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Je me souviens… de Sir Alex Ferguson
Sir Alex Feguson n'est pas mort. Mais putain. Cela fait drôle. Sans vraiment faire rire. Vingt trois ans en tant que supporter de Manchester United passés à ses côtés, quelques rencontres ici et là, au fil du temps, et un milliard de souvenirs. Par où commencer? Peu importe. Essayons juste de ne pas perdre toute dignité en rendant hommage à cet homme qui ressemblait parfois à un père. Et pas seulement pour la raie sur le côté.
Je me souviens… que tu viras, un jour, un reporter de ton bureau parce qu’il avait comparé ton autorité naturelle à celle de Margaret Thatcher, cette folle que tu haïssais.
Je me souviens…que tu apprenais le piano mais que tu t’es vite lassé, tu trouvais plus de plaisir dans le vin et les chevaux. On te comprend.
Je me souviens… que tu as osé faire jouer Ryan Giggs ailier droit en finale de la Coupe d’Europe 99, contre le Bayern.
Je me souviens… que lorsque Brian Kidd, ton adjoint historique, est parti, tout le monde a cru que l’empire allait s’effondrer.
Je me souviens… que lorsque Steve McClaren, ton adjoint suivant, est parti, tout le monde a cru que l’empire allait s’effondrer.
Je me souviens… que lorsque Carlos Queiroz, ton adjoint d’après, est parti tout le monde a cru que l’empire allait s’effondrer.
Je me souviens… que l’empire ne s’est jamais effondré avec toi.
Je me souviens… qu’un jour nous avons perdu 3-2 contre Middlesbrough, sans toi, car tu étais en Afrique du Sud pour le mariage de ton fils. Quelle idée!
Je me souviens… que pendant toute ta carrière à MU, 27 ans quand même, tu n’as raté que 3 matchs sur le banc (un mariage, un enterrement, une maladie).
Je me souviens… que tu as toujours célébré les buts de United comme si c’était le dernier, ou le premier, ou le plus beau, et que cela en dit long sur toi.
Je me souviens… que nous avons partagé une bouteille de Château Yquem 86, à 5000 euros, au Plaza Athénée, lors de la remise du Ballon d’or à ton joueur, Cristiano Ronaldo.
Je me souviens… que ce jour-là, relax et bavard (le château Yquem…), tu racontais des secrets de vestiaire, tu parlais de Cantona, de Keane, de Giggs…
Je me souviens… que tu étais d’accord avec ma thèse : Roy Keane était un joueur bien plus gérable dans ses périodes de beuverie intense, car cela le rendait plus tolérant avec ses coéquipiers.
Je me souviens… que les supporters de United ont chanté « We all love Cathy Ferguson », dans les tribunes de White Hart Lane, parce que Cathy, ta femme, t’avait convaincu de rempiler après que tu ais annoncé ton départ en 2001.
Je me souviens… qu’une femme de ménage d’Afrique du Sud t’accusa un jour d’harcèlement sexuel, comme Nafissatou, mais sans grand succès.
Je me souviens… que tu aurais dû te mobiliser contre le rachat du club par les Glazers, mais on a tous ses moments de faiblesse.
Je me souviens… que tu assistais parfois aux meetings du parti travailliste, et que tu étais même un donateur régulier du parti.
Je me souviens… qu’à la fin des années 90, tu as mis à l’essai Djamel Belmadi, oui, l’ancien dribbleur Marseillais, devenu star au Qatar.
Je me souviens… que tu as aussi mis à l’essai William Prunier, Alain Traoré, et même, Julien Viale, qui aujourd’hui joue au Stade lavallois…
Je me souviens… que tu n’avais pas répondu à ma longue lettre te suggérant de recruter Soufiane Koné, l’attaquant nancéien, mais bon, sans doute as tu bien fait.
Je me souviens… qu’en 2001, tu as signé Andy Goram un gardien écossais alcoolique, et qu’en plus tu l’as fait jouer, deux matchs, la honte quand même…
Je me souviens… que tu aimais recruter des attaquants, mais que tu savais aussi acheter des défenseurs : Pallister, Johnsen, Stam, Vidić, Ferdinand, Jones…
Je me souviens… que tu es allé voir Ruud van Nistelrooy à l’hôpital, après une grave blessure, alors que c’était encore un joueur du PSV Eindhoven, mais tu l’aimais déjà.
Je me souviens… que tu as refusé Zidane Zidane, parce que tu ne le trouvais pas assez bon pour jouer sur un côté à United.
Je me souviens… que les supporters trouvaient ça incompréhensible que tu vendes le jeune Luke Chadwick. Mais bon, où est Luke Chadwick maintenant ?
Je me souviens… que tu voulais acheter Kluivert, mais que tu as fini par acheter Yorke, en 1999, alors qu’il croupissait à Aston Villa…
Je me souviens… que Yorke fut l’un des plus beaux joueurs de ton règne, peut-être le plus fin de tous…
Je me souviens… qu’à son premier jour à Old Trafford, tu avais dit que Cristiano Ronaldo deviendrait le meilleur joueur du monde.
Je me souviens… que tu n’arrivais pas à prononcer le nom d’Ole Gunnar Solskjær à son arrivée (dites Soulchar).
Je me souviens… que c’est toi qui a annoncé à la femme de Jock Stein que son mari était mort, sur le banc de touche, lors d’un match de l’équipe d’Écosse.
Je me souviens… que j’ai lu ça dans ta bio, Managing My Life, une vraie odyssée.
Je me souviens… que tu y racontais aussi comment Barcelone avait tenté de te recruter lorsque tu étais entraîneur à Aberdeen. Ça tient à peu de choses une vie, un club…
Je me souviens… que, chaque Noël, pendant l’adolescence, je t’envoyais une bouteille de vin français et que tu répondais toujours d’un petit mot, écrit à la main. Je tiens les preuves à disposition.
Je me souviens… que beaucoup de supporters voulaient ta tête en 1995, parce que tu venais de vendre Hugues, Ince et Kanchelskis et qu’en échange tu ne proposais que Scholes, Beckham, Neville, Butt, de vagues espoirs…
Je me souviens… que cet été-là, en 95, le Manchester Evening News avait publié un sondage montrant que la majorité des supporters de United ne croyait plus en toi.
Je me souviens… que quelques mois plus tard, United faisait le doublé Cup-championnat.
Je me souviens… que tu as banni des dizaines de reporters de tes conférences de presse, sans raison valable. Espèce d’enfoiré!
Je me souviens… que tu as fait changer tes joueurs de maillot à la mi-temps d’un match, contre Southampton, parce que, pensais-tu, ils ne se voyaient pas assez bien avec le maillot gris…
Je me souviens… que tu détestais Arsène Wenger, au milieu des années 90, mais que ta haine la plus profonde tu la réservais à Victoria Caroline Adams, qui pourrissait ton petit David.
Je me souviens… que j’ai passé une heure dans un studio, un casque dans les oreilles, pour tenter de dérusher la bande d’une interview que tu m’avais accordée. Putain d’accent écossais. Et puis il y avait Madonna en fond sonore ce jour-là, au Carrington…
Je me souviens… que lors de cette interview-là, tu portais un short très court. Drôle de choix, à ton âge…
Je me souviens… qu’au début des années 2000, tu avais adopté une doudoune infâme de chez Nike, mais qu’heureusement, tu t’es vite rabattu sur un par-dessus en laine noire…
Je me souviens… que j’ai réalisé que tu vieillissais, toi aussi, lorsque tu es apparu pour la première fois avec des lunettes sur le banc de touche.
Je me souviens… que tu dormais 5 heures par jour et que tu arrivais chaque matin avant 7 heures à l’entraînement.
Je me souviens… que tu disais à tes joueurs qu’il fallait être comme des hirondelles sur le terrain, et voler dans tous les sens.
Je me souviens… que tu disais, surtout, que nul n’était irremplaçable. Espérons que tu avais raison.
Je me souviens… que tout ça fut grand. Très grand. Merci, boss. Et ne sois pas trop pénible avec Cathy, à la maison.
Par Marc Beaugé