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Harry Gregg : le héros de Munich s’est éteint

Par Chloé Saunier
4 minutes
Harry Gregg : le héros de Munich s’est éteint

L’ancien gardien de Manchester United est mort ce lundi 17 février 2020, à 87 ans. Une vie chamboulée par les tragédies, dont celle du crash de Munich de 1958, qui le marquera à jamais. Le Nord-Irlandais est devenu héros malgré lui, ce jour enneigé de février. Son humilité et sa bravoure ont fait de lui un personnage unique, aux confins de sa surface de réparation, mais également en dehors des terrains.

Il y a une vie avant la mort, et pour Harry Gregg, elle a débuté dans le petit village de Tobermore, dans le sud de Derry en Irlande du Nord, le 25 octobre 1932. Harry est l’aîné d’une fratrie de six enfants. Il grandit à Coleraine, à une centaine de mètres d’un terrain de football, là où son potentiel a été remarqué pour la première fois. À tout juste 18 ans, il traverse la mer d’Irlande pour s’exiler en Angleterre et signer chez les Rovers. Après cinq années, en décembre 1957, le portier rejoint les troupes de Manchester United. Considéré comme l’un des meilleurs joueurs à son poste à son époque, il est sélectionné dès 1954 avec la sélection d’Irlande du Nord. Lors de la Coupe du monde 1958 en Suède, il est élu meilleur gardien de la compétition. Mais Harry Gregg doit essentiellement sa notoriété au tristement célèbre crash de Munich de 1958.

Munich, le jour qui a changé sa vie

Jeudi 6 février 1958, aux abords de l’aéroport de Munich, une épaisse fumée provenant de l’épave de l’Airspeed Ambassador se dégage dans le ciel allemand, plombé par la neige. Un accident dans lequel sont tuées 23 personnes. Une tragédie comme il en existe d’autres à l’époque, sauf qu’à bord de cet avion se trouve un groupe de jeunes hommes qui ne sont rien d’autre que les idoles de millions de personnes : l’effectif de Manchester United, la meilleure équipe de football que la Grande-Bretagne ait produite depuis la guerre. Les Busby Babes, comme on les surnommait, sont alors au sommet du monde. Champions d’Angleterre, ils ont décroché leur ticket pour jouer la Coupe d’Europe. Ils sont en route pour aller jouer leur match retour de quarts de finale contre l’Étoile rouge de Belgrade. Les espoirs de l’emporter sont anéantis par la tragique perte de plusieurs joueurs majeurs. Sept d’entre eux périssent dans le crash, dix autres, dont le célèbre manager Matt Busby, ont été grièvement blessés. Parmi les rescapés, Harry Gregg.

Le joueur de 25 ans brave l’ordre général de se mettre à l’abri afin d’éviter une éventuelle explosion, retourne dans la carcasse éventrée et mangée par les flammes pour secourir quiconque s’y trouve. Il sort de l’appareil une femme yougoslave et son enfant, ainsi que ses coéquipiers Jackie Blanchflower, Bobby Charlton et Dennis Viollet, sans savoir s’ils étaient morts ou vivants. Il traîne les deux derniers, inconscients, par la ceinture de leur pantalon. Tous survivent. Harry Gregg incarne dès lors et pour toujours la vaillance et l’altruisme. Le gardien mancunien deviendra, ce jour-là, « le héros de Munich » malgré lui. Un surnom qu’il avait du mal à accepter, ce nom le mettant mal à l’aise. Dans son autobiographie, Harry’s Game, sortie en 2002, le portier s’était exprimé sur ce drame : « Munich a établi mon identité, il n’y a aucun doute, mais la notoriété a eu un prix, car Munich a jeté sur ma vie une ombre que j’ai eu du mal à dissiper. » Une journée qui a bouleversé sa vie, et pourtant, Harry Gregg a toujours souhaité qu’on se souvienne de lui comme le footballeur ayant eu l’honneur de porter les couleurs de Manchester United, de jouer pour son pays, l’Irlande du Nord, et non comme le sauveur d’une catastrophe aérienne. Malgré ses performances sportives et sa contribution à de nombreuses causes intercommunautaires pendant les années de troubles civils en Irlande du Nord, il ne comprenait pas pourquoi les gens préféraient le résumer à ce 6 février. « J’ai le sentiment qu’il y a eu des catastrophes bien pires que Munich, des guerres et des événements terribles dans le monde entier. Les gens reviennent sans cesse me parler de Munich » , déclarait-il au Telegraph en 2008.

Une vie de drames

Un homme courageux et humble, fatigué par les multiples requêtes d’interviews, émanant des médias du monde entier, lui demandant de conter, une fois de plus, une histoire qu’il rêvait d’oublier. Celle-la comme beaucoup d’autres. Trois ans après le crash, il était touché par un nouveau drame. La mort de sa première femme Mavis, atteinte d’un cancer. Puis en 2009, l’inconcevable, sa fille Karen s’en alla de la même maladie. Une existence marquée par les tragédies, mais le Nord-Irlandais continuait de porter les fardeaux de sa vie avec stoïcisme : « Les gens ont choisi de se souvenir de moi pour ce que j’ai fait à Munich, et pourtant je suis fier d’avoir été un apprenti charpentier qui a représenté son pays à tous les niveaux du jeu. Oui, je suis tout simplement Harry Gregg, l’ancien footballeur. Souvenez-vous de moi comme d’un footballeur et non comme d’un héros. » Difficile pourtant d’oublier le héros.

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