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Où l'on discute littérature, bouquins géniaux, cire qui se gondole et pages qui se détachent.

Comme je sais qu'il y a un amateur ici...

Ai lu quelques Modiano (encore inédits pour moi) ces derniers temps : Vestiaire de l'enfance, Du plus loin de l'oubli, Dimanches d'août.

Ai tout aimé.

Je dois en être à 24 ou 25, et toujours pas de déception. Une oeuvre d'une incroyable densité.

bobbyschanno a écrit

Je dois en être à 24 ou 25

Même Catherine Certitude ?

(Moi, j'ai lu Dimanches d'août en août dernier, mais je ne parle plus aux arsouilles du dimanche.

En plus que c'est sans doute un livre lu que j'ai pas lu.)

bobbyschanno a écrit

Comme je sais qu'il y a un amateur ici...

Ai lu quelques Modiano (encore inédits pour moi) ces derniers temps : Vestiaire de l'enfance, Du plus loin de l'oubli, Dimanches d'août.

Ai tout aimé.

Je dois en être à 24 ou 25, et toujours pas de déception. Une oeuvre d'une incroyable densité.

Bobby !

(mais écrit-il toujours le même livre ou pas finalement ?)

((de mon côté, hormis mon obsession sur Foucault, seul un peu de K. Dick passe encore par mes yeux. Le Tome 2 de sa Trilogie divine, pour l'instant moins goutu que le premier))

Hemassy a écrit

Bobby !

(mais écrit-il toujours le même livre ou pas finalement ?)

((de mon côté, hormis mon obsession sur Foucault, seul un peu de K. Dick passe encore par mes yeux. Le Tome 2 de sa Trilogie divine, pour l'instant moins goutu que le premier))

(oui, et c'est ce qui fait la densité de l'oeuvre : un style tout à fait personnel, immédiatement reconnaissable et d'une force peu commune)

Je me permets de recommander la lecture de la biographie de Voltaire par André Maurois.

Une merveille de style : enlevé, plaisant, ravissant.

Un nuage...

"Pour parler franc, là entre nous, je finis encore plus mal que j’ai commencé… Oh, j’ai pas très bien commencé… je suis né, je le répète, à Courbevoie, Seine… je le répète pour la millième fois… après bien des aller et retour je termine vraiment au plus mal… y a l’âge, vous me direz… y a l’âge !… c’est entendu !… à 63 ans et mèche, il devient extrêmement ardu de se refaire une situation… de se relancer en clientèle… ci ou là !… Je vous oubliais !… je suis médecin… la clientèle médicale, de vous à moi, confidentiellement, est pas seulement affaire de science ou de conscience… mais avant tout, par-dessus tout, de charme personnel… le charme personnel passé 60 ans ?… vous pouvez faire encore mannequin, potiche au musée… peut-être ?… intéresser quelques maniaques, chercheurs d’énigmes ?… mais les dames ? le barbon tiré quatre épingles, parfumé, peinturé, laqué ?… épouvantail ! clientèle, pas clientèle, médecine, pas médecine, il écoeurera !… s’il est tout cousu d’or ?… encore !… toléré ? hmm ! hmm !… mais le chenu pauvre ?… à la niche ! Ecoutez un peu les clientes, au gré des trottoirs, des boutiques… il est question d’un jeune confrère… « oh, vous savez, Madame !… Madame !… quels yeux ! quels yeux, ce docteur !… il a compris tout de suite mon cas !… il m’a donné de ces gouttes à prendre ! midi et soir !… quelles gouttes !… ce jeune docteur est merveilleux !… » Mais attendez un peu pour vous… qu’on parle de vous !… « Grincheux, édenté, ignorant, crachotteux, bossu… » votre compte est réglé !… le babil des dames est souverain !… les hommes torchent des lois, les dames s’occupent que du sérieux : l’Opinion !… une clientèle médicale est faite par les dames !… vous les avez pas pour vous ?… sautez vous noyer !… vos dames sont débiles mentales, idiotes à bramer ?… d’autant mieux ! plus elles sont bornées, butées, très rédhibitoirement connes, plus souveraines elles sont !… rengainez votre blouse, et le reste !"

Louis-Ferdinand CÉLINE — D’un château l’autre, Gallimard, 1957.

Autre chose que cette m... illisible de Céline :

"C’est à l’Afrique que je veux revenir sans cesse, à ma mémoire d’enfant. A la source de mes sentiments et de mes déterminations. Le monde change, c’est vrai, et celui qui est debout là-bas au milieu de la plaine d’herbes hautes, dans le souffle chaud qui apporte les odeurs de la savane, le bruit aigu de la forêt, sentant sur ses lèvres l’humidité du ciel et des nuages, celui-là est si loin de moi qu’aucune histoire, aucun voyage ne me permettra de le rejoindre.

Pourtant, parfois, je marche dans les rues d’une ville, au hasard, et tout d’un coup, en passant devant une porte au bas d’un immeuble en construction, je respire l’odeur froide du ciment qui vient d’être coulé, et je suis dans la case de passage d’Abakaliki, j’entre dans le cube ombreux de ma chambre et je vois derrière la porte le grand lézard bleu que notre chatte a étranglé et qu’elle m’a apporté en guise de bienvenue. Ou bien, au moment où je m’y attends le moins, je suis envahi par le parfum de la terre mouillée de notre jardin à Ogoja, quand la mousson roule sur le toit de la maison et fait zébrer les ruisseaux couleur de sang sur la terre craquelée. J’entends même, par-dessus la vibration des autos embouteillées dans une avenue, la musique douce et froissante de la rivière Ayia.

J’entends les voix des enfants qui crient, ils m’appellent, ils sont devant la haie, à l’entrée du jardin, ils ont apporté leurs cailloux et leurs vertèbres de mouton, pour jouer, pour m’emmener à la chasse aux couleuvres. L’après-midi, après la leçon de calcul avec ma mère, je vais m’installer sur le ciment de la varangue, devant le four du ciel blanc pour faire des dieux d’argile et les cuire au soleil. Je me souviens de chacun d’eux, de leurs noms, de leurs bras levés, de leurs masques. Alasi, le dieu du tonnerre, Ngu, Eke-Ifite la déesse mère, Agwu le malicieux. Mais ils sont plus nombreux encore, chaque jour j’invente un nom nouveau, ils sont mes chis, mes esprits qui me protègent et vont intercéder pour moi auprès de Dieu.

Je vais regarder la fièvre monter dans le ciel du crépuscule, les éclairs courir en silence entre les écailles grises des nuages auréolés de feu. Quand la nuit sera noire, j’écouterai les pas du tonnerre, de proche en proche, l’onde qui fait vaciller mon hamac et souffle sur la flamme de ma lampe. J’écouterai la voix de ma mère qui compte les secondes qui nous séparent de l’impact de la foudre et qui calcule la distance à raison de trois cent trente-trois mètres par seconde. Enfin le vent de la pluie, très froid, qui avance dans toute sa puissance sur la cime des arbres, j’entends chaque branche gémir et craquer, l’air de la chambre se remplit de la poussière que soulève l’eau en frappant la terre.

Tout cela est si loin, si proche. Une simple paroi fine comme un miroir sépare le monde d’aujourd’hui et le monde d’hier. Je ne parle pas de nostalgie. Cette peine dérélictueuse ne m’a jamais causé aucun plaisir. Je parle de substance, de sensations, de la part la plus logique de ma vie.

Quelque chose m’a été donné, quelque chose m’a été repris. Ce qui est définitivement absent de mon enfance : avoir eu un père, avoir grandi auprès de lui dans la douceur du foyer familial. Je sais que cela m’a manqué, sans regret, sans illusion extraordinaire. Quand un homme regarde jour après jour changer la lumière sur le visage de la femme qu’il aime, qu’il guette chaque éclat furtif dans le regard de son enfant. Tout cela qu’aucun portrait, aucune photo ne pourra jamais saisir.

Mais je me souviens de tout ce que j’ai reçu quand je suis arrivé pour la première fois en Afrique : une liberté si intense que cela me brûlait, m’enivrait, que j’en jouissais jusqu’à la douleur.

Je ne veux pas parler d’exotisme : les enfants sont absolument étrangers à ce vice. Non parce qu’ils voient à travers les êtres et les choses, mais justement parce qu’ils ne voient qu’eux : un arbre, un creux de terre, une colonne de fourmis charpentières, une bande de gosses turbulents à la recherche d’un jeu, un vieillard aux yeux troubles tendant une main décharnée, une rue dans un village africain un jour de marché, c’étaient toutes les rues de tous les villages, tous les vieillards, tous les enfants, tous les arbres et toutes les fourmis. Ce trésor est toujours vivant au fond de moi, il ne peut pas être extirpé. Beaucoup plus que de simples souvenirs, il est fait de certitudes.

Si je n’avais pas eu cette connaissance charnelle de l’Afrique, si je n’avais pas reçu cet héritage de ma vie avant ma naissance, que serais-je devenu ?

Aujourd’hui, j’existe, je voyage, j’ai à mon tour fondé une famille, je me suis enraciné dans d’autres lieux. Pourtant, à chaque instant, comme une substance éthéreuse qui circule entre les parois du réel, je suis transpercé par le temps d’autrefois, à Ogoja. Par bouffées cela me submerge et m’étourdit. Non pas seulement cette mémoire d’enfant, extraordinairement précise pour toutes les sensations, les odeurs, les goûts, l’impression de relief ou de vide, le sentiment de la durée.

C’est en l’écrivant que je le comprends, maintenant. Cette mémoire n’est pas seulement la mienne. Elle est aussi la mémoire du temps qui a précédé ma naissance, lorsque mon père et ma mère marchaient ensemble sur les routes du haut pays, dans les royaumes de l’ouest du Cameroun. La mémoire des espérances et des angoisses de mon père, sa solitude, sa détresse à Ogoja. La mémoire des instants de bonheur, lorsque mon père et ma mère sont unis par l’amour qu’ils croient éternel. Alors ils allaient dans la liberté des chemins, et les noms de lieux sont entrés en moi comme des noms de famille, Bali, Nkom, Bamenda, Banso, Nkongsamba, Revi, Kwaja. Et les noms de pays, Mbembé, Kaka, Nsungli, Bum, Fungom. Les hauts plateaux où avance lentement le troupeau de bêtes à cornes de lune à accrocher les nuages, entre Nassim et Ngonzin.

Peut-être qu’en fin de compte mon rêve ancien ne me trompait pas. Si mon père était devenu l’Africain, par la force de sa destinée, moi, je puis penser à ma mère africaine, celle qui m’a embrassé et nourri à l’instant où j’ai été conçu, à l’instant où je suis né."

Jean-Marie Gustave Le Clézio, L'Africain, 2004.

bobbyschanno a écrit

Autre chose que cette m... illisible de Céline

Mouais...

Fromm ça vaut le coup? Et c'est pas trop dur à lire? Je viens de tomber sur certaines interview très intéressante. Je pense me prendre "To be or to have" et "The anatomy of human destructivness". A moins que quelqun me le déconseille fortement?

"Un homme est entré . Il portait une veste de tweed. Il s'est dirigé en boitant très fort vers le comptoir au fond de la salle, s'est servi lui-même d'une carafe d'eau et d'un verre. De sa démarche cassée, il est venu s'asseoir à la table voisine de la nôtre.

Je me suis demandé si ce n'était pas le propriétaire du café. Il a surpris quelques mots de notre conversation, car il s'est tourné vers nous :

- Vous êtes français ?

Il avait un très léger accent. Il souriait. Il s'est présenté :

- Rudy Hiden...

J'avais déjà entendu ce nom sans savoir à qui il appartenait. Le visage aux traits réguliers aurait pu être celui d'un acteur de cinéma. Sur le moment, son prénom, Rudy, m'avait frappé. C'était le prénom de mon frère. Et il évoquait des images romantiques : Mayerling, les funérailles de Valentino, un empereur d'Autriche qui souffrait de mélancolie en des temps lointains.

Avec Rudy Hiden nous avons échangé des propos courtois, comme des voyageurs qui ne se connaissent pas et sont assis à la même table d'un wagon-restaurant. Il nous a dit qu'il avait vécu à Paris, qu'il n'y était pas retourné depuis longtemps et qu'il regrettait beaucoup cette ville. Il nous a salués d'un mouvement cérémonieux de la tête quand nous avons quitté le Café Rabe.

Plus tard, j'ai appris qu'il avait été le plus grand gardien de but de l'histoire du football. J'ai essayé de retrouver des photos de lui et de tous ses amis autrichiens aux noms mélodieux qui faisaient partie du Wunderteam de Vienne et qui avaient ébloui de leur grâce le public des stades. Rudy Hiden avait dû abandonner le football. Il avait tenu une boîte de nuit, à Paris, rue Magellan. Puis un bar, rue de la Michodière. Il s'était brisé la jambe. Il était revenu à Vienne, sa ville natale, où il menait une vie de clochard.

Je le revois sous la lumière de néon du Café Rabe qui s'avance vers nous de sa démarche cassée. Est-ce un hasard si je tombe sur une phrase d'une lettre de Scott Fitzgerald qui me fait penser à lui : "Je suis convaincu que tous les boxeurs professionnels, les acteurs, les écrivains qui vivent de leurs talents devraient, pendant leurs années les plus fécondes, se mettre entre les mains d'un manager. L'élément éphémère de ce talent paraît si "différent" de nous, quelque chose qui nous étranger et qui se dissimule dans un pli si secret de notre être, qu'il faudrait, semble-t-il, en confier la garde à un conservateur plus sûr que le pauvre homme qu'elle habite et qui doit, en définitive, payer la note."

Et de se retrouver au Café Rabe."

Patrick Modiano, Fleurs de ruine, 1991, pages 124-126.

et jviens de me farcir football factory

j'ai trouvé ca très chiant

j'attaque Tortilla flat

j'éspère que ce sera mieux

SubutexMex a écrit

et jviens de me farcir football factory

j'ai trouvé ca très chiant

j'attaque Tortilla flat

j'éspère que ce sera mieux

C'est quoi tes références (tes goûts) en littérature ? Je me souviens qu'on avait parlé de Dostoïevski, t'avais moyennement accroché.

Pas impossible que tu aies du mal à rentrer dans Tortilla Flat, voire qu'il t'emmerde. Moi, c'est un de mes livres de chevet, je dois le connaître par cœur.

"Je suis ici pour baiser la fille de ces diplomates pleins de morgue qui nous giflaient à coups de stick. Au fond, je n’étais pas là quand ça se passait, mais que voulez-vous, à défaut de nous être bienveillante, l’histoire nous sert d’aphrodisiaque."

Dany Laferrière, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, 1985.

bobbyschanno a écrit

"Je suis ici pour baiser la fille de ces diplomates pleins de morgue qui nous giflaient à coups de stick. Au fond, je n’étais pas là quand ça se passait, mais que voulez-vous, à défaut de nous être bienveillante, l’histoire nous sert d’aphrodisiaque."

Dany Laferrière, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, 1985.

"avec un n..."

Un...un quoi ?

Italia'90 a écrit

"avec un n..."

Un...un quoi ?

BBC meets horny blonde

(Les éditions CNL ou PUF, ça se mouche pas du coude, je crois que je l'ai déjà dit mais c'est vraiment abusé...)

"il est, d'ailleurs, comique que le malheur du monde vienne si souvent de gens de petite taille : ils sont beaucoup plus énergiques et insupportables que les personnes de haute stature"

E.M.Remarque, À l'ouest rien de nouveau.

Depuis le temps que je réclame l'instauration d'une taille minimale pour les candidats aux élections...

Georges Randal a écrit

(Les éditions CNL ou PUF, ça se mouche pas du coude, je crois que je l'ai déjà dit mais c'est vraiment abusé...)

Tout dépend des éditions et de ce qui est recherché. Pas mal de classiques au PUF sont abordables en occasion.

Mais les prix des éditeurs ont beaucoup pris ces derniers temps. Beaucoup trop. Acheter neuf est une plaie et il vaut mieux se tourner vers des éditions numériques du point de vue économique.

Je ne connais pas leur modèle et ce que les auteurs prennent, mais l'objectif de les rendre accessibles pour tous me semble un peu aléatoire.

(Je les avais en numérique, mais j'aime pas et par principe...)

Georges Randal a écrit

Je ne connais pas leur modèle et ce que les auteurs prennent, mais l'objectif de les rendre accessibles pour tous me semble un peu aléatoire.

(Je les avais en numérique, mais j'aime pas et par principe...)

Le mieux est encore d'emprunter en bibliothèque universitaire. L'abonnement n'est pas extrêmement cher il me semble.

L'objectif de rendre accessible ne concerne pas toutes les collections et tous les auteurs. Si tu recherches des ouvrages précis, qui ne sont pas forcément orientés grand public, le prix sera toujours élevé. Je pense à la collection épiméthée pour laquelle de nombreux ouvrages ne sont pas réédités et qui sont trouvables d'occasion à des prix délirants.

Je n'aime pas non plus le numérique, pas du tout. Le rapport à la lecture est complétement différent. Ce n'est même pas une question de principe pour moi mais de lecture. Après, je suis dubitatif sur le principe mais aussi sur la tendance écologique avancée pour passer au numérique.

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