- Roumanie
- Anniversaire de Gheorghe Hagi
Gheorghe Hagi, créateur dans l’âme
Le 5 février 1965 à Sacele, le plus grand joueur de l'histoire de la Roumanie voyait le jour. 51 ans plus tard, Gheorghe Hagi s'escrime à écrire le futur du football roumain à la tête du FC Viitorul et de son Académie Gheorghe Hagi. Pour guider des enfants vers la sagesse, donc.
3 juillet 1994. 90 000 spectateurs sont amassés au Rose Bowl de Pasadena, près de Los Angeles, pour assister au huitième de finale de World Cup entre la Roumanie et l’Argentine. Le score est à 2-1, corner à suivre pour l’Argentine. À la retombée du ballon, une tête roumaine amorce un contre emmené par Dumitrescu. L’attaquant remonte tout le terrain, puis temporise jusqu’à glisser la balle à son leader, Gheorghe Hagi. D’une frappe sans contrôle, le numéro 10 ne laisse aucune chance à Islas et permet à son équipe de s’envoler au score pour finalement se qualifier pour le tour suivant. Un quart de finale de Coupe du monde en forme d’apothéose pour la sélection tricolorii et son génial meneur. Et si l’histoire du groupe s’arrête aux tirs au but face à la Suède, pour Hagi, elle n’est qu’un chapitre de plus dans une carrière qui le voit désormais travailler à l’écriture d’un scénario semblable pour son pays.
Seul maître à bord
Le 24 avril 2001 en Turquie, le « Gala Hagi » marque la fin de la carrière de joueur de Gheorghe. Mais, à 36 ans, celui qui a de l’or dans son pied gauche n’a pas encore appris les vertus de la patience. Il reprend aussitôt les rênes de la sélection roumaine, en remplacement de László Bölöni. Le début d’une succession d’échecs, de la non-qualification à la Coupe du monde 2002 à une pauvre 11e place en Süper Lig au moment de son éviction de Galatasaray en mars 2011. Sauf qu’à l’instar de ce qu’il faisait sur les terrains, Hagi a pris les devants. Peut-être lassé de s’embrouiller avec tout ce que ses clubs comptent de dirigeants, il a tout bonnement créé le sien dès 2009, le Fotbal Club Viitorul Constanța. Grâce au statut et aux relations d’Hagi, le FC Avenir, en VF, commence directement en 3e division. Trois ans plus tard, en 2012, il atteint la Liga 1. Mais, si le propriétaire s’est mué en entraîneur en 2014, et si le FC Viitorul pointe aujourd’hui à une jolie 2e place de Liga 1 Orange après 23 journées, la plus grande fierté de l’omnipotent président réside bien plus dans son académie, en toute simplicité nommée Academia de fotbal Gheorghe Hagi.
« On n’a rien à envier à personne en Europe. Des gens viennent et sont surpris qu’il y ait en Roumanie une académie aussi grande et si bonne que la nôtre. Notre budget permet des conditions 4 ou 5 étoiles, les enfants ne manquent de rien » , détaille-t-il en 2015 dans un reportage de la télévision roumaine consacré à son académie. Un projet à plus de 10 millions d’euros qui vise à doter son pays de footballeurs talentueux et portés vers l’offensive, évidemment : « Nous sommes très clairs sur ce que nous voulons : jouer un football offensif, dominer, imposer notre jeu. » S’imposer, le dada d’Hagi. En empêchant les soigneurs de s’occuper de Benzar Romário, un de ses propres joueurs coupable d’une simulation, par exemple. Ou encore en s’entourant de ses proches, peu importe leur sulfureuse réputation.
Une histoire de meneurs
Mais la plus belle illustration de la méthode Hagi, tant dans les moyens que dans les résultats, reste son propre fils Ianis, aujourd’hui âgé de 17 ans. Ainsi Gheorghe n’a pas hésité à faire de son rejeton le plus jeune capitaine de l’histoire du championnat roumain, à 16 ans, 9 mois et 22 jours, au détour d’un match contre l’Universitatea Craiova en août 2015. Ni à écrire à la Fédération roumaine pour demander pas moins que le renvoi du coordinateur des sélections nationales de jeunes, Zoltan Kovács, coupable aux yeux du paternel d’avoir critiqué Ianis et d’autres joueurs de la sélection U17. Si la requête est restée lettre morte, et si le petit est toujours capitaine de sa sélection, elle ne doit pas pour autant masquer une vraie réussite dans la politique de formation menée par Hagi et son académie.
Car Ianis n’est désormais que prêté au FC Viitorul de papa. Il a en effet été acheté en juin 2015 par la Fiorentina pour un million d’euros, en même temps que Cristian Manea, acheté pour la même somme par Chelsea. Deux fleurons, encore mineurs, de l’académie Hagi qui pourraient être suivis par bien d’autres. Du haut de ses 12 ans, Teo Tala a déjà fait parler de lui. Plus révélateur, toutes les équipes de jeunes du FC Viitorul ont terminé en tête de leurs championnats respectifs. Avec les bons résultats de l’équipe première, il semblerait que Gheorghe Hagi soit en passe de réussir son pari. Pour demain nous inonder de petits Maradona des Carpates ? On ne dirait pas non.
Par Eric Carpentier