- Danemark
- Interview Thomas Kahlenberg
« J’aime particulièrement les noix de Saint-Jacques »
Plus de trois ans après son départ d'Évian, Thomas Kahlenberg fait de nouveau les beaux jours de Brøndby, son club formateur. Dans un français parfait, le milieu de terrain danois s'est dévoilé tout en racontant son passage à Auxerre, Évian et Wolfsburg. Efficace et direct. Comme sur le terrain.
Thomas, que deviens-tu depuis ton départ d’Évian Thonon Gaillard en 2012 ?Après Évian, je suis retourné un an à Wolfsburg. J’ai gagné ma place à mon retour, puis j’ai moins joué les six derniers mois. Je me suis retrouvé en fin de contrat et j’ai décidé de rentrer dans mon pays. Brøndby avait le projet de bâtir une nouvelle équipe et me voulait vraiment. Ça fait deux ans et demi que je joue pour ce club. Je me sens bien, je suis à la maison. Brøndby est un grand club ici. Nous sommes en train de revenir vers le haut du tableau. L’an passé, nous avons terminé troisièmes, et nous devons faire au moins aussi bien cette saison.
Quelle est la différence de niveau entre la Superliga danoise et la Ligue 1 ?C’est clair que le championnat français est d’un niveau supérieur : plus physique, plus rapide. Mais nous avons aussi de bons joueurs techniques au Danemark. Après, c’est comme si tu comparais la Ligue 1 et la Premier League. Plus il y a d’argent, plus il y a de bons joueurs. En tout cas, j’ai passé de très belles années en France.
En France, on connaît beaucoup le footballeur, mais moins l’homme. Qu’aimes-tu faire en dehors du football ?J’aime la gastronomie et le vin.
Pour ça, la France est un bon pays. J’aime particulièrement les noix de Saint-Jacques, la sole ou le filet de bœuf. En France, j’ai pu connaître le chablis. La commune était à une quinzaine de kilomètres d’Auxerre. J’en achetais pas mal à l’époque. Les Danois aiment beaucoup le vin français. J’ai une belle cave à la maison. J’ai beaucoup de vins de Bourgogne, des côte-de-beaune et pas mal de bordeaux. Du champagne aussi. J’ai d’autres vins du monde entier, mais je préfère les vins français. Je continue d’en acheter sur Internet. Le vin danois n’est pas connu. Parfois, nous nous entraînons à Avedøre près de Brøndby et il y a des vignes. Du vin rouge y est produit. Le résultat est impressionnant, mais cela n’a rien à voir avec le vin français. Sinon en dehors du foot, ma vie, c’est ma famille et mes trois enfants.
Tu parles toujours très bien français. T’intéresses-tu à la littérature française ?Non, je ne lis pas de livres français. En revanche, je parle moins bien français quand il faut parler de politique. Sinon j’aime les films français. J’ai beaucoup apprécié Bienvenue chez les Ch’tis, Intouchables ou Samba. Le cinéma est une très bonne manière d’apprendre une langue. Niveau musique, dans les vestiaires français, Dans ma bulle de Diam’s était très populaire à l’époque. Tout comme Kerry James. Les Français ont des bons rappeurs. J’aimais bien aussi Christophe Mae.
À tes débuts à Brøndby, l’entraîneur était Michael Laudrup. Comment était-il au quotidien ?Pour moi, c’était une très belle époque où nous pratiquions du beau football. Nous avons gagné beaucoup de trophées au Danemark. Comme quand il était joueur, Michael Laudrup aimait le jeu offensif. C’était une chance pour moi d’être entraîné par lui, car il avait la même philosophie de jeu que moi. Il gardait ses distances avec les joueurs, mais il pouvait aussi être chaleureux. Il imposait beaucoup de respect.
L’imagines-tu entraîner un jour l’équipe nationale du Danemark ?Ce n’est pas à moi de le dire. Je pense qu’il a déjà eu l’opportunité, mais lui n’a pas accepté le job. C’est son choix.
Revenons à 2005 et ton départ pour Auxerre. Comment les contacts ont été noués avec l’AJA ?Je venais de jouer trois saisons pleines avec Brøndby. En 2004/05, nous avons réalisé le doublé coupe-championnat. Au départ, je m’étais préparé à rester, mais Auxerre m’a sollicité. C’était une belle occasion pour moi. Avant de partir à l’AJA, je savais surtout que Laurent Blanc ou Éric Cantona avaient porté les couleurs du club dans le passé. À l’époque, Auxerre jouait quasiment l’Europe tous les ans.
Quelles ont été tes premières impressions en arrivant à Auxerre ?Au début, je ne comprenais rien.
À part Benoît Cheyrou, peu de monde parlait anglais à Auxerre. Ça m’a forcé à apprendre le français. J’ai fait beaucoup d’efforts pour m’adapter. J’ai réussi à comprendre assez vite. Les gens m’ont bien accueilli, c’était un club familial. J’étais souvent titulaire, donc cela a facilité l’adaptation. Sinon il y avait un bon niveau de football. Nous jouions assez bas et en contre-attaque. J’ai bien aimé être entraîné par Jacques Santini. Je ne parlais pas beaucoup français la première année, et lui n’était pas chaud pour parler anglais. Après, les footballeurs et des entraîneurs ne sont pas des amis.
Quels joueurs t’ont marqué à Auxerre ?À Auxerre, il y avait Peguy Luyindula, j’appréciais jouer avec lui. On sentait qu’il avait joué dans des grands clubs. Il était très intelligent. Même si je ne le voyais pas en dehors, c’était un super mec. Il y avait aussi Benjani, c’était un mec marrant et un peu fou. Mais un bon fou (sourire). J’ai joué aussi avec Abou Diaby. On voyait que c’était un grand talent. Bacary Sagna était aussi très, très fort. C’était une machine. Il courait 90 minutes sur son côté. C’était un super mec aussi. En général, il n’y avait pas de grosses têtes à Auxerre. Aujourd’hui, je suis toujours en contact avec Benoît Cheyrou et Frédéric Thomas.
Tu as aussi vécu la saison qui a suivi le départ de Guy Roux…Les premiers contacts que j’ai eus à Auxerre, c’était avec lui. Je sentais et savais qu’Auxerre, c’était lui. Il voyait les matchs, il était autour du club. Auxerre, c’est son bébé. Mais je n’ai jamais senti qu’il donnait son avis à Jacques Santini sur ses compositions d’équipe. Il n’était pas souvent près du terrain aux entraînements. À l’époque, à Auxerre, il y avait aussi Gérard Bourgoin. C’était un personnage et un bon mec. Après, je ne le voyais pas souvent. C’est un homme d’affaires, il était plus dans le business. On sentait aussi la passion du foot chez lui. Tout comme Jean-Claude Hamel qui était un président très chaleureux.
Tu es resté de 2005 à 2009 à Auxerre. As-tu senti le déclin du club, aujourd’hui en Ligue 2 ?Lors de ma dernière saison, nous avions joué le bas du tableau. Mais nous avions perdu plein de bons joueurs : Benoît Cheyrou, Benjani, Peguy Luyindula, Bacary Sagna, Younès Kaboul ou Kanga Akalé. C’est difficile de remplacer des joueurs comme ça. Deux ans après mon départ, ils ont joué la Ligue des champions. Puis ils sont descendus. Il y a aussi eu beaucoup de changements d’entraîneurs et de dirigeants. Auxerre a joué avec le feu quelques années. Je suis toujours les résultats du club, même si, quand je vois la composition d’équipe, je ne connais personne. Ça va être difficile pour remonter cette saison. J’espère que ça se fera la saison suivante.
Ensuite tu es parti à Wolfsburg où tu as connu l’entraîneur Felix Magath…C’est un personnage réputé pour sa manière de travailler.
Il est très, très dur. Si tu survis avec Felix Magath, tu peux survivre à tout. Il m’a renforcé. À l’époque, ce n’était pas toujours drôle. Il n’avait pas de relations avec les joueurs. C’était « crazy » . Il n’y avait pas de calendrier avec lui. Quand tu avais entraînement le matin, tu ne savais pas si tu allais avoir encore un entraînement l’après-midi. Mais il traitait tous les joueurs de la même façon, il voulait que tout le monde travaille. En général, les entraîneurs allemands imposent plus de discipline.
Tu as aussi été prêté six mois à Évian Thonon Gaillard. Quels sont tes souvenirs en Haute-Savoie ?Ce prêt était une bonne chose pour moi. Felix Magath m’avait envoyé en équipe réserve plusieurs mois. J’ai fait une bonne demi-saison, j’ai joué régulièrement. Je ne voulais pas rester dans la durée à Évian. Six mois, c’était parfait. Après niveau social, c’était bien avec mes amis danois Daniel Wass, Christian Poulsen et Stéphane Andersen.
Le changement a-t-il été radical entre Wolfsburg, ex-champion d’Allemagne, et Évian, jeune promu en L1 ?C’était vraiment différent. On sentait qu’Évian était un nouveau club. Sympa, mais on ne sentait pas la passion comme à Auxerre. Il n’y avait pas trop d’âme. Il n’y avait pas d’infrastructures. Le centre d’entraînement était pourri. On s’entraînait à Évian, et les matchs avaient lieu à Annecy. C’était un autre monde, mais ça reste du football et le même jeu. J’ai passé de bons mois à Évian. C’était l’essentiel.
Quels souvenirs gardes-tu de Pascal Dupraz, qui était encore directeur sportif lors de ton passage en 2012 ?(Sourire) C’était le patron dans la vie quotidienne. Je savais qu’il aimait bien le jeu. Il avait été entraîneur du club par le passé. Même si c’était à un autre niveau. Je sentais aussi que l’entraîneur en place, Pablo Correa, n’allait pas rester plus de temps que ça. Après, c’était des deux côtés. Je ne le sentais pas si bien que ça au club. Sur le terrain, je ne savais pas ce qu’il voulait faire. C’était un peu nous, les joueurs, qui décidions. Mais nous avions aussi des bons leaders.
Propos recueillis par Clément Lemaître, à Brøndby