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Franck Béria : « Autant d’années avec un même maillot, t’es obligé de l’aimer »

Propos recueillis par Eric Carpentier
6 minutes
Franck Béria : « Autant d’années avec un même maillot, t’es obligé de l’aimer »

Actuellement en phase de reprise après s'être fait les ligaments, Franck Béria prend le temps de revenir sur son rôle à Lille, entre expérience et polyvalence. Paroles du mec aux 2 clubs et 4 postes.

Peux-tu nous rappeler ta blessure ?

J’ai été victime à Guingamp, le 8 mars, un dimanche après-midi, quelques minutes après le coup d’envoi, d’un choc avec Jérémy Pied. Une sorte de torsion du genou où les dégâts ont été considérables : rupture du ligament croisé antérieur, le ligament latéral interne touché, le ménisque externe, et un impact dans le condyle fémoral. Donc c’était un sacré chantier, parce qu’il ne s’agit pas seulement d’un ligament croisé classique.

Et maintenant, où en-es tu ?

Ça suit une évolution satisfaisante, j’ai repris la course au bout de 3 mois, avec des séances de plus en plus intenses. Sur le plan fonctionnel, on fait un peu de muscu, on essaie de retrouver de la force. Je vais entreprendre une partie technique avec le groupe, sans aller encore dans les duels ou dans les matchs. Mais on est vraiment dans les délais. Il me reste un mois, si tout se passe bien.

Ce n’est pas trop difficile d’être éloigné de la vie du groupe ?

Sur le plan présentiel, tu ne vis pas avec le groupe la compétition tous les week-ends, t’es inactif. Et dans le quotidien, j’ai un travail individualisé, je suis beaucoup plus avec les kinés, le préparateur physique, qu’avec l’ensemble de l’effectif. En revanche, j’ai la chance d’être dans un club où les structures sont très intéressantes et très confortables, donc j’ai pas besoin d’aller dans un centre de rééducation, genre Cap Breton ou Saint Raphaël, car j’ai tous les outils et toutes les compétences sous la main. Ça me permet d’avoir des contacts tous les jours avec le reste du groupe. Même si ce n’est que pour du gainage, des abdos ou des pompes, je partage quand même sa vie, je ne suis pas totalement en autarcie.

Le groupe a beaucoup changé, comment vois-tu ça ?

Il y a eu pas mal de changements, pas mal de départs, mais c’est un peu le lot de ces dernières saisons à Lille. Il y a une politique de formation qui se réinstaure pour des raisons économiques et budgétaires. Il y a un nouvel entraîneur ambitieux, donc forcément un renouvellement d’effectif. C’est naturel, c’est aussi bien la logique sportive que la logique d’entreprise. Il faut laisser passer un peu de temps, tout ne vient pas aussi rapidement qu’on le voudrait, mais il y a un réel potentiel.

À titre personnel, tu n’as jamais envisagé un départ ?

D’abord, quand t’es blessé, tu peux pas forcément prétendre à un départ. Puis surtout? je n’en ai pas la volonté. Premièrement parce que je suis bien à Lille, ça fait 9 ans, quand tu passes autant d’années avec un maillot, t’es obligé de l’aimer, t’y es attaché. La 2e raison, c’est que je pense que ma fonction, mon rôle, mon statut sont décuplés de par mon ancienneté. Je suis arrivé en tant que joueur de Ligue 2 du FC Metz, à aujourd’hui un statut où t’as une réelle expérience à faire valoir auprès des autres joueurs, t’as une réelle importance, et il y a une réelle volonté du club de te garder, pour pérenniser des valeurs qui ont été les nôtres depuis quelques saisons. En tant que rescapé du doublé, t’as aussi une exemplarité par rapport à ce que tu as fait dans le club. Tout ça mélangé, tu n’as pas forcément de sirène extérieure qui puisse te faire bouger.

Tu prends toujours autant de plaisir à jouer à Lille ?

Je ne joue pas dans un club inintéressant. Chaque saison, il y a toujours eu quelque chose de nouveau, que ce soit l’ouverture du domaine de Luchin, la Ligue Europa, le titre de champion, la Ligue des champions, le Grand Stade… il y a toujours quelque chose de sympa et de compétitif à jouer. Peut-être pas le podium, mais au moins les 5 premiers. Je suis quand même dans un des meilleurs clubs de France, un des plus structurés. La politique me convient aujourd’hui, même si elle a beaucoup changé et qu’il va falloir que je m’adapte.

À propos d’adaptation, tu as joué à tous les postes de la défense. Liberté ou contrainte ?

Ça m’a peut-être desservi à certains moments, notamment dans une progression technique, parce qu’on n’est jamais meilleur que quand on arrive à enchaîner les matchs au même poste. Là où je trouve ça intéressant, c’est que ça m’a appris énormément de choses. Que tu joues dans l’axe ou sur les côtés, c’est pas la même chose dans le positionnement et dans le rôle que tu apportes dans l’équipe, surtout dans les phases de transition offensive. Un latéral participe beaucoup plus, aujourd’hui, qu’un défenseur central, même si les centraux marquent de plus en plus de buts sur les coups de pied arrêtés. Il y a une transition, un switch plus rapide quand on joue sur un côté. Ça m’a aussi permis de jouer à des moments où la concurrence m’aurait cantonné au banc. T’as toujours une sorte de rotation, une sélection naturelle, de par les performances, les blessures, les suspensions… Donc t’as une rentabilité très intéressante pour un club, pour un entraîneur, quand t’arrives à jouer plusieurs rôles. Je suis convaincu que dans le football moderne, les joueurs doivent savoir occuper plusieurs postes pour pouvoir durer, pour réaliser une carrière sur plusieurs années. J’ai commencé à 18 ans, j’en ai 32, je pense que ma polyvalence joue dans cette longévité.

Penses-tu que tu aurais pu prétendre à un niveau plus élevé ? À l’équipe de France ?

Pendant 2 saisons, je recevais les pré-convocations, donc tu te prêtes au jeu, tu te dis « pourquoi pas moi » . Alors t’es un peu déçu, mais 99% du temps, la liste était cohérente, les joueurs qui étaient pris à mon poste jouaient dans des grands clubs, étaient sur des bonnes dynamiques, à un niveau plus haut. Donc j’ai jamais eu de regret par rapport à ça, parce que les joueurs appelés n’avaient pas volé leur place. Ça m’aurait dérangé si je trouvais qu’un joueur avait été moins bon que moi, mais ça n’a jamais été le cas. Après, on dit parfois qu’il faut changer de club pour avoir accès à l’équipe de France… Je pense surtout que ça dépend de où tu te situes, toi, sportivement. Si tu te sens à l’aise ou si tu as envie de vivre autre chose. J’espère que l’équipe de France n’est pas le seul motif pour les joueurs pour changer de club. Il faut partir pour donner une continuité à sa progression.

Tu as 32 ans, comment s’annonce la suite pour toi ?

Contractuellement, je suis avec le LOSC jusqu’en 2018, il me reste encore 3 belles saisons qui m’emmèneront à 35 ans, et puis on verra bien. J’ai toujours été inspiré par cette dynamique où il n’y avait pas de lassitude, dans ce club où chaque année on avait un objectif vraiment intéressant. J’ai eu l’occasion de jouer avec de bons joueurs, j’ai eu des entraîneurs très différents mais très intéressants, qui ont apporté énormément de choses. Un club qui est en perpétuel changement, ça casse la routine, on évite la lassitude.

Depuis le temps que tu y es, tu te considères comme lillois ?

Bien sûr, je me sens lillois. Mon fils est né à Lille, mes premiers gros frissons sur la scène internationale, je les ai connus avec Lille, c’est un peu normal de se sentir lillois, le contraire serait étonnant, ça voudrait dire que je triche. Et j’ai jamais triché sur le terrain, ni avec le maillot que j’ai porté. Il y a une réelle obligation pour moi de donner le maximum par rapport au vécu que j’ai ici.
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