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Hugo Boumous : « Quand tu as une mauvaise réputation, c’est dur de rebondir »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger
11 minutes
Hugo Boumous : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Quand tu as une mauvaise réputation, c’est dur de rebondir<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Hugo Boumous a 24 ans, a été formé à Laval, fut international espoirs marocain, mais vient surtout d'être élu joueur de l'année en Inde, avec le FC Goa. Une belle récompense qu'il compte bien pouvoir utiliser pour s'offrir une revanche à l'étage du-dessus. Enfin... après être sorti de quarantaine.

La saison indienne vient tout juste de se terminer et tu es de retour en France depuis cette semaine. Dans ces conditions, j’imagine que ce n’est pas le retour que tu espérais…C’est sûr ! Là, je suis à Paris chez ma copine, alors que mes parents habitent à Rennes. Je vais devoir attendre un peu avant de les retrouver. La France me manquait déjà, et là, c’est tout de suite moins drôle. Après, on n’a pas d’autre choix que de se confiner, et les autres pays, dont l’Inde(1), appliquent à peu près tous les mêmes restrictions. Donc je préfère être avec mes proches qu’à l’autre bout du monde tout seul.

Ça fait deux ans et demi que tu es installé à Goa. Il y a dix jours, tu as été désigné meilleur joueur de la saison d’Indian Super League, avec de belles statistiques pour un milieu offensif (11 buts, 10 passes décisives). Qu’est-ce qui t’a permis de cartonner à ce point ?La réussite, clairement, puisque je marquais sur la plupart de mes occasions. Les années précédentes, j’avais déjà de l’influence dans le jeu, mais elle a été décuplée cette année grâce à la confiance.

Pourtant le FC Goa s’est fait sortir en demi-finale et n’a toujours pas gagné de championnat. C’est frustrant ?Je n’ai pu jouer que vingt minutes sur les deux matchs de la demi-finale, à cause d’une élongation à l’adducteur. Mais on a quand même gagné la saison régulière, ce qui nous ouvre les portes de la prochaine Ligue des champions asiatique. C’est la première fois qu’un club indien participera à la phase de groupes(2). Donc ça reste une fierté.

Ça prouve aussi que le football indien est de mieux en mieux considéré. Comment tu évalues ses progrès ?L’ISL a été créée il y six ans et ça se développe chaque année. Les joueurs indiens ont un bon potentiel et du talent, avec encore des lacunes au niveau tactique. Mais ils progressent au contact de bons joueurs étrangers.

En Indian Super League, je suis un OVNI parce que je suis un des seuls étrangers de 24 ans dans le championnat.

Il y en a sept par équipe, cinq maximum sur le terrain et certains ont un très bon CV(3). Ça ne ressemble plus à ce qui se faisait au début, avec les grandes stars en fin de carrière comme Trezeguet, Pirès ou Anelka. Aujourd’hui, le championnat est plus long, les joueurs étrangers ont autour de 30 ans, sont dans la force de l’âge et tout le monde en profite. Moi, je suis un OVNI là-dedans parce que je suis un des seuls étrangers de 24 ans dans le championnat. En arrivant, mes contrats couraient seulement pour une saison, mais l’été dernier, j’ai signé pour trois ans. C’est la première fois que ça arrive ici. Ça montre la confiance qu’ils placent en moi et que les projets sont désormais pensés sur le long-terme. Bon, avec la saison que je viens de faire, j’aspire à viser un championnat plus compétitif en Europe ou ailleurs, en fonction des opportunités.

Tu as été formé au Stade rennais puis à Laval. Tu peux nous résumer ton parcours ?C’est ça, j’ai rejoint le Stade lavallois à 15-16 ans pour faire ma formation. On a notamment participé à une demi-finale de Gambardella en 2014. Je suis resté avec le groupe pro pendant deux saisons et j’ai disputé un match de Ligue 2 à 18 ans (victoire 3-0 à Niort en 2015, avec un but, N.D.L.R.). Mais ça ne s’est pas très bien fini, je n’ai pas eu la chance de percer, ce n’était pas facile avec l’entraîneur (Denis Zanko).


Comment tu expliques que le capitaine de la Gambardella et espoir du club ne puisse pas trouver sa place dans un club de Ligue 2 ?Les torts sont partagés. J’avais le potentiel, c’est sûr, avec des saisons abouties avec la CFA. Mais je pense qu’à 18-19 ans, je n’avais pas la discipline nécessaire pour le haut niveau. J’ai fait certaines conneries de jeunesse qui m’ont pénalisées et ça a fait qu’à la fin, je n’ai pas pu m’imposer à Laval.

À 18-19 ans, je n’avais pas la discipline nécessaire pour le haut niveau. J’ai fait certaines conneries de jeunesse qui m’ont pénalisées. Et quand tu as une mauvaise réputation, c’est dur de rebondir.

Et quand tu as une mauvaise réputation, ça parle beaucoup et c’est dur de rebondir. D’autant plus que mes agents de l’époque n’ont pas forcément fait un bon boulot.

Parmi ces erreurs de jeunesse, il y a eu cette affaire de chicha dans un hôtel qui avait fait pas mal de bruit au Maroc en 2016.À ce moment, j’étais avec la sélection olympique du Maroc. On s’est retrouvés dans une chambre avec les coéquipiers pour fumer une chicha. Sauf que cette scène s’est retrouvée sur Snapchat. Ça sort sur les réseaux sociaux et on se fait exclure du stage. Ça a fait un gros bad buzz médiatique, ça passait même en France sur Touche pas à mon sport, sur L’Équipe, etc. À ce moment, j’étais en fin de contrat à Laval, je cherchais à signer autre part, j’avais des propositions intéressantes, mais à cause de ça… ces plans sont tombés à l’eau.

Avec un peu de recul, est-ce que tu trouves qu’on n’est pas trop sévère avec les jeunes joueurs qui peuvent commettre ce genre d’écarts, qui restent des conneries de leur âge ?C’est sûr, mais quand tu es en sélection, ce n’est pas forcément une chose à faire de fumer une chicha. Médiatiquement, dès que quelqu’un fait un pas de travers, on ne te loupe pas. Mais le métier de footballeur exige de la rigueur et de faire attention à l’image que l’on véhicule notamment sur les réseaux sociaux. Mine de rien, on est un exemple pour beaucoup de monde et on a des responsabilités.

À Laval, tu as fais tes armes avec Nordi Mukiele (Leipzig) et Serhou Guirassy (Amiens). Quand tu compares ton parcours au leur, regrettes-tu tout ça ?Tout à fait, j’ai perdu du temps. Ça veut aussi dire que ces joueurs-là, dont Sehrou qui est un ami, avaient des choses que je n’avais pas par le passé et il m’a fallu ces quatre ou cinq ans de galère pour me rendre compte des choses et progresser en tant qu’être humain. Mais malgré ça, je suis encore jeune, je n’ai que 24 ans et il n’est pas trop tard pour rattraper le temps perdu.

Après ça, tu t’es relancé au Maroc, dans le club du Mogheb Tétouan. Comment as-tu vécu cet exil ?Le Maroc, c’est le pays de mon père et je me suis dit « pourquoi pas ? » Ça a très bien débuté sous les ordres de Sergio Lobera, un ancien formateur de la Masia. Mais les six derniers mois ont été plus rudes avec pas mal d’instabilité dans le club. J’ai donc rompu mon contrat, quitte à m’asseoir sur pas mal d’argent. Ça a tout de même été une bonne leçon de vie. Surtout qu’entre-temps, Sergio Lobera était parti en Inde et il m’a appelé pour que je le rejoigne.

Qu’est-ce que ce coach, qui a vu passer notamment Busquets ou Fàbregas à Barcelone, t’a apporté de plus par rapport à tes formateurs français ?Sa méthode d’entraînement et sa tactique sont basées sur le jeu.

Sergio Lobera a côtoyé tous les joueurs du Barça, même Messi, et il me dit que j’ai le potentiel pour arriver au niveau de certains d’entre eux.

On ne parle que de football. Même le travail physique se fait toujours avec un ballon. C’est très rare qu’on coure à vide. Et puis, il m’a toujours encouragé, me donne beaucoup de confiance sur le terrain. Il a côtoyé tous les joueurs du Barça, même Messi, et il me dit que j’ai le potentiel pour arriver au niveau de certains d’entre eux. Il faut que je progresse encore sur certains points comme la discipline sur le terrain et dans les relations avec mes partenaires.

Quand Sergio Lobera te propose de venir en Inde, qu’est-ce qu’il se passe dans ta tête ?À ce moment-là, j’ai deux options. Soit aller en D1 roumaine, soit l’Indian Super League. Je sais que c’est un championnat récent, mais mon coach m’envoie des vidéos et je vois les stades, l’engouement, les supporters, l’offre est meilleure… Donc j’y vais en me disant que ça ne peut être qu’une belle expérience. Et ça a été le cas.

Le public ne s’intéresse donc pas qu’au cricket en Inde ?Le cricket est évidemment le sport numéro un, et de très loin. Mais il y a des États où le football a fait mieux que résister. Goa est un petit État de 100 kilomètres du nord au sud, dont le sport favori est le football. C’est même une religion ici. On a beaucoup de supporters et un stade de 20 000 places rempli à chaque match. Littéralement, là-bas, je suis une star. (Rires.) Les gens me reconnaissent dans la rue et m’arrêtent pour faire des photos. Je ne suis jamais tranquille, mais c’est le jeu. Mais dans d’autres clubs, d’autres régions, c’est plus compliqué, comme à Mumbai, où c’est plus cricket.

Tu as réussi à t’intéresser au cricket ?Franchement, pas du tout. Mon seul lien, c’est que la grande star nationale du cricket, Virat Kohli, est le co-propriétaire du club. Pour moi, ça ressemble un peu au baseball, les parties durent cinq ou six heures, les règles sont compliquées à comprendre… Pour moi, ce n’est pas du sport. (Rires.)

L’autre personnalité liée à Goa, c’est Robert Pirès, passé au club en 2014.Oui, on me parle beaucoup de lui, comme de Grégory Arnolin. Mais Pirès n’a fait qu’une saison, et le club a aussi connu des stars comme les Brésiliens Zico en tant que coach et le défenseur Lúcio.

À quoi ressemble ta vie à Goa ?Avec la plupart des joueurs, je vis dans une résidence qui est en face d’un hôtel. Ce sont des grands appartements, il y a une piscine, un spa, une salle de gym, et nous prenons tous les repas au restaurant de l’hôtel. La plage n’est pas loin. Bref, c’est le grand luxe. J’ai eu la chance d’avoir la visite régulière de mes parents et de ma copine. Mais pour parler de Goa, c’est une ancienne colonie portugaise, découverte par Vasco de Gama. Comparé au reste de l’Inde qui a été colonisé par l’Empire britannique, on trouve des différences au niveau architectural et c’est une région chrétienne. C’est un endroit agréable à vivre, loin des problématiques de l’Inde avec la pauvreté et la surpopulation. Après, il y a plusieurs coins que j’aimerais visiter. Je suis allé plusieurs fois au Taj-Mahal, c’est somptueux, mais il faudrait que j’aille au Cachemire, au Rajasthan ou dans l’Himashal-Pradesh. Il y a des paysages magnifiques. Ce pays est si immense, avec plein de cultures différentes…

Avec cette période de confinement, arrivant juste à la fin de ta saison, tu n’as plus qu’à attendre que les choses se passent.C’est ça. La Coupe d’Inde qui se passe à la fin du championnat a été annulée à cause du coronavirus. Il me reste deux ans de contrat là-bas, mais mon objectif est de trouver un nouveau projet. Je ne me focalise pas sur la France, mais je me dis qu’il faudra certainement passer par un championnat intermédiaire en Europe pour espérer viser plus haut. J’ai eu aussi des contacts pour l’Australie ou la MLS qui pourraient m’intéresser.

Elles vont ressembler à quoi, tes prochaines semaines en quarantaine ?On va essayer de faire du sport dans l’appartement, de faire des footing à l’extérieur. Mais ça ne va pas être simple. Même pour le mercato, dans cette situation, ça risque de compliquer les choses…

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Propos recueillis par Mathieu Rollinger

Photos : Indian SUper League

1- L’Inde ne délivre plus de visas d’entrée depuis la semaine dernière et a fermé ce mercredi ses frontières à toutes les personnes, y compris indiennes, en provenance de l’Union européenne et du Royaume-Uni. Ceux arrivant d'autres régions affectées par le coronavirus sont placés en quarantaine pour une durée de 14 jours minimum. Environ 200 cas et 3 morts sont pour le moment recensés.

2- Jusqu’en 2017, seuls les club de l’I-League (la ligue concurrente à l’Indian Super League) étaient pris en compte par l’AFC, sans qu’aucune équipe ne puisse se qualifier pour les groupes de la Ligue des champions asiatique. Le vainqueur de la saison régulière d’ISL, le FC Goa, est donc le premier club à y parvenir, alors que le champion (ATK basé à Calcutta) jouera les éliminatoires.

3- Parmi les joueurs étrangers : Bartholomew Ogbeche (Kerala Blasters), Paulo Machado, Mohamed Larbi et Modou Sougou (Mumbai City)

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