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Inter, le règlement de Conte
Deuxième et pour la première fois sur le podium de la Serie A depuis 2011, l'Inter a confirmé cette saison son statut de seconde puissance de la Serie A derrière la Juventus. Insuffisant pour apaiser Antonio Conte, qui, à l'issue de la victoire de ses gars face à l'Atalanta samedi, a tiré à tout va sur sa direction.
Sur un banc de touche, le personnage vaut toujours le coup d’œil. C’est bien connu, Antonio Conte ne dissimule ni sa passion, ni ses émotions. Le voir gesticuler pour replacer ses joueurs, lancer des regards furieux à l’arbitre ou exulter après un but des siens est une attraction à part entière, comme un divertissement parallèle à celui du spectacle du match. Parfois, l’ami Conte va même jusqu’à prolonger le fun en conférence de presse. Illustration ce samedi, après la victoire de l’Inter face à l’Atalanta, où le technicien a vidé son sac pour carboniser méthodiquement sa direction, devant des journalistes médusés.
Vient l’heure des Conte
L’Inter venait alors de confirmer sa seconde place en Serie A et le Mister en profitait pour lancer un règlement de compte auquel pas grand monde ne s’attendait. Dans son viseur, l’Inter, tout simplement, et plus spécifiquement sa direction, comme l’illustrent ces extraits choisis : « On a reçu des tonnes de merde, mais le club n’a rien fait… Le club est faible, les joueurs et moi ne sommes pas protégés. Le néant absolu. D’un point de vue personnel, dès que cela a été possible, on m’a critiqué. Mon travail n’a pas été reconnu, celui des joueurs non plus. Si vous voulez réduire l’écart avec la Juventus, vous devez être fort sur le terrain, mais surtout en dehors… Je peux être un paratonnerre la première année, mais si vous n’apprenez pas et continuez à faire les mêmes erreurs, alors c’est simplement fou. Je veux être clair, je ne parle pas du marché des transferts ou des joueurs… » Avant de conclure, sur une note plus sibylline : « Il y aura des discussions avec le président, mais il est en Chine. Après la Ligue Europa, on verra ce qu’on fait… »
Un mitraillage verbal qu’il convient logiquement de décrypter, alors que la Gazzetta vient de titrer ce lundi : « Conte, ça suffit, le risque d’un divorce existe » Mais de quoi parle donc l’entraîneur de l’Inter ? C’est d’abord la faiblesse relative de ceux qui tiennent les manettes de son club qu’il semble dénoncer. Le référentiel de Conte, la Juve, a pour président l’omniprésent Andrea Agnelli, proche des joueurs comme de ses entraîneurs. Agnelli est par ailleurs notoirement influent au sein des institutions européennes, comme en atteste sa fonction de président de la très puissante Association européenne des clubs, qui représente les intérêts des formations continentales. Rien à voir avec l’Inter en somme, dont le patron, Steven Zhang, n’est que le fils de Zhang Jindong, le CEO de la multinationale Suning, actuelle propriétaire de l’Inter. Un président souvent occupé ailleurs, notamment en Chine, comme Conte n’a pas manqué de le souligner.
« C’est toujours l’Inter qui trinque… »
Quand le Mister avance que l’Inter doit « être forte sur le terrain, mais surtout en dehors » , il suggère aussi le manque de poids politique des Nerazzurri, au sein des institutions du football italien. Plus concrètement, Conte semble indiquer que sa direction ne s’est pas assez empoignée avec la Ligue, pour veiller à ce que le calendrier post-coronavirus de l’Inter ne lui soit pas plus favorable. « Notre calendrier est fou avait d’ailleurs dégainé Conte fin juillet dernier. Nous jouons toujours à 21h45, et nos adversaires ont toujours un jour de repos de plus que nous, c’est la troisième fois d’affilée que ça arrive. On s’entraîne sous 29 degrés, on rentre de nos matchs en pleine nuit. Dans cette période, le repos fait toute la différence. Et à la fin, c’est toujours l’Inter qui trinque… » Enfin, Conte semble pointer du doigt la communication minimaliste de sa direction, qui l’aurait laissé trop seul en première ligne, pour défendre son staff et ses joueurs.
Le temps est Conte
Alors, qui a tort, qui a raison ? D’un point de vue extérieur, le pétage de plombs de Conte peut surprendre. Ses exigences sportives, appuyées par Giuseppe Marotta, administrateur délégué du club depuis 2018 et toujours inspiré dans sa gestion du mercato, ont dans l’ensemble été satisfaites : le groupe nerazzurro a largement gagné en qualité comme en densité cet été, grâce aux venues de Barella, Sensi, Godin, Alexis Sanchez et Lukaku, avant de notamment accueillir Eriksen, Young et Moses cet hiver. Mais Conte est d’une exigence drastique. Sa recherche permanente de l’excellence se conjugue avec une intransigeance totale, qui le pousse à dénoncer sur la place publique les faiblesses structurelles qu’il a pu identifier, au sein de la formation interista. Ses déclarations soulignent ainsi un refus net du compromis avec sa direction, qui devrait moyennement apprécier sa dernière saillie médiatique.
Difficile de savoir, néanmoins, si une séparation est à prévoir, tant Conte semble en position de force : entraîneur le mieux payé de Serie A, à 11 millions d’euros net par an, sous contrat jusqu’en 2022, le Mister sait pertinemment que le licencier coûterait très cher aux Nerazzurri. Son bilan sportif parle également pour lui : avec 82 points au compteur, l’Inter vient de finir sur le podium de la Serie A pour la première fois depuis 2011 et termine même dauphin de la Juventus, à une petite unité des Bianconeri. Finalement, au terme de sa première année en bleu et noir, Conte semblait avoir posé les bases solides d’un cycle qui devait permettre à l’Inter de regarder à nouveau la Vieille Dame dans les yeux. Des bases qu’Antonio Conte vient peut être à lui seul de démolir, alors que sa direction doit encore décider quelles seront les conséquences de la bombe médiatique qu’a fait détonner l’entraîneur nerazzurro.
Par Adrien Candau
Tous propos issus de la Gazzetta dello sport.