Le 31 mai 1961, finale de la 6ème Coupe d'Europe des clubs champions, le FC Barcelone affronte Benfica Lisbonne.
Article paru sur Eurosport
Les grands maudits de la C1 : Les poteaux carrés du Barça
Laurent Vergne
A quitte ou double
Le 31 mai 1961, le FC Barcelone a rendez-vous avec son destin. Au Wankdorf Stadium de Berne, il affronte le Benfica Lisbonne dans une finale en forme de nouvelle ère après le joug imposé par le Real. Le club catalan joue gros. C'est le match de toute une génération et, chacun le pressent, la dernière chance de celle-ci. En Liga, le Barça a rendu sa couronne. Trois semaines après son élimination en Coupe des champions, le Real est revenu au Camp Nou pour surclasser son rival (5-3). Le Barça terminera la saison à 20 points des Madrilènes.
Surtout, la construction du Camp Nou, inauguré en 1957, a étouffé le club au plan financier. En ce printemps 1961, Kubala, Czibor et Suarez arrivent tous en fin de contrat et s'apprêtent à partir. Un an plus tard, Ramallets s'en ira à son tour, tout comme Evaristo, qui rejoindra… le Real. Faute de cash, le Barça ne peut attirer des vedettes susceptibles de compenser cette saignée. Il va entrer dans une longue période de disette. Les années 60 seront parmi les moins souriantes de son histoire, avec en tout et pour tout une Coupe du Roi et une Coupe des Villes de foire. Barcelone devra attendre 1974 pour goûter à nouveau au titre en Liga.
Cette finale de Berne, c'est donc un véritable quitte ou double. Le Benfica est une équipe qui monte en flèche. Ce n'est pas encore celle d'Eusebio. La Panthère noire, âgée de 19 ans, vient tout juste de débuter en équipe première, le 23 mai, huit jours avant la finale. Il a claqué un triplé annonciateur de son ravageur potentiel. Mais à Berne, il ne joue pas.
Composé exclusivement d'internationaux portugais, ce groupe n'en est pas moins déjà impressionnant avec, en vedette, l'avant-centre et capitaine Jose Aguas. A 30 ans, il est déjà une légende du club benfiquiste. Mais le véritable mythe se trouve sur le banc de touche. Bela Guttman, fascinant personnage et grand voyageur, né dans un empire disparu, l'Autriche-Hongrie, est un révolutionnaire au plan tactique doublé d'un redoutable meneur d'hommes.
Malgré tout, le consensus penche pour une victoire du FC Barcelone, avec sa flopée de stars, son vécu supérieur et son statut de bourreau du Real. Coincé entre deux finales légendaires (le 7-3 du Real contre Francfort en 1960 et la défaite de ce même Real face au Benfica Lisbonne, 5-3, en 1962), cet époustouflant Benfica-Barça n'a pas tout à fait la place qu'il mérite à la postérité. Mais en Catalogne, personne ne l'a oublié. Et ceux qui sont assez vieux pour l'avoir vécu se demandent aujourd'hui encore comme il a pu échapper aux Blaugrana. Ou plutôt, ils ne le savent que trop bien.
Berne, terre maudite pour les Hongrois
Ce soir-là, le Barça n'a de cesse de se tirer des balles dans le pied. Une véritable autodestruction, à l'image du but contre son camp de Ramallets. "Ils ont marqué trois buts et nous leur en avons donné deux, et l'un est totalement de ma faute. Sur le match, ils ont quatre occasions et marquent trois buts", a raconté le gardien de but dans les années 2000. Tout avait pourtant bien commencé avec l'ouverture du score de Sandor Kocsis à la 21e minute. Mais dix minutes plus tard, les Portugais marquent deux fois en 90 secondes, dont le fameux csc de Ramallets. Peu après la pause, le troisième but signé Coluna achève la bête rouge et bleue.
Le Barça aurait pourtant pu surmonter ces errements, s'il n'avait pas été victime d'une invraisemblable poisse, heurtant les poteaux à cinq reprises en seconde période, dont deux en une poignée de secondes lorsqu'une frappe de Kubala est repoussée par le montant gauche... puis le droit. Maudits poteaux… carrés. Le Barça partage ça avec l'AS Saint-Etienne, qui maudira lui aussi les poteaux carrés de l'Hampden Park contre le Bayern. "Toucher une fois le poteau, soit, mais cinq… A la fin du match, leur gardien, Alberto Pereira, est venu me voir. Il m'a dit 'Antoni, c'est le football, parfois la meilleure équipe ne gagne pas", a confié Ramallets à Sid Lowe.
De ce match, il reste pourtant un chef d'œuvre, celui de Zoltan Czibor, auteur à un quart d'heure de la fin d'un but fantastique sur une volée du gauche pleine lucarne, des 25 mètres. Un joyau en pure perte. La cruauté du scénario a quelque chose de déroutant pour les deux Hongrois, buteurs du Barça ce soir-là. Sept ans plus tôt, dans ce même Wankdorf Stadium de Berne, Czibor et Kocsis avaient perdu l'autre match de leur vie, la finale de la Coupe du monde 1954 face à la R.F.A. Sur le même score, 3-2.
Superstitieux, ils avaient choisi avant le match contre Benfica de s'habiller dans le couloir, et non dans le vestiaire. Mais rien n'y a fait. La malédiction du Barça 1961 est un fardeau plus lourd encore pour eux que pour le reste de cette magnifique équipe.
Pour le texte intégral, les photos superbes, et match complet !
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