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Il nous a fait douter, cet Avi
En 2006, l'OM sortait sans gloire de la Coupe de l'UEFA après avoir sombré en quelques minutes sur le terrain de Mladá Boleslav (1-0 ; 4-2). Une décéption, largement attenuée pour ceux qui ont la chance de suivre en direct sur France Bleu Provence les commentaires d'Avi Assouly englué dans la règle du but à l'extérieur, et persuadé de la qualification olympienne. Retour sur 3 minutes d'anthologie.
« Nous aussi, on l’écoute dans les moments de déprime. » Comme Thibaud Gaudry, présent en station ce fameux soir de septembre 2006, la plupart des amateurs de football se sont repassés en boucle cette séquence mythique, la larme à l’œil. C’est qu’il en a fait rire plus d’un, Avi Assouly, ce soir-là, alors que l’Olympique de Marseille venait de chuter lourdement sur le terrain du Mladá Boleslav. Supporter passionné jusque dans la défaite, l’homme derrière le micro était persuadé de voir son équipe se qualifier pour le tour suivant, alors même qu’elle venait d’encaisser quatre buts. Victorieux à l’aller (1-0), les Marseillais sont pourtant éliminés après la très bonne prestation tchèque (4-2), sur un score cumulé de 4 buts à 3. Mais ces deux buts, marqués à l’extérieur par les Phocéens, ont donné naissance à ce que l’on retient aujourd’hui comme l’un des plus beaux gadins radiophoniques du XXIe siècle. Même neuf ans après, alors que Marseille s’apprête à rencontrer à nouveau des Tchèques, les commentaires d’Avi Assouly font encore hurler de rire les fans de Marseille et les autres. Trois minutes d’une erreur obstinée que personne ne semblait à même de remarquer. Personne, sauf Thibaud.
« Ils sont debout parce qu’ils ont fait un bon match »
Le 28 septembre 2006, le Marseille de Maoulida se déplace sur le terrain du Mladá Boleslav. À l’antenne de France Bleu Provence, Avi Assouly se saisit du micro et commente un match qu’on préférerait oublier sur le Vieux-Port. Thibaud Gaudry, qui regarde le match dans une salle de la station, se souvient : « Le match était diffusé en fin d’après-midi, dans la tranche d’un collègue qui s’appelle Philippe Richard. Lui, il assurait la présentation de l’édition, et donc il y avait Avi qui assurait les commentaires. » Malgré la prestation catastrophique des Marseillais, éliminés à 4-2, Avi Assouly se prend les pieds dans la règle du but à l’extérieur et débute son festival d’approximation, sans doute déconcerté par l’agitation dans les tribunes de Boleslav : « Ils sont debout les Tchèques ! Ils espèrent un 5… 6e but ! Ils sont debout parce qu’ils ont fait un bon match ! » Avi ne comprend pas la joie des « Tchèques » au coup de sifflet final : « Mais qu’est-ce qu’il se passe ? » Richard rétorque : « Ils n’ont pas compris là ou quoi ? » avant qu’Avi ne reprenne la main, dans un flou quasi artistique : « Je comprend pas. Ils me font douter ces Tchèques ! Si vous voyiez ça, on a l’impression que les Tchèques se sont qualifiés. » Non Avi, l’OM est bien éliminé. Problème en station, Philippe Richard ne peut pas être d’une grande aide : il n’est pas vraiment amateur de football. « Philippe n’y connaissait absolument rien en foot, c’est pas son truc du tout. Il s’est retrouvé dans une galère et il a pas pu venir au secours d’Avi » , se souvient Thibaud, qui n’écoute pas la radio à cet instant.
Pourtant de bonne volonté, Richard s’essaie à un décompte : « On va faire les calculs, Avi. Deux buts marseillais à l’extérieur, ça fait quatre, plus le but à Marseille, ça fait cinq » soulageant un Avi qui s’exprime « Et oui, donc l’OM passe allègrement ! » Un homme emporté par sa passion, l’autre, à qui les règles du football échappent, soit deux ingrédients pour l’une des séquences les plus loufoques de l’histoire radiophonique. Mais alors pourquoi avoir laissé un novice s’occuper d’une émission de football ? « C’était la politique de l’époque. Quand il y avait des matchs en fin d’après-midi, c’était le cas. L’animateur habituel de cette tranche là le faisait, qu’il s’y connaisse en foot ou pas. Il y a eu une remise en cause par rapport à ça, et ça a changé peu de temps après » , confie Thibaud Gaudry. La farce continue et atteint son apogée lorsqu’Avi Assouly congratule « l’esprit tchèque » , encore persuadé que les joueurs du Mladá Boleslav célèbrent une élimination. Au moment de rendre l’antenne, Philippe Richard veut s’assurer de la véracité des dires d’Avi Assouly : « On est bien d’accord, on se quitte là-dessus, l’OM est qualifié ? » Et sa conscience professionnelle fait virer de bord le commentateur. « Attendez, attendez… l’OM est éliminé ! » , entend-on résonner sur les ondes de France Bleu. S’ensuit une explication incompréhensible d’Avi Assouly, qui réalise alors qu’il vient de faire une grosse erreur. Une erreur justifiée en moins de vingt secondes.
« Oui, ça a fait jaser »
Toujours présent dans les locaux, Thibaud Gaudry est appelé à la rescousse. « Moi, j’étais devant le match, à la rédaction. Et au bout d’un moment, on m’a appelé en me disant : « Thibaud, faut que t’aille vite à l’antenne. » » Une minute plus tard, le sauveur est derrière le micro, et présente des excuses aux auditeurs, tout en leur expliquant précisément la règle du but à l’extérieur. Qui n’avait même pas lieu d’être sur cette double confrontation. Pourtant, contrairement à ce qui aurait pu être imaginé, le téléphone reste relativement calme. « Les auditeurs par rapport à Avi, y avait deux clans. Soit on l’aimait beaucoup, soit on le détestait. Ceux qui l’appréciaient nous en parle encore, même s’il est parti il y a près de 5 ans. Pas plus tard que dans une émission de la semaine dernière » , explique Thibaud, qui se souvient tout de même de quelques auditeurs énervés. « C’est un type qui a vraiment marqué la ville et l’histoire de l’OM. Mais y a eu d’autres boulettes, même si celle-ci était la plus énorme, ça faisait partie du folklore. Ceux qui ne l’aimaient pas du tout, ça les a renforcés dans leurs convictions. » Une fois la brève explication terminée, la station s’endort, honteuse…
Les jours passent, mais personne n’arrive à oublier. « Bien sûr. C’est la crédibilité de la station qui est en cause. C’est pas très bien passé parce que c’était énorme, et puis ça a fait vachement le buzz quoi. C’est de la contre-publicité. Ça n’a pas fait plaisir » , détaille Thibaud, qui n’oublie toutefois pas que cette séquence est devenue culte, et que savoir en rire est un premier pas vers l’acceptation. « Y a des sentiments mêlés, parce que c’est drôle, quoi. Ça fait rire tout le monde. Et en même temps, on se dit c’est terrible, c’est pathétique quoi. Mais quand on y repense, c’est tellement drôle, surréaliste. C’est un moment d’anthologie. » Aujourd’hui, cela fait longtemps qu’Avi Assouly ne travaille plus pour France Bleu. Certes, « il a eu des retours pas forcément des retours très positifs de la rédaction, ça l’a un peu vexé » , mais aujourd’hui, le commentateur maladroit ne doit même plus y penser. Enfin, peut-être un petit peu, quand même.
Par Gabriel Cnudde et Raphael Gaftarnik