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« J’aime la caïpirinha, mais aussi le bon vin »

Propos recueillis par Romain Duchâteau
11 minutes
«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J’aime la caïpirinha, mais aussi le bon vin<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

De lui, on se souvient surtout de ses passages à Lille et à Lyon, de ses coups de canon du pied gauche et de son inlassable sourire. Mais l’histoire de Michel Bastos est bien plus riche que cela. Aujourd’hui à São Paulo, le milieu auriverde s’est livré dans la langue de Molière en profondeur sur son parcours. Entre blessures intimes, peur de l’échec à ses débuts et attachement viscéral à la France. Deuxième partie, les années lyonnaises et ses dernières expériences.

Après le LOSC, tu signes en 2009 à l’OL. Sous ce maillot, on avait l’impression que tu avais atteint une forme de plénitude, non ?Je pense que oui, j’ai tout de même passé trois ans et demi à Lyon. J’ai toujours été titulaire dans l’équipe. C’est là que j’ai connu mon meilleur niveau, que j’ai pratiqué mon meilleur football. Je suis parti de Lyon parce que j’ai vu que le président voulait s’appuyer sur les jeunes joueurs du club, comme on peut le voir actuellement. C’est le cas avec Lacazette, Fekir, etc. Beaucoup de joueurs qui ont été formés au club. Avant que je ne joue moins, j’ai donc décidé de partir par la grande porte. C’était le moment de quitter Lyon.


Donc finir ta carrière à l’OL à l’époque, c’est quelque chose que tu n’as jamais envisagé ?Ça aurait été beau, vraiment. Aujourd’hui, je suis supporter de Lyon. J’ai d’ailleurs toujours ma maison là-bas, j’essaye de garder contact avec les gens.

Désormais, je ne me vois pas retourner à Lyon pour x raisons. Je suis juste derrière en tant que supporter.

Avec la construction du nouveau grand stade, je m’imaginais jouer dedans. C’est un club que j’aime beaucoup. Mais bon… Finir ta carrière dans un club que tu aimes, c’est toujours une belle manière de terminer. Le football est comme ça. Désormais, je ne me vois pas retourner à Lyon pour x raisons. Je suis juste derrière en tant que supporter.

Tu aimes l’OL, et les fans ne t’ont pas oublié aussi. En 141 matchs disputés avec les Gones, tu as lâché un tas de grosses frappes et marqué notamment à trois reprises lors de derbys face à Saint-Étienne. Tu as su te faire adopter avec la manière…À Lyon, j’ai vraiment eu des bons moments. J’ai eu la chance de pouvoir marquer lors des derbys, à trois reprises. Puis ce qui est beau, c’est qu’on a toujours battu Saint-Étienne en plus (rires) (1-4 en février 2011, 1-2 en 16es de finale de Coupe de la Ligue en octobre 2011, 0-1 en décembre 2012). C’est pas mal, c’est pas mal du tout. Ce sont de beaux souvenirs. Je me rappelle aussi que j’ai eu la chance de jouer une demi-finale de Ligue des champions (contre le Bayern Munich en avril 2010) et de gagner un titre (Coupe de France en 2011-2012). C’est également à l’OL que j’ai pu aller en sélection nationale. C’est vraiment le club avec lequel j’ai connu le plus de réussite.

On te sent encore réellement attaché au club…Bien sûr que j’y suis attaché, très attaché même. Avec Lille, c’est le club où je pense avoir vécu mes meilleurs moments. Même dans ma vie privée, ma vie avec ma famille. Si je dis demain à ma femme qu’on retourne en France, elle va pleurer de joie car elle sera contente.

Justement, tu as passé près de sept ans en France. Quel rapport entretiens-tu avec notre pays ?Je suis français (rires) ! Je suis franco-brésilien.

J’aime bien le pain brésilien, mais, de temps en temps, j’aime aussi manger un bon pain français. La gastronomie française, j’aime énormément.

Même si je ne parle plus le même français qu’il y a dix ans et que je le parle moins bien. La culture française, je l’ai avec moi. Je ne l’ai pas perdue. Comme boire un bon vin, par exemple. Il y a beaucoup de choses que j’ai apprises en France et que j’ai gardées avec moi. Dans ma vie personnelle, en dehors du football, je suis d’ailleurs un peu plus français que brésilien (rires). Cette culture française, j’essaye de la transmettre à mes enfants. J’ai une petite fille de trois ans qui n’a pas beaucoup vécu en France, mais j’essaie un peu de lui apprendre ce qu’est la culture française. C’est un pays que j’aime. Je suis bien sûr avant tout brésilien, mais j’ai beaucoup de choses en moi qui sont propres à la France. Par exemple, j’aime bien mélanger les deux. J’apprécie la caïpirinha, mais aussi un bon vin français. J’aime bien le pain brésilien, mais, de temps en temps, j’aime aussi manger un bon pain français. La gastronomie française, j’aime énormément.

Avec Schalke 04 et la Roma, tu as eu la chance de connaître deux autres des plus grands championnats européens. Ça reste de bonnes expériences à tes yeux ?J’ai bien joué à Schalke où j’étais titulaire et je marquais des buts, avant de partir pour les Émirats arabes unis avec un gros contrat. C’est d’ailleurs ce qui a fait que je suis parti là-bas. Aujourd’hui, c’est l’une des décisions que j’ai prises dans ma vie que je regrette. Je pense que je n’aurais pas dû partir, le club voulait que je reste, mais l’offre était d’un tel montant que je ne pouvais pas refuser. Seulement quelques mois après, je me suis rendu compte que ce n’était pas le bon choix. Quant à la Roma, c’est un grand club avec de grands joueurs. Totti, De Rossi, Maicon… Jouer à l’Olimpico devant 60 000-70 000 personnes (plutôt 30 000-40 000 la saison où Bastos évolue à la Roma, ndlr), c’était quand même pas mal du tout. Mais en tant que footballeur, on aime jouer. Et je n’ai pas beaucoup joué là-bas. Quand je suis arrivé, il y avait Gervinho qui tournait bien et je n’avais donc pas beaucoup de place pour m’exprimer. Je venais d’arriver des Émirats, un championnat d’un niveau assez bas. Il a fallu que je me réadapte et je n’ai pas eu beaucoup de temps pour cela. C’est un bon souvenir, mais sur le terrain, je n’ai pas eu énormément d’opportunités…

Tu viens d’évoquer cette expérience atypique à Al-Ain (août 2013-janvier 2014). Raconte-nous un peu cette aventure.Je suis quelqu’un qui aime les stades pleins, qui aime jouer aux côtés de grands joueurs. Et là-bas, on n’a pas la possibilité de connaître ça. En ce qui concerne l’aspect financier, c’est bien. Mais l’argent ne fait pas tout.

Tu peux vivre à Dubaï. Mais je tenais vraiment à retrouver un football de qualité, donc ça ne me convenait pas.

Je pense qu’un footballeur qui aime ce qu’il fait, il voudra toujours évoluer au plus haut niveau possible. Ce que j’ai apprécié durant ma carrière, c’est d’affronter le Real Madrid avec l’OL, disputer des derbys face à Saint-Étienne où les supporters crient du début à la fin. C’est ce qui me plaît. Aux Émirats, c’est beau. Tu peux vivre à Dubaï. Mais je tenais vraiment à retrouver un football de qualité, donc ça ne me convenait pas. C’est pourquoi je ne suis pas resté longtemps là-bas.

Depuis août 2014, tu as quitté l’Europe pour évoluer au club brésilien de São Paulo. Pourquoi avoir fait le choix de revenir au pays à 31 ans ?On a choisi de rentrer au pays parce que ma femme a perdu son père. On a donc souhaité nous rapprocher de nos proches, de nos familles. Je pense que c’était le moment de rentrer. Les choses se passent bien ici. J’ai eu l’opportunité de rentrer et de revenir dans un grand club ici, si ce n’est le plus grand. Quand je suis arrivé, il y avait Kaká, un de mes grands amis. C’est lui qui m’a conseillé de venir, car je pourrais bénéficier de bonnes structures comme en Europe. Et c’est le cas. À São Paulo, il y a une structure extraordinaire. Je suis fier, car je suis aujourd’hui capitaine de l’équipe. Je suis une référence pour les joueurs ici. Même si j’ai trente-deux ans, je me sens physiquement comme il y a quatre, cinq ans. Techniquement, je suis considéré aujourd’hui comme l’un des meilleurs joueurs à mon poste. Je suis donc content et épanoui.

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Donc tu dresses un bilan vraiment positif pour ton retour au pays ?J’avais signé au départ un contrat d’un an et demi pour voir si j’allais réussir à m’adapter. Comme ça marche bien pour moi, j’ai prolongé mon contrat. L’année dernière, j’ai disputé la Copa Libertadores pour la première fois. Cette année, je la rejoue encore. Je suis content, car il n’y a pas beaucoup de joueurs qui rentrent au pays et qui réussissent. La plupart n’arrivent pas à se réadapter au championnat brésilien. L’année dernière, j’ai principalement joué en tant que latéral gauche parce qu’il y avait un entraîneur colombien. Il m’a au moins fait jouer dix matchs à ce poste, donc ce n’était pas évident pour marquer beaucoup de buts (12 buts et 5 assists en 46 matchs toutes compétitions confondues, ndlr). Mais avant que cette nouvelle saison ne démarre, je me sens bien.

Après ton premier passage dans le championnat où tu as successivement porté les maillots de l’Atlético Paranaense (2003-2004), de Grêmio (2004-2005) et de Figueirense (2005-2006), trouves-tu que le niveau a sensiblement changé ?C’est certain que ça a changé. Quand on regarde un match, on voit qu’il y a plus d’agressivité dans le football brésilien. C’est moins facile qu’avant. Il y a eu un changement, mais je m’attendais pas à ça. Parce que même si je suis parti en Europe, j’ai toujours continué à suivre le championnat brésilien. Je savais que mon retour n’allait pas être facile. Il y a plus de contacts désormais. Beaucoup plus. En revanche, la technique n’a pas changé. Il y a toujours des joueurs techniques, des grands joueurs qui font un peu les fous avec le ballon. On n’a pas perdu cela, on l’a gardé (rires).

À Boco do Lobo, le stade de l’EC Pelotas où tu as débuté, tu es une véritable star locale et plusieurs photos à ton effigie sont affichées partout. As-tu eu l’occasion depuis de revenir sur place ?Chaque année je vais là-bas.

Depuis que j’ai commencé à jouer au foot, l’objectif n’était pas d’être riche et avoir beaucoup d’argent. C’est d’être respecté pour ce que j’ai fait et ce que je fais.

Quand j’y suis, je regarde et je vois ma tête de partout sur les murs. Dans le vestiaire des joueurs, il y a également une grande photo de moi. Je suis pris en exemple par de jeunes garçons. Alors je suis fier de ça, fier de voir que les gens me prennent en exemple. C’est pour ça que j’y retourne. Ça me fait du bien. Être pris en exemple, c’est pour moi une énorme récompense. Ça vaut bien plus que l’argent. J’ai toujours voulu ça. Depuis que j’ai commencé à jouer au foot, l’objectif n’était pas d’être riche et avoir beaucoup d’argent. C’est d’être respecté pour ce que j’ai fait et ce que je fais, c’est d’être un modèle pour certains. Il n’y a pas de prix pour cela.

Avoir participé à la Coupe du monde 2010 avec la sélection brésilienne, c’était un rêve de gosse qui se réalisait pour toi ?Oui, parce que c’est le rêve de tous les gamins. Déjà, porter le maillot de la sélection brésilienne, c’est quelque chose d’extraordinaire. Un rêve. Tous les joueurs au pays espèrent vivre ça un jour. Alors quand tu joues en plus une Coupe du monde avec le Brésil, c’est quelque chose d’inoubliable. Je n’oublierai jamais ça de ma vie. À ma première sélection, j’y allais pour jouer en tant que milieu, mais l’arrière gauche s’est blessé. Comme on avait match le lendemain, on ne pouvait plus appeler un autre joueur. Le sélectionneur m’a donc mis à ce poste et ça s’est bien passé. Je me rappelle que c’était lors d’un match contre l’Angleterre (1-0, novembre 2009). Et comme Dunga avait apprécié ma prestation, il m’a laissé à ce poste.

Lors de tes 10 sélections avec la Seleção, il y aussi ce fameux coup franc que tu as envoyé à 149 km/h contre le Zimbabwe au cours d’un match amical (0-1), en juin 2010. Quel pétard… Je me souviens très bien. C’était vraiment un beau but. Marquer avec la sélection, ce n’est pas quelque chose qu’on oublie. Mais c’est vrai que ce coup franc-là, je pense que c’est difficile pour n’importe quel gardien de l’arrêter… (rires)


Cette frappe de balle inouïe justement, tu l’as travaillée avec le temps ou c’est quelque chose d’inné ?C’est quelque chose de naturel. Chaque joueur possède des qualités. Dès que j’ai su que j’avais une grosse frappe de balle, j’ai travaillé ça. Je me souviens que petit, parfois, on faisait des foots en salle. Et comme j’avais déjà une frappe de balle plus grosse que les autres garçons, je pouvais prendre ma chance de loin. Comme j’ai su que ça pouvait être quelque chose qui pouvait m’aider, j’ai commencé à travailler cette qualité.

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