Je reviens sur un post précédent par rapport à De Capes et de Crocs de Ayrolles et masbou (
http://errance.eternelle.free.fr/capecrocs01.htm)... immense série qui mérite en effet de s'y arrêter. Et je dis ça en ayant bien conscience de bd que j'ai commenté sur ce forum auparavant (Moore entre autres, et oui From Hell est excellent, rien à voir avec le film, mais j'ai un plus grand faible encore pour Watchmen)
Surtout ne faites pas l'erreur (que j'ai failli commettre il y a presque 20 ans en la découvrant) de vous dire: "Animorphisme, ok... c'est que pour les gosses". Pour le coup cela reviendrait à tenir le même jugement en voyant qu'uderzo a choisi de dessiner en style "gros nez" dans Astérix. Car on peut vraiment comparer De capes et Astérix ! Farpaitement Môssieur !
Comme Goscinny, Ayrolles sait tisser un scénario à partir de situations cocasses (et non l'inverse, ce que n'a pas su faire Ferri dans sa reprise d'Astérix par exemple, où le gag n'est qu'accessoire et non moteur du drame). Là aussi plusieurs niveaux de lecture, un gosse de 9 ans en sera émerveillé par le sens de l'aventure, mais un curieux de fiction parodique (à la Italo Calvino), d'oeuvres classiques (tout molière, Stevenson, swift, racine... est là-dedans) ou de pastiche (Ayrolles maîtrise parfaitement l'art des inversions qui vont bluffer nos attentes) y trouvera aussi son bonheur. On se poile, on est pris par le souffle de l'aventure, et on s'étonne des références profondes mais discrètes qu'on avait pas remarqué à la précédente lecture. Ayrolles c'est ça son grand truc: avaler tout un univers dans sa complexité (celui des contes dans Garulfo, du vampirisme dans D) et délivrer une vision originale mais classique en même temps, toujours passionnante et d'une intelligence rare (lire la saga D jusqu'au bout, c'est se faire trouer le derche à grands coups de pieu, on est dans le vampire hein, cette chute, il n'y avait que lui pour la faire...lisez, je ne veux pas en dire plus). Bref, De capes c'est l'oeuvre d'un des meilleurs (et assez rare, il produit peu) scénariste français. Le seul, il me semble, à pouvoir se revendiquer de la forme particulière d'écriture et d'humour de Goscinny (avec peut-être Gotlib ??? mais, à part sur Super-Dupont, on est dans une écriture de gags courts...).
Mais il faut y ajouter le travail de Masbou. Comme Uderzo, il sait se faire oublier pour porter la puissance épique ou comique. Mais il sert le scénar par son brio : là où la force d'uderzo c'est la vigueur du trait, le sens du mouvement, chez Masbou on a un très grand ambianceur, un excellent coloriste avec un sens de la profondeur ou de la transparence rare.
Il faut lire De capes et de crocs...