Message posté par Fred AstaireBon pour la 11, j'ai regardé l'image de la compo de la finale et comme seuls les noms de Sarti, Milani et Tagnin n'avaient pas été cités j'en déduis que...
C'est Tagnin. Revoici son histoire
Le 27 mai 1964, dans l’enceinte du Prater de Vienne, le Real Madrid s’incline 3-1 en finale de la Coupe des Clubs Champions face à l’Inter. A bientôt trente-huit ans, Alfredo Di Stéfano est en toute fin de parcours à Madrid mais demeure un leader, buteur face au Milan, tenant du titre, puis en demi-finale contre le FC Zürich. Mais lors de cette finale, le vieil Alfredo fait son âge, totalement éteint par l’obscur Carlo Tagnin.
C’est un marquage individuel total qu’a préparé Helenio Herrera : Burgnich s’occupe de Gento, Facchetti du rapide Amancio et Guarnieri est sur le dos de Puskás. Le plus intransigeant, le plus dur, c’est Tagnin qui suit absolument partout la Saeta Rubia, une véritable sangsue. En cours de rencontre, Di Stéfano s’adresse à Luis Suárez pour se plaindre de ce traitement. Puis Alfredo entame un dialogue avec Tagnin : « - Et si je sors du terrain ? – Je sors avec toi. C’est le Real qui en pâtira, pas l’Inter ». Di Stéfano finit la rencontre, vaincu. C’est son ultime match officiel avec le Real avant son départ pour Barcelone et l’Español.
Tagnin ne devrait pas être un inconnu pour certains Madrilènes car Vicente, Isidro, Gento, titulaires face à l’Inter, l’ont affronté deux ans auparavant au cours d’une opposition totalement improbable. S’en souviennent-ils ?
Au printemps 1962, l’Associazione Calcistica Rapallo, petit club ligure de Serie D à proximité de Portofino, accède à la Serie C. Pour préparer la saison suivante et sans doute pour remercier ses joueurs, le président Armando Bogliardi organise une tournée en Espagne début juin. Trois rencontres sont au programme dont une contre le Real Madrid. Grâce à des intermédiaires et moyennant le paiement d’une indemnité (à l’époque, le Real facture environ 25.000 dollars chaque rencontre amicale), Bogliardi, entrepreneur et mécène passionné de foot, réussit à faire jouer Rapallo au Santiago Bernabéu.
Le Real vient de perdre en finale de C1 face à Benfica et dispute quelques matches sans enjeu avant les demi-finales de Copa del Generalísimo. La rencontre présente peu d’intérêt. Le score ? 8-0. Puskás, Santamaría, Di Stéfano sont préservés mais Vicente, Marquitos, Isidro, Tejada, Canario ou Gento sont bien présents. En face, l’effectif de Rapallo est renforcé par la présence d’un solide joueur de Serie A : Carlo Tagnin.
Dans les faits, à bientôt trente ans, Carlo Tagnin n’est plus vraiment un joueur professionnel. Il est présent au Bernabéu parmi les semi-pros de Rapallo parce que le président Bogliardi l’a invité alors qu’il purge depuis l’été 1961 une suspension pour avoir tenté de truquer le résultat d’une rencontre de championnat entre la Lazio et Bari, son club d’alors. C’est une période où la corruption et le dopage prolifèrent, alors la fédération italienne tape fort, deux ans et demi de purgatoire et six points de retrait pour Bari.
Peu de temps après le match entre le Real et Rapallo, la suspension de Tagnin est réduite d’une année et il peut donc reprendre le fil de sa carrière. Helenio Herrera se souvient alors de ce joueur dur sur l’homme, marchant sur les pieds de ses adversaires pour les empêcher de sauter sur corner. Un type capable de jouer à tous les postes défensifs, à la répartie aussi impitoyable que son marquage. A Omar Sívori, un bavard, il répond « quand la balle est à moi, elle est à moi. Quand elle est à toi, elle est aussi à moi ».
Alors il rejoint l’Inter d’Herrera pour la saison 1962-63, ne disputant qu’une rencontre. Mais dès l’exercice suivant, il devient titulaire à part entière et se constitue un palmarès extraordinaire aux côtés de joueurs légendaires. En soulevant la Coupe d’Europe 1964, a-t-il eu une pensée pour les joueurs de Rapallo et pour le président Bogliardi, une des rares personnes à lui avoir alors tendu la main deux ans plus tôt ?