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« Halilhodžić, on n’avait pas intérêt de le décevoir »

Propos recueillis par Kévin Charnay
13 minutes
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Ce soir, Lille affronte Angers pour le compte de la 35e journée. L'occasion de prendre des nouvelles de Philippe Brunel, ancien joueur des deux clubs. Une carrière rythmée par des relations cordiales ou non avec ses entraîneurs.

Bonjour Philippe, qu’est-ce que vous devenez ?

Je suis entraîneur de l’Olympique de Valence depuis l’année dernière. J’essaye de m’inspirer des coachs qui m’ont marqué pendant toute ma carrière professionnelle, que ce soit Daniel Leclercq à Lens, Claude Puel à Lille, Jean-Louis Garcia à Angers, ou même Christophe Galtier lorsqu’il était adjoint d’Alain Perrin à Sochaux.

Vous avez repris le club juste après son dépôt de bilan, on en est où maintenant ?

La première saison, il a fallu relancer le club en PHR. Il fallait amener beaucoup de joueurs pour avoir deux équipes compétitives. Pour cette saison, on a pu faire le tri et on est redevenus un club compétitif. On est deuxièmes, à trois ponts du premier. Donc on est encore dans la course à la montée, sachant qu’une seule équipe est promue. On est encore dans les roues de Bron. On espère vraiment que ceux qui ont débuté l’aventure avec nous vont être récompensés.

Le titre avec Lens, c’était fabuleux, même s’il est un peu passé à la trappe avec le titre de champion du monde de l’équipe de France qui a suivi la même année.

À l’époque en 2014, on parle de mauvaise gestion, la municipalité a même porté plainte contre les anciens dirigeants. Qu’est-ce qui s’est passé réellement ?

En 2012-2013, j’étais entraîneur des U19. Mais je ne suis resté que deux mois, car j’ai eu des soucis internes avec le père d’un gamin. Il faisait partie du club et il gueulait parce que je ne le faisais pas jouer. Ça a pris des proportions qui m’ont déplu. Mes relations avec le club se sont dégradées et les résultats aussi. Alors je suis parti. Et puis, on a vu que le club était mal géré, des gens se sont servis dans les caisses. Ce n’était pas la première fois, puisque le club avait déjà coulé en 2005. Il était remonté jusqu’en CFA, puis il a recoulé.

Vous aviez d’ailleurs fini votre carrière de joueur à Valence, en amateur. Qu’est-ce qui vous a plu dans ce club, dans cette région, pour que vous y restiez après votre carrière ?

Au départ, je suis venu à Valence, car je voulais monter un projet avec un ancien coéquipier d’Angers, Mickaël Stéphan. J’étais donc venu dans la région, mais pas pour jouer au foot. Et puis je cherchais une maison pour m’installer avec ma famille. Et puis, j’ai parlé avec le président et l’entraîneur qui m’ont demandé si ça m’intéressait de faire une saison avec eux si le club montait en CFA. Comme je suis un compétiteur, j’ai fini par accepter. J’ai fait six mois super intéressants, on a loupé la montée de peu, un seizième de finale de Coupe de France contre l’ETG. C’était une belle saison de CFA. Ensuite, j’ai enfin réussi à couper complètement, et j’ai pris en charge les U19. Ça s’est fait naturellement.

Vous qui êtes du Nord, vous ne vous voyez pas retourner dans la région ?

Non, ça y est, c’est acquis. Je veux rester dans le Sud, profiter du soleil. Je n’ai pas pu trop en profiter durant ma carrière professionnelle. Le Nord, ce sera juste pour retourner voir la famille. (Rires)

Revenons sur votre carrière. Après votre formation à Boulogne, vous partez directement à Lens. C’était votre club de cœur ?

Pas forcément. Quand j’étais à Boulogne, j’aimais bien Lille, Lens et même Marseille. Mais j’ai eu plus de propositions venant de Lens que de Lille. Ils venaient régulièrement me voir quand j’étais à Boulogne. Ils m’avaient proposé de venir faire un tournoi international à Croix. Un tournoi qu’on a gagné, donc ils m’ont proposé de signer stagiaire 1 à 17 ans. Après avoir gagner la Gambardella contre Lyon, j’ai été prolongé stagiaire 2 et 3.

Marseille, c’était un club que j’adorais plus jeune, Waddle, Papin, Abedi Pelé, ils me faisaient rêver.

C’étaient vos plus belles années, ces dix ans passés à Lens ?

Oui, certainement. 40 000 spectateurs tous les quinze jours au stade, c’est sûr que ça motive. Et puis, comme j’étais un gamin du Nord, c’était quelque chose. Mais ma carrière a vraiment démarré après mon retour de prêt de Gueugnon, où j’avais fait une belle saison. C’était Slavo Muslin l’entraîneur. Ça ne s’est pas très bien passé avec lui, puisque je n’ai pas beaucoup joué, et puis on s’est retrouvés à jouer le maintien. Mais ça m’a endurci, et quand Roger Lemerre est arrivé avec Daniel Leclercq en adjoint, j’ai pu aider le club à se maintenir. L’année d’après, j’étais tout content, car Daniel Leclercq, en charge de l’équipe une, a été le tout premier à vraiment croire en moi. Il m’a assuré que j’aurais une place sur l’aile de son 4-3-3.

Ça a bien fonctionné, puisque vous décrochez le titre de champion de France.

Oui, j’ai bien fait de rester, surtout qu’avant d’avoir cette discussion avec Daniel, je voulais partir. Le titre, c’était fabuleux, même s’il est un peu passé à la trappe avec le titre de champion du monde de l’équipe de France qui a suivi la même année. Mais bon, c’est une bonne raison pour passer à travers. (Rires)

Ensuite, vous partez à Marseille en 2001. Pourquoi ?

C’était un club que j’adorais plus jeune, Waddle, Papin, Abedi Pelé, ils me faisaient rêver. Alors en 2001, quand j’ai eu l’opportunité de signer, je me suis dit pourquoi pas. Et puis à Lens, je commençais à faire partie des lofteurs. Avec Rolland Courbis, et encore plus avec Georges Tournay, ça ne s’est pas bien passé. On n’avait pas accroché. On avait des points de vue différents sur la manière de manager. Il ne me faisait jouer que les matchs pourris et pas les matchs importants. Ensuite, c’est Joël Muller qui arrive. Je me suis dit « super » , parce que je sais que Joël Muller voulait me faire venir à quasiment tous les mercatos lorsqu’il était à Metz. Et puis en fin de compte, j’ai su longtemps après que Georges Tournay avait bavé sur moi et certains joueurs en disant qu’on était des fouteurs de merde. J’ai été surpris, je suis passé numéro trois derrière Stéphane Pédron et Ludovic Delporte sans trop savoir pourquoi. Je n’ai su que beaucoup plus tard le pourquoi du comment. Du coup, je suis allé voir ailleurs, à Marseille.

Sous le coup de la colère, je déclare à L’Équipe : « J’aimerais savoir qui est l’entraîneur de l’OM« , et là, je creuse ma tombe!

Vous arrivez pendant l’une des périodes les plus instables que le club ait jamais connu. C’était un peu le bordel, honnêtement ?

Je suis arrivé quand Bernard Tapie a fait son comeback. Il y a eu six changements d’entraîneur en six mois, je crois. Au départ, j’arrive juste pour le sportif, donc je me concentre sur le terrain. J’arrive pour le deuxième match de championnat contre Bordeaux. Anigo est l’entraîneur, mais c’est Bernard Tapie qui vient me voir en me disant qu’il veut me faire jouer numéro six. Ce n’était pas du tout mon poste, mais j’avais envie de jouer, donc tant pis. Et puis, je ne m’en sors pas trop mal. Ensuite, on a joué cinq ou six matchs, les résultats étaient mitigés. Et dans la semaine, il y a eu un clash Tapie/Anigo et on se retrouve sans entraîneur. Tapie vient nous voir et nous annonce que Josip Skoblar et Marc Lévy vont diriger le prochain match contre Bastia. On perd, et dans la semaine, Tomislav Ivić revient. C’est lui qui avait fait la préparation avant de se faire dégager au profit d’Anigo. Tapie est allé le chercher sur son yacht en Croatie. Et puis, là, c’est le gros bordel, du jour au lendemain, je ne joue plus du tout, alors qu’Ivić me faisait confiance au début. Je vais le voir et il me dit que c’est Tapie qui ne veut pas que je joue. Je vais voir Tapie et il me dit le contraire. Les mecs se renvoient la balle. Et un jour, alors que je devais jouer, j’apprends à la causerie que je ne joue pas. J’ai su que c’était Tapie qui avait mis son grain de sel. Du coup, le lendemain, sous le coup de la colère, je déclare à L’Équipe : « J’aimerais savoir qui est l’entraîneur de l’OM » , et là, je creuse ma tombe (rires). Il m’a clairement dit que je ne jouerais plus jamais avec le maillot marseillais.

Du coup, vous partez dès le mercato hivernal à Lille. Pas trop compliqué de retourner dans le club rival du RC Lens ?

Au moment de partir de Lens, Lille m’avait approché et j’avais refusé pour cette raison-là, justement. Entre-temps, j’ai pu parler avec certains joueurs qui l’avaient fait, et on m’a dit que c’était plus facile de faire le trajet Lens-Lille que l’inverse. Peut-être parce que le public lillois est plus indulgent. Mais en tout cas, quand je suis arrivé, ils avaient l’air plutôt contents que je sois là.

Vous faites donc la connaissance de Vahid Halilhodžić. Ça a dû être quelque chose.

On m’a tout de suite fait comprendre qu’il fallait filer droit avec lui, c’est sûr. Il fallait jouer, il fallait tout donner, ça ne rigolait pas. On n’avait pas intérêt à le décevoir. Mais j’aimais bien, j’avais besoin d’un mec carré comme ça, surtout après un an et demi sans connaître de coachs de qualité. Il m’a prévenu tout de suite que je serais la doublure de Bruno Cheyrou, mais au moins, il a été clair. Et puis, j’ai joué bien plus que prévu. J’ai pu jouer en Coupe d’Europe contre Dortmund, on finit cinquièmes, c’était super. Vraiment une belle expérience. Il a su tirer le meilleur de moi. Il m’a relancé, c’était une période difficile de ma carrière.

Mais il est parti très vite.

Oui, je n’ai fait que cinq mois avec lui. C’est Claude Puel qui a pris la suite. On a dû repartir avec un groupe très jeune, parce que beaucoup de cadres sont partis cette année-là (Ecker, Cygan, N’Diaye, Cheyrou…). Tous les papas sont partis. Il n’y avait plus que Stéphane Pichot, Grégory Wimbée et moi qui approchait la trentaine. On était avec Tafforeau, Cabaye, Makoun qui n’avait presque pas d’expérience. On a dû jouer le maintien, c’était difficile. Mais Puel a fait un énorme travail. On sait qu’il est fort avec les jeunes. À Lyon, où il avait des joueurs expérimentés et des internationaux, il a eu plus de mal. Et là, à Nice, c’est reparti très fort. C’est un vrai formateur, mais qui sait s’appuyer sur quelques joueurs d’expérience comme Ben Arfa et Bodmer maintenant, comme nous il y a douze ans à Lille.

Un jour, Bijotat vient me voir avec Jean-Claude Plessis pour me demander un service : « On aimerait bien que tu ailles dans la tribune ce soir. Mais t’inquiète pas, si on gagne, tu toucheras la prime quand même. »

Tout semblait se passer très bien à Lille, pourquoi être parti à Sochaux en 2005 ?

Je voulais rester à Lille, mais Puel voulait me faire prolonger seulement d’un an et pas de deux ans. Il voulait absolument que je reste compétitif chaque année, sans que je me repose sur mes lauriers avec une année de contrat en rab. Sauf que j’allais sur mes 33 ans, et je voulais plus de garanties. C’est dommage, je me serais bien vu à Lille jusqu’à la fin de ma carrière, et puis j’ai loupé la Ligue des champions du coup. Mais j’ai pris la décision de partir. J’aurais pu partir à Aston Villa, mais ça a trop traîné. La Premier League reprenait bien plus tard que la Ligue 1, et je ne voulais pas attendre. Je ne voulais pas être sans club quand mes copains reprenaient la Ligue 1, je me suis un peu précipité. J’ai refusé la Premier League, ce que je regrette aujourd’hui, et j’ai signé à Sochaux.

C’est toujours un regret, même avec la victoire en Coupe de France ?

Humainement, non. Le groupe était formidable, il y avait une ambiance et j’ai vécu de belles choses. Mais footballistiquement, oui. J’y vais essentiellement pour Guy Lacombe. J’avais vraiment envie de jouer sous ses ordres. Mais une semaine après ma signature, on me dit qu’il va partir. J’ai la sensation de m’être fait avoir. C’est Dominique Bijotat qui le remplace, que j’avais un peu côtoyé au centre de formation de Lens. Je me dit qu’il va s’appuyer sur les anciens, que j’aurai ma chance, sauf que c’est tout le contraire. Quelques cadres ont été mis de côté. Les résultats ont été très moyens. J’enchaîne les blessures. Bref, la saison pourrie, surtout que les supporters m’ont pris en grippe. Et Bijotat ne m’a jamais soutenu. Un jour, à l’hôtel, avant un match contre Auxerre, il vient me voir avec Jean-Claude Plessis pour me demander un service. « On aimerait bien que tu ailles dans la tribune ce soir, parce que quand tu es sur le terrain ou sur le banc, ça perturbe les joueurs et le public se met à siffler. Mais t’inquiète pas, si on gagne, tu toucheras la prime quand même. » Voilà ce qu’ils me disent. Du coup, je suis allé en tribunes, je n’avais pas le choix. Je suis tombé de très haut.

Celui qui m’a le plus impressionné à l’entraînement, c’est Vladimir Smicer. C’était un joueur exceptionnel.

Pourquoi le public vous sifflait ?

Quand je suis arrivé à Sochaux, le public pensait que j’étais Zizou, que j’allais gagner à moi tout seul. Sauf que je n’étais pas un joueur comme ça. Ils attendaient plus de moi, mais moi, je donnais le maximum. La saison a mal débuté, la confiance avec. J’avais l’impression que, pour eux, c’était à cause de moi qu’on jouait mal. Dès que je ratais une passe, j’étais sifflé. Ça faisait chier alors que je n’étais pas le plus nul sur le terrain. J’ai l’impression, et ce n’est pas spécifique à Bonal, qu’on est plus indulgent avec les joueurs du cru qu’avec les joueurs transférés dont on attend beaucoup. Et si ça ne va pas, on s’en prend plus facilement aux nouveaux arrivés. Mais la saison d’après vient un peu réparer tous ces moments difficiles. Même si je me blesse assez longuement, Alain Perrin et Christophe Galtier comptent sur moi et on remporte cette finale de Coupe de France. Je mets même le penalty décisif, devant la tribune sochalienne. Je peux vous dire que j’avais la pression (rires). Ça valait le coup de souffrir un peu.

Vous finissez votre carrière professionnelle à Angers en Ligue 2. Ce n’est pas trop dur de descendre d’un échelon ?

À 34 ans, il n’y avait pas pléthore de clubs qui m’ont appelé. J’avais fait mon temps en Ligue 1. J’avais le choix entre Angers et Boulogne, mais je choisis le SCO. C’était un chouia plus intéressant financièrement et puis je pouvais découvrir une belle ville. Mes trois ans à Angers ont été fantastiques. On a échoué trois fois aux portes de la montée, malheureusement. C’est un club très sain, et je suis content que le travail d’Olivier Pickeu soit enfin récompensé. Cette année, il croque la Ligue 1 à pleines dents, c’est super.

Ce mercredi, Lille et Angers s’affrontent, pour quel club avez-vous gardé le plus d’affection ?

J’ai eu deux expériences totalement différentes dans ces deux clubs, mais je me suis éclaté dans les deux. À Lille, on a joué l’Europe, à Angers, on a joué la montée, mais je me suis amusé autant dans les deux clubs. C’est là-bas que j’ai gardé le plus de contacts. Ce sont mes meilleurs souvenirs avec Lens, sauf qu’à Lens, ça ne s’est pas très bien terminé. Pour ce match, ça va être intéressant parce que Lille est en très bonne forme depuis l’arrivée d’Antonetti. Ils peuvent accrocher l’Europe. Et même Angers, qui sait. Ça va être un match sympa, je pense.

Qui est le meilleur joueur avec qui vous avez eu la chance de jouer ?

J’ai été remplaçant à Lens quand on a affronté Chris Waddle. C’était mon idole, un joueur unique, un artiste, un magicien. Mais celui qui m’a le plus impressionné à l’entraînement, c’est Vladimir Smicer. C’était un joueur exceptionnel, et puis il était d’une gentillesse rare. Il pouvait se fondre dans n’importe quel collectif.

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