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Iniesta, Jarque, et un but pour l’éternité
Buteur providentiel d’une Roja jusqu'alors vierge sur la scène internationale, Andrés Iniesta se veut en homme le plus apprécié d’Espagne. Une popularité qui se retrouve même du côté de l’Espanyol, autre club barcelonais où personne n’a oublié l’hommage du Blaugrana envers Dani Jarque, défunt capitaine des Pericos.
L’exception est désormais devenue la règle. À chaque réception du voisin omnipotent du Camp Nou, le Cornellà-El Prat ne jure que par des invectives envers le peuple blaugrana et sa supposée arrogance face aux modestes Pericos. Une ambiance caliente, derby barcelonais oblige, qui varie du tout au tout lorsqu’Andrés Iniesta et son brassard de capitaine azulgrana caressent le cuir, organisent le jeu ou sortent du pré pour y être remplacés. Le public de l’Espanyol se lève alors comme un seul homme et ovationne le natif de Fuentealbilla. Plus que pour un Mondial offert à l’Espagne du ballon rond, les supporters des Perruches offrent leur respect à l’homme qui a rendu le plus bel hommage post mortem à Dani Jarque. Capitaine de l’Espanyol de Barcelone pour l’éternité, mais décédé d’une crise cardiaque dans sa chambre d’hôtel de Florence à l’été 2009, il aperçoit alors, depuis son coin de paradis, Andrés Iniesta lui dédier le but synonyme de Coupe du monde pour la Roja. Pour sûr, lorsque l’enfant-lune crucifie le portier néerlandais, il laisse entrapercevoir un tee-shirt au message univoque : « Dani Jarque, pour toujours avec nous. »
Angel Morales : « Un geste amical resté dans l’histoire »
Les yeux embrumés par l’émotion, Andrés Iniesta ne tente même pas de dissimuler sa peine, alors qu’il vient tout juste de sacrer la Roja comme la meilleure équipe du globe. Entre deux respirations, il peine à déclarer au micro de la télé espagnole qu’il n’avait « rien pu faire pour lui lors de la saison, il méritait bien un tel hommage » . Ce lui, c’est Dani Jarque, ancien rival de l’Espanyol Barcelone et ami personnel de Don Andrés. « Andrés et Dani se sont connus dans les catégories de jeunes en Espagne, rembobine Angel Morales, ancien milieu défensif des Perruches aujourd’hui chargé de la gestion économique et administrative du club. C’est un geste amical qui est resté dans l’histoire. Nous devons saluer Iniesta pour ce qu’il a fait ce soir-là, c’était une initiative personnelle qui montre aussi que la rivalité entre l’Espanyol et le Barça n’existe que sur le terrain. » Dès lors, chaque déplacement du numéro huit blaugrana au Cornellà-El Prat est accompagné d’une ovation frissonnante. Pis, certains aficionados des Pericos n’hésitent pas à floquer des maillots blanquiazules au nom de l’actuel capitaine du FCB.
En soi, un constat qui, il y a quelques années encore, n’aurait jamais pu voir le jour. Depuis la création des deux entités de la capitale catalane, la rivalité entre Blaugrana et Pericos ne s’est jamais estompée. Alors que le Mes que truste les premières places et autres breloques dorées, son voisin affiche un visage bien plus modeste et, donc, une armoire à trophées des plus vides. Cette disette de titres prend justement fin à l’aube du nouveau millénaire, quand une nouvelle génération de canteranos s’incrustent en équipe première de l’Espanyol. Joyau et étendard du centre de formation, Dani Jarque trouve rapidement sa place dans l’équipe vainqueur de la Copa del Rey 2006 et vice-championne de l’UEFA un an plus tard. Arrivé au club dès ses 12 ans, il en devient même capitaine à l’été 2009, à seulement 26 printemps. Une trajectoire linéaire qui le pousse irrémédiablement vers la Roja, une sélection où il a connu toutes les catégories de jeunes. Et où il entame une relation d’amitié intense avec Andrés Iniesta, d’un an son cadet. « Tu as été une personne très spéciale dans la vie de Dani, car il le sentait ainsi, et qu’il nous le transmettait » , écrivent en 2014 Anna et Valeria, femme et fille de.
Iniesta : « Tout le monde se rappellera de Dani »
Lorsque Ferran Corominas débarque dans la chambre d’hôtel en ce 8 août 2009, il est déjà trop tard. Quelques secondes après avoir eu une conversation téléphonique avec son épouse, son comparse de chambre, Dani Jarque, est retrouvé inconscient. Malgré l’arrivée rapide des secours, le capitaine des Pericos trépasse et plonge le peuple de l’Espanyol dans la pénombre. Une saison durant, il peine à faire son deuil et ne retrouve le sourire que lorsque Don Andrés offre le Mondial à l’Espagne au nom de Dani Jarque. S’ensuivent des scènes rares, où Pericos et Blaugrana fraternisent. Iniesta, lui, décide d’offrir ce fameux tee-shirt à l’Espanyol qui, en retour, lui octroie les insignes d’or du club. Une récompense unique pour un Blaugrana à la simplicité touchante : « J’ai inscrit ce but, mais tout le monde se rappellera de Dani. » Une élégance, une humanité, dont ne se remet toujours pas Daniel Sanchez Libre, alors président de l’Espanyol : « C’est difficile de croire à un tel geste, mais c’est une réalité. C’est déjà un grand joueur, mais je suis sûr que quand il prendra sa retraite, il sera une personne immensément aimée par l’Españolismo et le football. » Et cela, Andrés ne l’échangerais contre aucun Ballon d’or.
Par Robin Delorme et Antoine Donnarieix