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Il y a 20 ans, l’OM remontait en D1

Par Grégory Sokol
Il y a 20 ans, l’OM remontait en D1

Le 17 mai 1996, l’OM retrouve la Première Division en tartant Sochaux au Vélodrome, refermant un finalement beau chapitre de l’histoire du club. Deux ans d’émotions fortes que les marseillais évoquent aujourd’hui avec nostalgie.

Même Panini, la célèbre maison d’édition italienne, a relevé l’anomalie. À situation exceptionnelle, album exceptionnel. Pour la première fois, une équipe de seconde division a droit à une image par joueur et non pas aux images multi trombines. Bernard Tapie, en prestidigitateur de talent, est parvenu à hisser l’Olympique de Marseille sur le toit de l’Europe avant de le faire dégringoler à l’échelon inférieur un an après malgré une seconde place décrochée à l’issue de la saison 1993/1994. Un classement miraculeux compte tenu des problèmes que rencontre le club et des tergiversations concernant son avenir toute la saison durant. Fini Di Méco, Völler, Anderson, Deschamps ou Stojković. Tout le monde se barre ou presque. Même Adidas, qui laisse sa place d’équipementier à Reebok puis Mizuno avant de revenir bien vite sitôt le club de nouveau en D1. L’heure est à la reconstruction afin de retrouver son rang au plus vite.

Une équipe de D2 bat la Juve et sort l’Olympiakos

Contrairement à la saison 1983-1984, ce ne sont pas seulement sur des minots que l’OM va compter mais aussi, pour ne pas dire surtout, sur des vieux briscards comme Casoni, Ferreri, Durand, Dib, Germain ou encore un irlandais inconnu au bataillon.

Nous parlions du contrat avec Tapie et il m’a demandé d’écrire sur un bout de papier combien je voulais. Lorsque je l’ai fait, il a dit que c’était nothing .

« Je sortais de la Coupe du monde aux USA et ne connaissais pas vraiment la situation à Marseille. Le club avait été champion d’Europe un an auparavant et le projet était excitant. Je suis allé rencontrer Bernard Tapie dans son « château » . C’était une situation curieuse car les déménageurs étaient également là pour enlever le mobilier. Nous parlions du contrat et il m’a demandé d’écrire sur un bout de papier combien je voulais. Lorsque je l’ai fait, il a dit que c’était « nothing » . C’était marrant. Je pense qu’il était comme ça, qu’il aimait montrer son pouvoir » , se remémore Tony Cascarino, auteur de 61 buts en deux saisons en championnat et très vite rebaptisé Tony Goal par le Vélodrome.

Un pouvoir que le boss souhaite montrer une dernière fois à l’Europe entière avant de disparaître dans les méandres de la justice quelques semaines plus tard. « On a une équipe de bras cassés et on joue la Juve des Del Piero et Ravanelli. On est des gamins avec des mecs que l’on dit au bout du rouleau et on les éclate chez nous. Et là, quand on voit ce qu’on est capables de faire, quand tu sors ensuite l’Olympiakos en Coupe d’Europe, ça te booste presque tes deux saisons » , raconte Marc Libbra, binôme de l’Irlandais, révélant qu’un simple match amical dans le cadre du transfert de Deschamps se révèle au final être l’élément déclencheur de l’aventure.

Je n’ai jamais su ce que c’était, ni si c’était illégal. J’ai juste dit que je n’en voulais plus car je ne savais pas ce que c’était

En guise de boost, les mauvaises langues ne manqueront pas de faire référence aux « piquouzes » d’avant-matchs un jour évoquées par Tony Cascarino. « Je n’ai jamais su ce que c’était, ni si c’était illégal. En Angleterre nous avions des types différents de boost. J’ai juste dit que je n’en voulais plus car je ne savais pas ce que c’était. Ce qui est sûr c’est que je ne veux rien enlever, que ce soit techniquement et humainement, au fantastique groupe de joueurs avec lesquels j’ai joué ainsi que d’en faire la raison de notre remontée. Nous avions un groupe de grande qualité et ne faisions rien de mal. En tout cas je le crois » , tient à rétablir l’intéressé.

Seconde relégation administrative en deux ans

De qualités, ce groupe n’en manque pas. Et tout particulièrement lorsqu’il s’agit de force mentale, de cœur et de professionnalisme, avec pour illustration un Cascarino qui n’a jamais été aussi fit. « J’allais de temps en temps boire un verre mais comparé à la vie en Angleterre, ce n’était rien. Et puis Gérard Gili vivait dans la même résidence, juste en face du pub, il pouvait donc me voir » , rigole-t-il.

Il y avait une quasi forme d’autogestion, même si on a notamment eu Henri Stambouli et Gérard Gili

De grands garçons qui savent ce qu’ils ont à faire avec même, pour Marc Libbra, « une quasi forme d’autogestion, même si on a notamment eu Henri Stambouli et Gérard Gili. L’entraîneur était là pour faire le liant et nous mettre dans les meilleures conditions » . Un cœur énorme à deux doigts de renverser les montagnes du Valais, un soir de novembre 1994. Défait 2-0 en Suisse face au FC Sion en coupe UEFA, l’OM démarre de la plus mauvaise manière le match retour au Vélodrome, encaissant un but suite à une mésentente entre Casoni et Barthez. Au retour des vestiaires, Marseille doit inscrire quatre buts en une mi-temps mais le compteur reste bloqué à trois.

Qu’importe, mission séduction accomplie. Avec sa hargne, dans une soirée de folie, cette équipe a gagné le cœur de ses supporters qui s’identifient à elle. Plus personne n’arrêtera l’OM dans sa quête de remontée jusqu’à la fin de saison. Du moins pas sur le terrain.

« La première année on est champions et on apprend à trois journées de la fin que l’on va finalement rester en D2. Donc là, il faut redémarrer encore une fois, ils voulaient vraiment faire couler le club » , se souvient Marc Libbra.

À aucun moment je ne me suis dit que j’allais quitter le club. J’étais sous contrat et ce n’était pas comme aujourd’hui où tu peux dire : c’est un club de merde je me casse.

La DNCG rétrograde l’OM une seconde fois en deux saisons, Fabien Barthez déménage sur le Rocher, mais il en faudrait plus pour altérer le mental quasi-infaillible de ce groupe. « Tu te dis : « Ils nous en veulent ? Ok et bien on va leur montrer » » , poursuit le Varois pour qui le départ n’a jamais été une option. « À aucun moment je ne me suis dit que j’allais quitter le club. J’étais sous contrat et ce n’était pas comme aujourd’hui où tu peux dire :« C’est un club de merde je me casse. »J’avais été formé à Marseille et y avais tout connu. » Un sentiment de mal-aimé que tout Marseille partage. « C’était dingue. On se sentait détestés par la France. L’anti-centralisme dominait à juste titre. On avait la haine à tous les matchs, peu importe l’adversaire, à chaque fois c’était nous contre la France » , argue un supporter alors membre des ultras.

Adieux au « vrai » Vél

Rebelote donc. Une nouvelle saison à ne manquer le début de Téléfoot sous aucun prétexte, puisque l’OM et ce qui s’appelle alors la Super D2 en font l’ouverture. Le début de saison est cependant bien en deçà des objectifs fixés de remontée, et ce n’est pas un retourné acrobatique de Joël Cantona à Perpignan qui calme des supporters décidés à ne pas moisir une troisième saison de rang dans une D2 pas super pour tout le monde. « On se retrouve si mes souvenirs sont bons 17es ou 18es après un match à Louhans-Cuiseaux où l’on se fait caillasser. Un match très très chaud. Marseille c’est comme le mariage, pour le meilleur et pour le pire » , plaisante aujourd’hui Marc Libbra. Heureusement pour les Phocéens et la carrosserie des voitures des joueurs, la machine se remet finalement en route, pour une seconde partie de saison où l’OM ne connaîtra la défaite que deux fois en 21 matchs.

Une seconde partie de saison pour le moins riche en émotions. Notamment en février 1996, lorsqu’il est temps de dire adieu au stade Vélodrome dans son ancienne configuration pour cause de rénovation, Mondial 98 oblige. Contre Caen, à qui l’OM peut ravir la première place par la même occasion. Waddle, Skoblar, Magnusson et autres légendes répondent à l’appel pour tremper leurs petons dorés dans le béton et laisser une trace indélébile.

C’est la dernière dans mon Vél, celui que j’ai connu. C’était un truc de malade.

Côté Sud, tout le virage brandit des cartons blancs à l’effigie du Vélodrome et où sont inscrites les dates 1937-1996, pour le tifo d’adieu, tandis que le Nord déploie une voile recouvrant la tribune. Un moment également particulier pour Marc Libbra. « C’est la dernière dans mon Vél, celui que j’ai connu. C’était un truc de malade. Tu étais dans le vestiaire, ressentais l’ambiance et voyais les vitres qui commençaient à trembler avant de rentrer sur le terrain. Sur certains matchs où tu étais un peu moins bien, le public t’aidait à courir, on le vivait comme ça. Les mecs te poussent, tu voles. » L’OM l’emporte 1-0 et passe premier. But de Cascarino, évidemment.

L’apothéose

Seule une demi-finale de Coupe de France face au futur champion auxerrois vient noircir un peu le tableau. Un match à vives émotions dans un brasier à trois tribunes, Jean Bouin étant fermé. Auxerre ne voit pas le jour face à des Marseillais morts de faim emmenés par un Marcel Dib conquérant. Cyniques, Auxerre s’impose aux tirs au but après un grand match de Charbonnier, s’offrant une finale face à Nîmes. Les mêmes larmes qu’après Sion coulent sur les visages des supporters marseillais, qu’ils soient au stade ou devant leur poste de télévision. Renaud, en bombers orange chez les Winners, est aussi dégoûté en direct sur TF1. Depardieu, alors mascotte de l’AJA, n’a de son propre aveu jamais vu une ambiance pareille. Même en D2, l’OM ne laisse pas indifférent et vit des grands soirs.

D2 à laquelle les Marseillais vont enfin dire au revoir pour de bon. C’est Sochaux qui a l’honneur d’être étrillé pour le compte de la 41e journée de championnat.

Après un match je m’étais fait agresser directement par les supporters. Rien de physique mais ils sont montés sur la voiture et fait peur à ma femme.

Dib et Casoni font leur dernière apparition au Vélodrome avant de mettre ensuite fin à leur carrière. L’OM l’emporte 4-1 avec des buts de Durand, Cascarino, Asuar et un Libbra qui avait tout prévu depuis un bail. « Après un match, je m’étais fait agresser directement par les supporters. Rien de physique, mais ils sont montés sur la voiture et ont fait peur à ma femme. Le lendemain, au décrassage, les ultras sont venus me voir pour me dire que ce n’était pas eux, qu’ils étaient désolés et que jamais ils n’oseraient toucher un joueur. Ils m’ont remis un T-shirt bleu CU 84, à jamais les premiers. Je leur ai répondu qu’il y aurait un match de la montée, que je marquerais et que je montrerais ce T-shirt ce jour-là. Je savais que ça arriverait, j’en étais persuadé. »

Une équipe gravée dans le cœur des supporters

Cette période au départ synonyme de galère reste finalement comme l’une des plus belles pages de l’histoire du club marseillais. Deux saisons remplies d’émotions fortes avec une équipe de l’OM en symbiose avec des supporters souvent en feu dans les tribunes, d’ailleurs parfois au sens premier du terme comme au Mans. « Il y a encore peu de temps j’ai rencontré quelqu’un qui avait été bercé par cette période D2, avait aimé l’OM par rapport à la D2. Il était gamin et se reconnaissait entièrement en cette équipe. Le club était dans la panade, les joueurs venus ne gagnaient pas des millions et sur le terrain ils se retrouvaient comme si on était avec eux » , explique Marc Libbra.

Une période où les équipes adverses se rendent au Vélodrome dans l’espoir de prendre un point face au rouleau-compresseur marseillais, tant que Tony Goal ne score pas. « Je n’étais pas Papin, Bokšić ou Völler, mais j’ai toujours tout donné et avais quelque chose que les fans appréciaient. Quelque chose que Marseille n’a plus aujourd’hui n’est-ce pas ? Je ne reconnais plus ce club. » Il reste une toute dernière chance samedi soir au Stade de France de se mettre au diapason et se hisser à la hauteur de l’histoire du club.

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Par Grégory Sokol

Tous propos recueillis par GS

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