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France-Croatie : Kylian Mbappé, tous les capés ne sont pas des héros
Cette fois, Kylian Mbappé n'a pas pu enfiler le costume du sauveur pour éviter la défaite à l'équipe de France contre la Croatie. Un constat qui rappelle que l'attaquant parisien mérite mieux qu'une étiquette de messie au sein de collectifs défaillants et qu'il aura besoin d'être mieux entouré pour réaliser les grandes choses qu'il souhaite accomplir.
Ils sont peu à pouvoir se vanter de provoquer des frémissements dans un stade à chaque ballon touché, chaque potentielle accélération, et Kylian Mbappé fait partie de ce cercle très fermé. Le public du Stade de France n’a eu aucun but tricolore à se mettre sous la dent ce lundi soir, mais il a toujours espéré que le chouchou de la capitale et du pays soit celui qui débloque tout, comme vendredi dernier en Autriche. Diminué depuis sa sortie précoce face au Danemark en raison d’un bobo au genou gauche, le numéro 10 des Bleus s’était dit prêt à tirer sur la corde une dernière fois cette saison à la sortie du match nul ramené de Vienne : « Je ne suis pas à 100%, mais si le coach a besoin de moi, c’est bientôt les vacances, donc je peux forcer un petit peu. » Le champion du monde a peut-être dû forcer beaucoup contre la Croatie, disputant l’intégralité de la rencontre, sans briller ni sauver personne, même si tout le monde, en tribunes comme sur le terrain, a semblé attendre un nouvel exploit de Mbappé. Ce qui n’est une bonne nouvelle ni pour les Bleus, ni pour l’attaquant.
Mbappé à la recherche d’un collectif
Le 55e et dernier match de la saison bien remplie de Kylian Mbappé n’aura pas été son meilleur. Le Parisien a montré beaucoup de bonne volonté pour tenter de faire sauter le verrou d’une défense croate ultradisciplinée, tout comme il s’est rendu très disponible auprès de ses coéquipiers (72 ballons touchés, soit 30 de plus que Karim Benzema et 20 de plus que Christopher Nkunku, sorti à 20 minutes du terme). Mais cela ne suffit pas, surtout quand le joueur en question s’appelle Mbappé et que son talent a peu d’égal sur la planète foot à l’heure actuelle. L’attaquant a eu du déchet, sans doute trop (6 tirs tentés, 5 dribbles réussis sur 10 et 75% de passes justes), et n’a jamais réussi à combiner avec ses deux compères d’attaque, Benzema et Nkunku, ne confirmant pas le coup de foudre entrevu en Autriche avec le second. Plus inquiétant, la relation avec le premier, l’autre star du groupe depuis son retour au printemps dernier, n’a pas aussi bien fonctionné qu’à l’automne. Le nœud du problème se situe peut-être ici : dans les immenses espoirs fondés sur l’association Benzema-Mbappé.
Au début du rassemblement, le capitaine Hugo Lloris avait répété que les Bleus ne pouvaient « pas uniquement se reposer sur (leur) talent offensif ». Ces derniers temps, cette équipe de France a parfois laissé l’impression qu’elle comptait pourtant un peu trop sur les exploits individuels de ses deux attaquants. Cela peut se comprendre, quand l’un d’eux est en passe de remporter le Ballon d’or en récompense d’une année exceptionnelle, et que l’autre a pété un nouveau record hexagonal au XXIe siècle en bouclant une saison en étant impliqué dans 75 buts en club et en sélection (49 réalisations, 26 passes décisives). En Autriche, Mbappé avait rejeté le qualificatif de sauveur au micro de TF1. Il se trouve qu’il serait une erreur de le considérer comme tel au sein d’un groupe tellement talentueux qu’il n’a pas le droit de se reposer sur un seul joueur. Mbappé n’est pas l’homme providentiel de l’équipe de France, et il ne doit pas l’être. Pour le bien des Bleus, d’abord, puis pour le sien. En sélection, il n’a jamais été aussi agaçant et peu brillant que lorsqu’il a accepté d’enfiler la cape du héros, quitte à s’enfermer dans ses délires individuels ou à vouloir tirer un coup franc, comme ce soir à la 78e minute, alors qu’il n’a jamais régné dans cet exercice. Pour évoluer et gagner les compétitions destinées à garnir le palmarès d’un très grand, Mbappé aura besoin de se libérer de ce rôle, à la fois flatteur et ingrat, de messie libérant des collectifs défaillants, en l’occurrence ceux du Paris Saint-Germain et de la France.
Par Clément Gavard, au Stade de France