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France-Allemagne : un statut de favori encombrant
Ça y est : après avoir vu toutes les autres sélections s'élancer avant elle, l'équipe de France ouvre son bal en Allemagne. Face à une Nationalmannschaft chez elle, les Bleus devront se libérer de leur costume de favori pour ensuite mener plus sereinement la nouvelle mission qui les attend.
Passer une frontière en 2021 revient à se plier à toute une batterie de tests. Tout voyageur a pu le constater par lui-même. Mais pour les Bleus, atterrir dans un pays étranger, comme ils l’ont fait ce lundi sur les coups de 11h50, ne se résume pas à laisser un coton-tige se balader au fond des narines ou de la gorge. Ce soir à Munich, c’est un match contre l’Allemagne qui servira de dépistage pour connaître le réel niveau des joueurs de l’équipe de France. Lestée d’un statut de champion du monde et de vice-champion d’Europe qu’elle trimbale en soute, la bande à Griezmann est logiquement désignée comme l’immense favorite de la compétition. « Je ne veux pas fuir ce statut qu’on partage avec d’autres nations, mais il ne nous garantit rien, répliquait Didier Deschamps dans une interview à L’Équipe. Pour certains, on n’est pas encore entrés sur le terrain qu’on a déjà gagné. C’est loin d’être le cas. » Ici, à l’Allianz Arena, si le comité d’accueil ne portera pas de rangers aux pieds, ni de flocage POLIZEI dans le dos, ce n’est pas pour autant qu’ils ménageront leurs invités. « Il y a des grands noms sur le papier, mais ce n’est que le papier, prévenait le douanier allemand Antonio Rüdiger, avant d’annoncer la couleur. Nous devons imposer notre jeu et nous pouvons le faire, nous y sommes prêts.[…]Il faut aussi être sale, pas toujours gentil, gentil, gentil, et ne pas toujours essayer de t’en sortir avec du beau football. Contre des joueurs comme ça, il faut aussi envoyer un message… et tôt. » Comprendre : fais attention à tes dents, Kylian Mbappé.
Outre-Rhin et outrecuidance
De l’intensité, de l’adversité et de l’orgueil, cette Nationalmannschaft en quête de rebond est peut-être ce qui pouvait arriver de mieux aux Bleus pour se jauger. « L’Allemagne a commencé une reconstruction, ils ont intégré des jeunes, mais ils ont enregistré des retours, c’est une nation qui a toujours su garder son identité de jeu, on aime jouer ce genre d’équipe », confirmait Kylian Mbappé. Paul Pogba va dans son sens, tout en allumant certains warnings : « Dans cet Euro, il n’y a pas de petites équipes. Là c’en est une grosse, c’est du direct et il faudra un résultat. On sait qu’on est attendus. » Ne voulant pas rester sur leur piédestal, les joueurs passés en conférence de presse depuis le début de la préparation ont juré sans cesse qu’on ne les prendra pas en flagrant délit d’outrecuidance. « Si on ne fait pas preuve d’humilité, on peut le payer très cher, avance le capitaine Hugo Lloris. Encore une fois, par rapport à ce que je vois aux entraînements et dans les attitudes, dans l’intensité, la concentration, il n’y a vraiment rien à reprocher. Il faut continuer sur cette lancée. » La jurisprudence 2002 a suffisamment été rappelée pour être complètement ignorée. « Notre principal rival, c’est nous. Il faut faire attention à ce que cela ne nous monte pas trop à la tête, continue Paul Pogba. On est tous focus sur le terrain, tout le monde a la même mentalité, le même objectif. On va essayer de calmer tout le monde, déjà entre nous et même les médias. Après, ça pousse, ce n’est pas facile. »
C’est peut-être une spécificité française, mais dans ce cas, la confiance est perçue comme une menace potentielle. Pourquoi ? Le poids de l’histoire, certainement, pour une nation qui n’est finalement jamais aussi forte que lorsqu’elle surprend son monde (souvenez-vous 1998 et 2018), et qui a déjà fait preuve d’une belle capacité à se gaufrer lorsqu’elle était gonflée d’espoirs (1993, 2002 et 2008 ; 2010 étant un cas à part). Cependant, la couronne mondiale n’avait aucunement gêné Didier Deschamps et ses coéquipiers lorsqu’ils ont abordé un Euro 2000 qu’il remporteront. « On se retrouve dans le même cas de figure, c’est vrai, je ne vais pas me servir de ça, comme je ne m’étais pas servi de la Coupe du monde 1998 pour préparer 2018, assurait lundi le sélectionneur.À aucun moment, je ne ferai référence à mon ancienne vie de joueur. » Difficile de comparer les époques, mais il y a 21 ans en Belgique, les Bleus de Roger Lemerre avaient roulé sur le Danemark en ouverture (3-0), avant de valider la qualif’ contre les Tchèques (2-1), puis de faire tourner contre les Néerlandais (2-3). Autant garder ça en tête.
Deschamps : « Il faudra d’autres ingrédients »
En 2021, c’est donc une nouvelle histoire à écrire. À cette génération de s’appuyer sur ses certitudes : une animation offensive prometteuse avec le trio Griezmann-Benzema-Mbappé, un milieu souverain et une défense rodée. Le reste, comme les bisbilles entre Giroud et Mbappé, ne sera en cas d’issue heureuse qu’une petite rature sur une dissertation notée 19/20. Dans L’Équipe, Didier Deschamps exhortait justement ses joueurs à se concentrer sur l’instant présent : « Ce qui m’intéresse, c’est le baromètre interne, la confiance et la sérénité que je ressens.[…]La qualité et le talent, cela ne suffit pas parce qu’il y en a aussi en face. Il faudra d’autres ingrédients. La confiance ne doit pas se transformer en excès de confiance. Un environnement négatif peut affecter un groupe. Mais un environnement ultra-positif peut avoir un impact encore plus négatif : ce n’est pas en s’endormant qu’on atteindra nos objectifs. » Nous somme donc le 15 juin, et le réveil s’apprête à sonner.
Analyse, paris à prendre & meilleurs bonus : Retrouvez notre pronostic France – Allemagne sur le 1er match des Bleus dans cet Euro !Par Mathieu Rollinger, à Munich