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Gourcuff-Lyon : chronique d’un mariage mal arrangé
À l'été 2010, l'Olympique lyonnais casse sa tirelire sur Yoann Gourcuff en espérant ainsi passer un cap à l'échelle européenne. Mais l'ancien virtuose de Bordeaux ne s'épanouira jamais à Lyon, la faute à une erreur de timing et une incompatibilité de caractères entre l'institution et sa star désignée.
« L’investissement sur Yoann est un investissement à moyen et long termes qui a en premier lieu pour objectif d’essayer de gagner la Ligue des champions dans la période qui nous reste avant la construction du stade. » En septembre 2010, Jean-Michel Aulas rêve grand. Il vient de s’offrir Yoann Gourcuff pour 22 millions d’euros plus quatre de bonus, et voit dans son nouveau meneur de jeu plus qu’un simple manieur de ballon, mais une vraie star, le « Beckham français » . Durant la conférence de presse de présentation, il le compare en matière d’impact au recrutement de Sonny Anderson à l’été 1999. À l’époque, le Brésilien coûte 120 millions de francs – soit environ 18 millions d’euros, une petite fortune – et permet à l’OL d’entrer dans une ère de succès en Ligue 1. Gourcuff doit permettre la même bascule à l’échelle européenne tout en devenant une marque globale à même de valoriser l’image des Gones. Beaucoup trop pour un homme qui revendique sa passion pour le jeu et un désamour pour les à-côtés de la vie de footballeur. Pas un Juninho 2.0, mais un mec simple qui préfère choisir le numéro 29 – en référence au Finistère – plutôt qu’un numéro 10 propice à souligner son statut de vedette. Alors quand l’OL organise sa présentation à Gerland devant 15 000 personnes, plutôt que de le booster, il l’achève…
Lyon, pas un centre de convalescence
Car le Yoann Gourcuff que Jean-Michel Aulas s’est offert n’est pas le virtuose bordelais qui a ravi la France du football pendant plus de dix-huit mois. C’est au contraire un individu meurtri par le fiasco de Knysna, et un peu aussi la crise de résultats de Bordeaux au premier semestre 2010. Dans l’idée de rebondir, il y a mieux que de quitter l’univers feutré du Haillan pour l’exposition médiatique tout autre de Lyon et les exigences à peine excessives de son président. En clair, après une Coupe du monde désastreuse, Gourcuff aurait mieux fait d’aller voir ailleurs, si possible à l’étranger, comme la plupart des grévistes du bus qui ont su rebondir. Florent Malouda à Chelsea, Éric Abidal à Barcelone, Patrice Évra à Manchester United ou encore Franck Ribéry au Bayern Munich. Des joueurs autrement plus stigmatisés que le Breton pour les écarts du Mondial, mais qui ont tous gagné une Ligue des champions depuis, excepté Tonton Pat’ qui a dû se contenter de deux finales perdues avec MU (2011) et la Juventus (2015). Pas forcément un hasard d’ailleurs, de voir partir Jérémy Toulalan (Málaga) à l’été 2011 et Hugo Lloris (Tottenham) à l’été 2012, deux Lyonnais qui vont retrouver leur meilleure forme hors de l’Hexagone. Un grand saut dans l’inconnu non consenti par Gourcuff et son employeur, probablement prisonniers d’une opération financière qualifiée à maintes reprises d’accident industriel.
Prison dorée, échec dur à admettre et surpopulation au cœur du jeu
Cinq ans de contrat, près de 500 000 euros mensuels… Pas évident pour le meneur de jeu de se désengager, même quand Liverpool et surtout l’Atlético de Madrid viennent aux nouvelles, à l’hiver 2013. Encore plus dur pour celui qui a claqué plus de 20 millions de se résigner à un échec sportif et un départ en fin de contrat. « Si j’étais à la place de Yoann Gourcuff, je prolongerais à Lyon » , affirme JMA à Téléfoot en mai 2015, à quelques semaines de la fin du contrat de l’international français. En cinq années laborieuses, le président rhodanien n’a jamais cessé d’user de la méthode Coué pour se persuader à chaque intersaison que le grand Gourcuff allait enfin être de retour. Avant de se résigner à admettre l’échec industriel après la signature de l’intéressé à Rennes. Un échec qui ne tient peut-être pas tant aux simples défaillances techniques – et surtout physiques – du joueur qu’à une gestion olympienne alors à l’opposé de ce qui avait fait les succès du club : des joueurs a priori confirmés payés au prix fort, quand le « Grand Lyon » des années 2000 recrutait de forts potentiels type Michael Essien ou Mahamadou Diarra pour en faire des top players. Dans le cas de Gourcuff, présenté à l’été 2010 comme la recrue idéale par Jean-Michel Aulas, il s’avère que le Breton n’était peut-être pas un profil indispensable dans un effectif comptant le Brésilien Ederson, le Bosnien Miralem Pjanić ou encore la valeur montante Clément Grenier… La présence de Gourcuff a poussé le premier à partir libre à la Lazio Rome, le second à devenir un monstre à la Roma, puis la Juventus, quand le troisième a frôlé un départ par la petite porte à l’OGC Nice avant de devenir un temps l’un des maillons forts du club. En clair, Lyon ne s’est pas simplement trompé de profil en 2010, il a acheté un joueur dont il n’avait pas besoin…
Par Nicolas Jucha