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Gazélec-AC Ajaccio, histoire d’une rivalité oubliée
Le renouveau d'un derby qui a trop longtemps sommeillé pourrait avoir lieu ce vendredi soir à Mezzavia. Un match chargé d'électricité avec des baffes, des tampons et des marrons qui en annoncent d'autres. Mais surtout ce derby nous rappelle la différence entre deux clubs dont la rivalité est d'abord culturelle.
Matchs de Ligue 2 ou de National, des confrontations espacées de plusieurs années ont fait passer au second plan le véritable antagonisme qui oppose le Gazélec à l’AC Ajaccio. Or, ce vendredi soir, à Ange-Casanova, les deux clubs vont s’affronter dans un match qui pourrait bien relancer une rivalité historique. Sur le pré, les deux équipes se ressemblent, elles sont à égalité presque parfaite, engluées dans le ventre mou de la Ligue 2. L’ACA est douzième, le Gaz quatorzième, vingt et un points chacune, même différence de buts. Les Acéistes ont simplement planté un peu plus. Sur le papier, ça ne fait pas rêver, mais la victoire 3-1 du GFCA face à l’ACA lors du dernier match amical en date entre les deux clubs, disputé cet été, annonce une soirée des plus électriques. Des deux côtés, les acteurs ont mis le pied, le match a été arrêté à deux reprises à la suite d’échauffourées, et des contentieux sont certainement nés ce jour-là.
Pour la suprématie locale
23 janvier 2015, date du dernier derby d’Ajaccio qui a lieu en Ligue 2. Les Gaziers s’en vont battre 3-0 les Acéistes à François-Coty. Un camouflet pas si important de prime abord, seulement, en fin de saison, le Gaz monte en Ligue 1 pour la première fois de son histoire. La suprématie ajaccienne a basculé ce jour-là selon Jean-Philippe Carrolaggi, spécialiste du football insulaire : « Le Gazélec, lors de sa montée en Ligue 1, est devenu le premier club ajaccien, et maintenant que les deux clubs sont au même niveau, l’ACA aura envie de mettre les pendules à l’heure. On sent d’ailleurs monter une pression dans la ville, ces deux derniers jours, les deux clubs se sont entraînés à huis clos, une première cette saison. » Rodéric Filippi, qui a connu le derby lors de la montée du Gazélec en 2014-2015, confirme : « Le derby était attendu depuis des années, il y avait une atmosphère très lourde avant chaque match, et la suprématie était du côté de l’ACA à ce moment-là, car ils venaient de descendre. Pour les supporters, c’est le match qui décide quel est le vrai club d’Ajaccio. »
Et cette envie d’être le premier dans sa ville se prolongera dans les tribunes de Mezzavia. « Il y a deux ans, en Ligue 2, tout s’est bien passé. À Ajaccio, il y a 65 000 personnes, tout le monde se connaît. Mais quand on rentre dans le derby, je ne vais pas dire qu’on oublie les amis, mais on veut battre l’équipe d’en face. Après ça reste la macagna (chambrage) entre les supporters des deux clubs » , affirme Alain des Compañero 97, premier groupe de supporters du GFCA. Chambrette ou pas, pour Alex des Orsi Ribelli, groupe acéiste, la victoire lors du derby serait la bouffée d’air très frais dont son club a besoin : « On a vraiment envie de gagner ce derby, parce qu’on sort de plusieurs années de difficultés sportives. Aujourd’hui, on commence à aller mieux, gagner ce derby serait un beau symbole. » Si, de l’avis de tous, l’antagonisme entre les deux clubs d’Ajaccio n’atteint pas la rivalité qu’ils entretiennent avec le Sporting Club de Bastia, ACA-GFCA reste un match entre deux clubs que tout oppose.
Une rivalité sportive sur fond de rivalité politique
Jean-Philippe Carrolaggi rappelle que les deux clubs sont aux antipodes du fait de leur culture politique : « Ils sont totalement opposés, le Gaz est le club des couches populaires, l’ACA celui de la bourgeoisie locale. Les présidents historiques de chaque club ont marqué leurs cultures respectives. D’un côté, on a François Coty, industriel et homme de droite. De l’autre, on a Ange Casanova, responsable syndical chez EDF et communiste, défenseur de l’esprit amateur du Gaz. » Une rivalité politique existant avant même la création du Gazélec tel qu’on le connaît aujourd’hui. Dans les années 50, il s’agit déjà d’une histoire de suprématie, l’ACA et le FC Ajaccio se tirent la bourre en championnat et en Coupe de Corse. En 1958, un club ambitieux est créé, le Gaz voit le jour. Deux ans plus tard, il fusionne avec le FC Ajaccio. Le Gazélec, devenu GAFC, s’impose comme l’un des meilleurs clubs amateurs de France sous l’impulsion d’Ange Casanova, alors que l’ACA navigue entre L1 et L2.
C’est ce jeu de cache-cache permanent entre pros et amateurs qui a permis cette coexistence pacifique. Les deux équipes se rencontrant peu, la rivalité s’estompe, mais les différences demeurent. Rodéric Filippi, formé à l’ACA et qui a joué pendant sept ans au Gazélec, le confirme : « Pour moi qui ai joué pour les deux clubs, je peux dire que l’on ressent les différences dans la façon de travailler. Il y a un côté un peu plus « bourgeois » à l’ACA, où l’on va moins mettre d’impact, mais avec des infrastructures et un professionnalisme plus poussés. Au Gazélec, c’est le côté populaire, les entraînements à droite à gauche quand on peut, parce qu’on n’a pas trop d’infrastructures. Après, sur le terrain c’est charbon, c’est au cœur. L’identité du Gaz, c’est ça. En dehors de ça, j’avais déjà la mentalité du Gaz. » Si les deux clubs sont amenés à se rencontrer, encore et encore, comme c’est parti, les prochains matchs devraient sentir le soufre. Ou le gaz.
Par Romuald Gadegbeku
Tous propos recueillis par RG.