faisais des saisons pleines. Je jouais au moins une vingtaine de matchs par saison. La dernière année, c’est devenu beaucoup plus compliqué parce qu’il y a eu beaucoup de redescente de professionnels à mon poste. Je n’ai joué que la moitié des matchs en titulaire. J’entrais pas mal, mais mon temps de jeu a baissé. Je me suis entraîné en pro, mais pas assez pour me faire repérer. Donc logiquement, ils ne m’ont pas proposé de continuer.

Comment as-tu réussi à digérer cet échec ? Est-ce que tu as pensé à un moment que tout s’arrêtait là pour le football ?

C’était très compliqué à accepter. J’étais chez moi, dans ma ville, dans mon club ! J’ai touché mon rêve du bout du doigt, et après, tout s’est écroulé. Je m’y attendais un petit peu, puisqu’à la fin, je voyais les joueurs de ma génération qui signaient, qui allaient s’entraîner, alors que moi, je n’étais pas appelé. Je m’en doutais un peu, mais l’annonce a été compliquée. Henri Stambouli, le directeur du centre de formation, et le coach sont venus me l’annoncer. C’était un gros coup au moral, mais ce n’était pas une fin en soi. Je n’ai jamais pensé que le foot s’arrêtait là pour moi.

Que s’est-il passé ensuite ?

J’ai rapidement décroché des essais dans plusieurs clubs, et notamment à Arles-Avignon. D’ailleurs, ça s’était très bien passé là-bas. Je devais signer là-bas, sauf qu’au final, ça ne s’est pas fait. Le président ne m’a pas rappelé, j’ai découvert que d’autres joueurs signaient sur internet, alors que moi, je n’y étais pas. C’était bizarre, surtout que j’avais refusé d’autres essais pour pouvoir signer ! Je me suis retrouvé un peu dans la merde ! Heureusement, j’ai eu la chance de parler aux dirigeants du FC Sète. Ils m’ont accepté sur une entrevue. Ils ne m’avaient pas vu jouer dans l’année, on n’était pas dans le même championnat. Pour ça, je les remercie vraiment, parce qu’ils m’ont permis de faire une année en CFA.

Comment ça s’est passé en CFA ?

C’était une année très importante pour moi. À Montpellier, j’avais pris beaucoup d’expérience, mais cette année dans un club amateur m’a montré la réalité des choses. Au centre de formation, on est dans un cocon, on est entourés, on a les kinés, les soins, tout. On ne se rend pas compte de la chance qu’on a. On prend la mesure des choses quand on n’a plus tout ça. L’année dernière, j’ai beaucoup beaucoup plus travaillé personnellement. À Montpellier, je pensais que c’était acquis, mais en fait non. Je me suis beaucoup plus investi niveau alimentaire, hygiène de vie. Niveau football, je n’avais jamais évolué en CFA puisqu’avec la réserve de Montpellier, on était en CFA 2. En novembre dernier, je me suis blessé et j’ai joué avec la réserve, en DHR. C’était compliqué. Là, à ce moment-là, je me suis demandé ce que je faisais. Je me suis demandé si j’avais vraiment envie de faire ça de ma vie. En janvier, je me suis bougé le cul pour bien revenir et j’ai fait une bonne fin de saison.

Et ce programme aux États-Unis, comment es-tu tombé dessus ?

C’était à la fin de mes années au MHSC. Quand je n’ai pas signé pro, monsieur Stambouli m’en a parlé. C’est une idée que j’avais déjà de partir là-bas, mais c’était flou. University Elite Athletes est venue me rencontrer à Montpellier. On s’est rencontrés et j’étais très intéressé. J’ai décidé d’attendre un an pour savoir ce que je voulais faire. À l’époque, je devais quand même jouer à Arles-Avignon. Je les ai rappelés en septembre dernier pour leur dire que j’étais partant. Ils ont monté un dossier sur moi avec des vidéos de mes matchs et ils ont prospecté auprès des universités américaines. Courant décembre, tout était réglé. Je devais passer le TOEFL pour aller là-bas. J’ai eu cet examen en décembre avec des bons résultats. Le scolaire compte beaucoup pour les universités là-bas.

Comment as-tu réussi à concilier tes études et ta carrière sportive ? Ce n’était pas trop compliqué ?

À Montpellier, on a tous eu notre bac. C’était assez rigolo, parce que cette année-là, à l’OM, aucun ne l’avait eu. On les chambrait bien quand même ! Mais après, moi, je suis un de seuls à avoir continué sur des études supérieures. Ce n’était pas évident, c’est vrai. Déjà au lycée, je devais gérer les cours, le bac, le permis de conduire, la signature de mon contrat stagiaire ! C’était une année charnière. Mais ça allait. Il y a eu des moments un peu tendus, mais ça allait. Je suis bon élève, donc mes parents n’avaient pas trop à me pousser.

Et à la fac ?

À la fac, c’était assez compliqué. Le problème du système français, c’est que les gens ne comprennent pas que tu as un sport à côté. Les professeurs ne comprenaient pas que je devais manquer des cours, parfois. Il y a eu des moments chauds avec l’administration. À l’UFR STAPS de Montpellier, j’étudiais l’action et la commercialisation des services sportifs. Pour moi, c’était important d’avoir un diplôme aussi à côté parce que la carrière, ok, mais je me suis dit que tout n’était pas assuré. La preuve, je n’ai pas signé pro. Il ne faut pas croire qu’on finira tous à 100 000 euros par mois jusqu’à 35 ans. Il faut penser à l’avenir, ce n’est pas du temps perdu.

Quelles sont les matières que tu vas étudier en Virginie ?

Là-bas, le système est assez différent. Les premières années sont assez ouvertes, et on se spécialise plus tard. En gros, moi, je pars là bas pour étudier la préparation physique. C’est un domaine qui m’intéresse. J’ai envie de rester dans le sport après ma carrière. C’est un domaine intéressant, puisque ça me concerne directement.

Quel est ton but en partant là-bas ? Vivre une expérience formidable, seulement, ou tenter de devenir professionnel à l’étranger ?

Moi, mon objectif, c’est de signer pro aux États-Unis. C’est mon objectif numéro 1. Mais j’ai un objectif numéro 1 bis. Je veux aussi sortir avec un bon diplôme. Je veux assurer mon après-carrière. J’ai quatre ans d’études à faire, et de sport. Je vais pouvoir m’améliorer, progresser sur mes défauts.

Comment as-tu décroché ta bourse ?

J’ai vu avec les universités ce qu’on me proposait. À la fin, deux universités me voulaient. Celle où je vais, la VCU, et une à New-York. Mon choix s’est fait par rapport aux bourses. À la VCU, ils me payent la nourriture, le logement, les cours, l’assurance, tout ! Je suis pris en charge à 100%.

Qu’est-ce qui t’effraie le plus à propos de ce grand voyage ?

Forcément, la langue me fait un peu peur. Je parle bien anglais, mais je ne pratique pas beaucoup. Donc au départ, je vais avoir du mal à trouver mes mots, je vais bégayer, je vais pas tout comprendre… Je vais découvrir une nouvelle culture, aussi. C’est une peur, mais c’est une bonne peur. C’est de l’excitation, plutôt. Je pars dans l’inconnu. Mais ma grande crainte, ça reste les cours en anglais. Il y aura un temps d’adaptation, mais les premiers cours seront assez longs, je pense !

Qu’est-ce que tu attends le plus ? Qu’est-ce qui te rend vraiment impatient d’y être ?

J’ai vraiment hâte de rencontrer ma nouvelle équipe ! C’est vraiment cool, parce qu’il y a une dizaine de jours, le capitaine de l’équipe m’a ajouté sur Facebook. Il m’a envoyé un message en me disant qu’il savait que je venais, qu’il m’attendait, que je pouvais lui poser plein de questions. Il m’a mis à l’aise et c’est génial. Avec le coach, on se parle par messages régulièrement. Il y a vraiment un très très bon rapport et c’est aussi pour ça que j’ai choisi cette université-là. J’ai eu un bon feeling avec l’entraîneur. J’ai aussi vraiment hâte de découvrir cette culture américaine du sport. En France, ce qui m’a déçu, c’est qu’au centre de formation, on est dans des structures de malade, on fait du foot tous les jours, et les joueurs se plaignent ! Ils arrivent en disant : « Putain, je voulais pas venir ce matin, ça me saoule ! » L’objectif de l’entraînement, c’était de finir le plus tôt. Cette mentalité m’a vraiment saoulée. J’ai envie de découvrir autre chose. J’ai toujours entendu qu’aux États-Unis, c’était différent.

Quels sont les clichés de la vie américaine que tu t’attends à rencontrer ?

Les gros clichés… Y a l’intégration déjà. Il y a aussi les grandes maisons dans lesquelles ils se regroupent, les confréries ! Je pense aussi que les basketteurs sont des vraies stars là-bas. En plus, ils ont gagné le championnat l’année dernière, donc en classe, ce seront les boss. Je pense que je vais voir des cheerleaders aussi. La nourriture aussi, ça doit être quelque chose.

Tu t’es renseigné sur les infrastructures là-bas ?

C’est incroyable. Il y a sept terrains, que de la pelouse. Ils ont une salle de gym rien que pour eux, une salle de soin. Le coach me racontait que pendant l’été, des clubs anglais comme WBA viennent s’entraîner sur ces infrastructures-là. Les moyens sont exceptionnels. Le stade est pas mal, un peu comme les stades qu’on peut trouver en CFA avec une grande tribune sur les côtés. Le stade est un peu éloigné de l’université, donc il y a un peu moins de monde, mais ça va.

Tu connais le football qu’on pratique là-bas ?

Je n’arrive pas trop à me faire un avis pour le moment. Un ami de Montpellier joue à New-York et il m’a dit que c’était un football complètement différent. Il m’a dit de m’attendre à un championnat très physique. Je ne dois pas m’attendre à quelque chose de facile. Les entraînements seront durs, je vais devoir faire mon trou et surtout, je n’arrive pas en terrain conquis. Y aura du boulot.

Un mot pour la fin ?

J’ai du mal à dire que mon échec à Montpellier était un mal pour un bien, mais c’est presque ça. J’ai pas signé pro, mais quand je vois certains amis à moi qui ont réussi, et qui sont aujourd’hui au même niveau que moi, je me dis que ce n’est pas plus mal. Mon année à Sète a été très importante, elle m’a fait grandir mentalement, dans mon jeu. C’était essentiel. Je vais en Virginie avec l’envie de tout casser. Je veux profiter à fond.
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Propos receuillis par Gabriel Cnudde

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