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Gómez, la tentation du neuf

Par Adrien Candau
5 minutes
Gómez, la tentation du neuf

Beaucoup plus dangereuse en seconde période face à la Suède quand Joachim Löw a fait entrer la grande carcasse de Mario Gómez sur le pré, l'Allemagne cogite pour savoir s'il ne faudrait pas réintégrer le buteur à l'ancienne de Stuttgart au onze type de la Mannschaft. Un choix qui verrait sans doute Timo Werner se décaler sur l'aile gauche.

Avant d’affronter la Suède, Joachim Löw avait tenu à entretenir le mystère. Interrogé sur la possibilité de faire commencer Mario Gómez, le technicien s’était contenté d’un expéditif «   Gómez en pointe ? Peut-être… » Finalement, Löw avait reconduit Timo Werner pour mener son attaque. Avec un résultat mitigé, les offensives allemandes se fracassant sur l’iceberg suédois. Du moins jusqu’à ce que Gómez ne plante son mètre 90 dans la surface adverse après la pause.

Vieille gloire et nouvelle vague

Le contraste est un peu trop évident pour ne pas être souligné. Avec Gómez en pointe, les offensives allemandes ont gagné en versatilité et en dangerosité, la densité physique qu’il apporte dans la surface créant les espaces nécessaires au premier but de Marco Reus.

Des qualités qui avaient manqué à la Mannschaft face au Mexique, comme l’avait relevé Miroslav Klose : « Nous n’avons pas assez pesé dans la surface, parce que Timo n’a pas proposé assez de solutions. » Klose, qui reste à ce jour le denier avant-centre incontestable en pointe de la Mannschaft, n’a pas vu de successeur prendre sa place. Depuis sa retraite, les candidatures sont ouvertes, et personne n’a su occuper le poste sur le long terme.

Sans doute parce que Joachim Löw n’a jamais véritablement tranché entre Gómez, vieille gloire déclinante dont la qualité de finition et la puissance physique restent néanmoins appréciés outre-Rhin, et la nouvelle vague d’attaquants allemands incarnée par Timo Werner, joueur de profondeur capable aussi bien de prendre l’axe que de dézoner sur l’aile. Un choix difficile, comme l’avait illustré l’Euro 2016 durant lequel Löw avait scotché Gómez au banc lors des deux premiers matchs de la Mannschaft (face à l’Ukraine puis la Pologne), lui préférant un Mario Götze qui évoluait dans un rôle de faux neuf.

Deux rencontres peu convaincantes qui avaient poussé Löw à aligner par la suite Gómez d’entrée face à l’Irlande du nord, la Slovaquie puis l’Italie. L’Allemagne avait alors montré un visage plus séduisant offensivement. Comme Hummels – suspendu – et Khedira – blessé –, Gómez n’avait ensuite pas pu participer à la demi-finale perdue par le Nationalelf face aux Bleus à cause d’une déchirure musculaire. À l’époque, c’est même l’absence de l’avant-centre que Löw semblait le plus craindre : « C’est dommage pour les joueurs… Je le regrette surtout pour Mario. Il a montré de solides performances en Championnat d’Europe et pas seulement avec ses buts… »

Werner penche à gauche

Après l’Euro français, la rétrogradation de Gómez dans la hiérarchie des attaquants semblait, en revanche, inévitable. Alors même que le colosse de Stuttgart, perturbé par les blessures, ne jouait que seize matchs de Bundesliga en 2017-2018. En parallèle, Timo Werner, meilleur buteur de la Coupe des confédérations 2017, perce en pointe avec la Mannschaft et prend le pouvoir devant dans l’esprit de Löw. Statiquement, le wunderkind de Leipzig a de solides arguments : il a inscrit huit buts en quinze sélections, et l’Allemagne se procure un sacré paquet d’occasions avec lui. Même en ce début de Mondial, où il n’a pas toujours convaincu, le Nationalelf a respectivement tiré 25 et 17 fois au but contre le Mexique et la Suède, et monopolisé la gonfle avec 67 puis 76% de possession de balle.

Il a néanmoins fallu attendre l’entrée de Gómez en pointe face à la Suède et le repositionnement de Werner sur l’aile gauche pour voir l’Allemagne marquer un but dans le tournoi, après pas moins de 34 tentatives. Un pion marqué par Reus à la suite d’un centre de Werner, qui s’est tout de suite mis davantage en évidence lorsqu’il a évolué sur un côté. Très remuant et juste techniquement, c’est aussi lui qui a obtenu le coup franc qui a permis à Kroos de planter le but de la victoire à la dernière minute. De quoi pousser la presse allemande à se demander si Löw ne devrait pas laisser l’axe à Super Mario pour replacer l’attaquant de Leipzig sur l’aile gauche.

Forcer le coffre-fort

Une éventualité qui n’a pas semblé déplaire au principal intéressé : «   Je préfère évoluer dans l’axe, mais lorsque nous affrontons une équipe qui joue aussi bas que la Suède, jouer sur un côté me permet de prendre plus de vitesse pour mettre en danger les défenseurs. » Un cas de figure qui s’est souvent présenté aux Allemands ces dernières années. Portée par une génération exceptionnelle, la supériorité théorique de la Mannschaft semble même pousser ses adversaires les plus prestigieux à blinder leurs arrières quand leur route croise celle de l’Allemagne.

Si l’Italie d’Antonio Conte n’avait pas totalement refusé le jeu en quarts de finale de l’Euro 2016, elle avait quand même laissé la Mannschaft monopoliser le cuir 60% du temps. En demi-finale, la France avait elle aussi misé avec succès sur un bloc bas et compact, et n’avait tenu le ballon que 36% du temps.

Sans doute de quoi donner matière à cogiter pour Löw, qui devra décider s’il veut intégrer Mario Gómez à sa formule magique en recasant Timo Werner sur une aile face à la Corée du Sud. Les observateurs les plus assidus de la Mannschaft ont, eux, déjà signalé qu’au Mondial 2014, Philipp Lahm avait commencé certains matchs au milieu de terrain, Höwedes au poste d’arrière gauche et Boateng à celui d’arrière droit. Signe que le sélectionneur du Nationalelfa, par le passé, déjà fait évoluer ses poulains à des postes qui diffèrent de leur position habituelle. Avec succès.


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