Message posté par sandro l'obeseLe prix de la neutralité.
Me dirigeant d'un pas sûr et alerte, je prévois d'arriver aux alentours de vingt minutes de retard, car rien n'est plus joli qu'une tablée qui vous accueille, les bras ouverts de tendresse et des barbes plus ou moins piquantes qu'on enchaîne comme une fille de joie (ou même un jugador sud-amérindien) enchaîne les passes aveugles. Les fiers logos brillent sur de solides poitrines. Les vestes sont fermées jusqu'au col. Le regard, parfois assombri par des vitres noircies (« j'ai paumé mes lunettes de vue »), ne contient rien de cette frousse qui inonde les écrits du saint-topic. Il y a même de l'ironie (« ton cadeau d'anniv ', une raclée pour le Pez?! »), témoin indéniable d'une confiance ahurissante à, au moins, faire déjouer le grand, l'unique, le sublime, Barça-Barça-Barcha.
Le verre déjà à moitié vidé de son plein de liquide uriniforme, ces costauds gaillards dissertent de la fameuse « compo », cette sélection d'hommes envoyés au front, et consultée sur le smartphone de Sly. Bientôt l'heure avance, et il est temps de se mettre au chaud, à sept sur une table de six, entourés par les écrans accrochées dans les coins, le Ja tout près de moi, les sièges vides qui s'occupent à mesure que le gazon du Parc apparaît sur l'écran, juste après une pub pour un préservatif (sont malins ces annonceurs), que les commandes sont envoyés à la gueule de la gentille serveuse et qu'on voit bien à la tronche de Raf que ses coronaires vont en chier.
Alors peut-être que vous vous en foutez de cette histoire, mais quand même, c'est pas facile. D'un côté le club de la ville que j'aime, et qui m'a adopté dans mes jeunes années estudiantines. Mais je n'aime pas ce club, et n'ai jamais pu me résoudre à l'encadrer. Tout simplement mon esprit n'a jamais fait la liaison PSG Paris, je ne vois dans ces trois lettres que la médiocrité d'un public détestable, qui ne fait pas honneur à la ville qu'il est censé représenter. Et comme cette image n'est que l'une de ces constructions mentales qui font l'essence d'un amateur de football, qui en vient à coups de fantasmes à supporter une équipe et à en détester certaines, au moins ne suis-je pas de ceux qui ne reconnaissent pas l'état d'absurdité dans lequel ils sont jetés, et sais-je bien que ma haine du PSG est absolument stupide, bien que j'ai appris à vivre avec, et que je ne le déteste que parce que j'ai fréquenté des gens qui le détestaient eux-même pour d'obscures déraisons (et aussi surtout j'aime pas les arabes).
Autre côté du terrain, un autre fantasme. Celui de l'épuration artistique, des tableaux de Guardiola (ceux qui bougent), et de la perfection dans laquelle surgit - une blue note dans une gamme pentatonique - une imperfection qui déséquilibre l'ensemble et séduit les sens. Cette imperfection, c'est une passe aveugle, ou alors un crochet, qui n'a rien à faire dans la partition.
Et au dessus de tout cela, il y a la fierté tricolore, et j'ai déjà parlé de cette difficulté à intégrer le PSG, fiscalement qatari et géographiquement français, à l'équation du patriotisme footballistique que je défends habituellement.
Au final, ce ne sera pas une question de fierté, ni même une question d'indice UEFA (n'en déplaise à cet intégriste de pragmatisme qu'est Jeaninho), mais bien une question d'amitié qui me poussera à faire semblant, ou peut-être pas tant que ça, d'être heureux de voir chaque reprise victorieuse d'un « parigot », et légèrement hébété (« Rhoo merde alors ») de constater la réponse des jaunes dans la foulée.
Le Burger est vraiment pas mal, mais mon mauvais positionnement, qui m'oblige à reculer ma chaise et à la tourner de quatre-vingt-dix degrés pour regarder la téloche, m'empêche de m'empiffrer et de regarder le match en même temps. Et surtout je loupe le meilleur du spectacle, qui n'est même pas celui d'un putain de match. Derrière j'entends Hemassy enchaîner les remarques pertinentes (mais faites rentrer Camara !), le Ja' hurler à Cavani son déficit en attributs sexuels et j'aperçois Raf qui fait des allers retours entre sa chaise et l'extérieur du bar pour décompresser, Pit qui réclame un truc à la serveuse pour son tartare (seriously?), Sly coincé entre les deux vioques (la plus mauvaise place... ou la meilleure) et Jeaninho qui assiste à la scène avec son uf mayo (seriously ?).
Au final ils sont plutôt sympas les supporters du PSG, le prix de la neutralité n'est pas trop élevé pour moi (la pinte à 7 , quand même), j'espère qu'ils retrouveront leurs 500 pages de topic, je crois bien que quelques perles y sont cachées. Une bande de trouducs que l'on gagne à connaître, assurément.
(J'ai failli chialer, putain... C'est tellement beau... Merci...)