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Feel Good Inc.

Le topic de la bonne humeur et des goods vibes... Le topic de l'amour et de la camaraderie... Un topic Sydney Govou, en quelque sorte.
Je précise, parce que je viens de relire nos échanges, que je ne fais pas allusion à l’ami Tevez quand je parle des gens qui m’accablent. Je sais que c’est inutile de le preciser mais autant dissiper tout malentendu à la racine.
C'est fabuleux comment j'ai jamais pu saquer Dostoïevski. Une histoire de mauvaise rencontre et de couteau sous la gorge au sens propre.
Message posté par NSOL
C'est fabuleux comment j'ai jamais pu saquer Dostoïevski. Une histoire de mauvaise rencontre et de couteau sous la gorge au sens propre.


Excellente phrase d'accroche.
(Après tu fais ce que tu veux hein ^^)
Message posté par Italia90
Excellente phrase d'accroche.
(Après tu fais ce que tu veux hein ^^)


L'histoire est assez longue est pas très intéressante. Je vais essayer de la rendre plus courte est plus intéressante.

Lors de ma classe prépa, j'étais en internat. La première année, c'était le proviseur qui attribuait les cothurnes. Je me retrouve avec un mec très bizarre, autant physiquement qu'intellectuellement. Le genre de mec qui le soir, avant de se coucher, alors que moi j'écoutais Jacek Kaczmarski ou les Pink Floyd, préférait le doux son de la voix d'Adolf Hitler et de Joseph Staline. Oui, ça vous pose le personnage. Très fort en maths, complètement inculte, incapable de tenir une discussion de plus de trois phrases.

Et fan de Dostoïevski. Il a passé un an à relire, pour la deuxième fois de sa vie, Les Frères Karamazov. Pendant le même temps, j'ai fini Voyage au bout de la nuit, L'Archipel du Goulag, une grosse soixantaine de San-Antonio, quelques Boris Vian/Vernon Sullivan, un livre de Jared Diamond, et cinq ou six autres bouquins. Sachant que nos temps de lecture étaient identiques, voire même supérieur pour lui... Pas un grand lecteur donc. Rien de mal à ça. Sauf qu'il se proclamait grand connaisseur de la littérature russe : il n'avait jamais lu Tolstoï ni Soljénistyne ni aucun autre auteur que Fédor. Et encore, il n'avait fait que lire deux fois Les Frères et une fois Crime & chatiments.

Un soir, je lui propose de lui prêter un Soljénitsyne puisqu'il n'en avait jamais lu. Il refuse catégoriquement. Je lui demande pourquoi. "Tu n'as pas à savoir". Certes. J'essaye d'engager une discussion littéraire, en lui demandant, si je voulais lire Dosto, ce qui était intéressant selon lui. Incapable de me répondre. Il me dit "C'est sympa". Bon. Nos discussions littéraires en restèrent là.

Et puis un jour, je lui prête un travail de philosophie qu'il n'avait pas fait, en lui demandant de le remettre dans ma pochette quand il aurait terminé pendant que j'allais regarder un match dans une autre chambre. Quand je rentre, il dort. Je ne le réveille pas. Le lendemain, nos horaires étant très différents - je me réveillais quand il partait en cours, malgré le fait que nous commencions à la même heure dans la même salle -, je n'ai pas l'occasion de lui poser la question. Je compte sur sa bonne fois.

Et puis à 10h, je me rends compte que je n'ai pas le travail de philosophie. Je lui demande. Il me dit : "je l'ai rangé dans mes affaires dans mon bureau". Je lui demande d'aller le chercher. Il refuse. Comme j'ai pas envie de me faire niquer, je pars le chercher moi. Le soir, je lui en fais la reproche et le ton monte, parce que c'était pas la première fois qu'il me faisait des trucs comme ça. Et là, y a un moment où je lui dit : "tes parents ne t'ont pas appris la politesse et le respect ?". Il n'a visiblement pas apprécié. Il a sorti son couteau de sa poche - oui, il avait H24 un couteau dans sa poche -, l'a ouvert et me l'a pointé sur ma gorge. Je me suis excusé platement, et j'ai passé une heure dans la salle de bain le temps qu'il se calme.

Depuis, à chaque fois que j'essaye de lire Dostoïevski, j'ai cette image dans la tête. Voilà comment vous dégoûter d'un excellent auteur.
Quelle histoire ! J’ai l’impression que cultiver un rapport monomaniaque avec un auteur, quel qu’il soit, est une manière de conforter sa vision du monde en évitant de la confronter. J’ai un pote qui ne relis en boucle qu’un bouquin, le Zarathoustra de Nietzsche. Ça fait des années qu’il bosse sur une traduction inédite de son cru. Je ne vois plus beaucoup parce que le type est parti trop loin ( ultracomplotiste - et pas du petit complot crédible hein, genre manipulation étatique, falsification d’informations, non lui il est à fond dans le reptilien, le reptilien sublunaire passé par l’Hermétisme, l’alchimie, la franc-maçonnerie et à présent le grand capital). Moi qui suis pourtant d’une nature plutôt sceptique et bien conscient du machiavélisme du pouvoir, je l’ai vu partir en vrille mentale en quelques années. Parce que son obsession l’a isolé, sa copine l’a quitté, il s’est brouillé avec ses parents et pas mal d’amis parce qu’il ne causait que de ça H24. J’ai passé des heures à l’écouter, à le voir s'énerver et convoquer des ennemis de plus en plus chimériques. Le problème, c’est qu’il a hypertrophié sa réflexion jusqu’à l’obsession. Et c’est devenu pavlovien, même la boulangère, si elle lui rend mal la monnaie, est suspectée.
Parfois je me dis qu’il s’est précipité dans ce gouffre, qu’il a fait de sa vie un désastre affectif, pour mieux justifier l’existence de ses démons. « Ma vie est un désastre à cause d’eux, donc vous ne pouvez pas nier leur existence ». Il y a une part de délire de persécution et une autre de psychose.

Concernant Dostoïevski, et la manière dont il traite les déviants, les brutes et les nihilistes (Stavroguine, Rogojine, Raskolnikov...), ça me semble assez judicieux de s’y conforter lorsque, pour une raison ou une autre, on se sent exclu du corps social.
Message posté par O Alegria Do Povo

Concernant Dostoïevski, et la manière dont il traite les déviants, les brutes et les nihilistes (Stavroguine, Rogojine, Raskolnikov...), ça me semble assez judicieux de s’y conforter lorsque, pour une raison ou une autre, on se sent exclu du corps social.


Et Dieu - s'il existe - sait que ce petit roquet était exclu du corps social...
Dostoïevski a été ma première réelle révélation littéraire. C'était même avant Céline pour faire original.

J'ai lu crime et châtiment en fin de seconde. Je me souviens de sortir de ce bouquin et de me jurer de ne plus "perdre de temps" avec des livres de seconde zone.
Depuis, ma vie littéraire et ma vie ont changé. Les livres m'ont sauvé, ça été le premier.
Message posté par Elcocolonel
Dostoïevski a été ma première réelle révélation littéraire. C'était même avant Céline pour faire original.

J'ai lu crime et châtiment en fin de seconde. Je me souviens de sortir de ce bouquin et de me jurer de ne plus "perdre de temps" avec des livres de seconde zone.
Depuis, ma vie littéraire et ma vie ont changé. Les livres m'ont sauvé, ça été le premier.


Sans la littérature, je serais mort ou en prison. Et je parle sérieusement. Sans la littérature, la philosophie et la musique.
(Alegria, sois gentil, envoie à NSOL l'intégrale de Dostoïevski, mais pense juste à griffonner le nom sur les couvertures. Dommage de passer à côté pour si peu hein)

Drôle d'histoire...j'imagine l'ambiance pour le reste de l'année.
Par contre si qqc peut m'expliquer le sens du mot "cothurne", je suis preneur, merci
Italia, tu plaisantes mais je pense que l’ami NSOL pourrait vraiment être touché par L’Idiot. Au delà du fait que c’est un immense roman, le couple formé par Mychkine et Rogojine a l’air d’avoir pas mal de point commun avec l’histoire qu’il a vécu.

En tous cas, si un jour l’envie te prend, NSOL, d’aller vers Dostoïevski, démarrer par L’Idiot pourrait être une belle façon de te réconcilier avec tes souvenirs.
Il y a un passage extraordinaire dans l'Idiot au sujet de la difficulté qu'éprouve Dosto à écrire les personnages banals.

Il y en a aussi deux autres où Lebedeff se met à parler du lien entre Apocalypse et système ferroviaire...
Message posté par O Alegria Do Povo
Italia, tu plaisantes mais je pense que l’ami NSOL pourrait vraiment être touché par L’Idiot. Au delà du fait que c’est un immense roman, le couple formé par Mychkine et Rogojine a l’air d’avoir pas mal de point commun avec l’histoire qu’il a vécu.

En tous cas, si un jour l’envie te prend, NSOL, d’aller vers Dostoïevski, démarrer par L’Idiot pourrait être une belle façon de te réconcilier avec tes souvenirs.


Je prends le conseil pour moi, car je n'ai jamais lu cet auteur et "L'Idiot" est un des mes albums favoris, ce qui est peut-être un signe.
Bien sûr, il faut que je lise Dostoïevski. Mais pas maintenant. Le souvenir est encore trop frais. Et les livres que j'ai acheté et pas encore lus trop importants.
Immense album, The Idiot. Celui qui fera dire bien maladroitement à Johnny Thunders qu’Iggy était devenu la pute de Bowie. Tellement d’histoires autour de cet album, le matos « emprunté » à Thin Lizzy pendant les sessions berlinoises (jusqu’à la basse de Lynott !), le riff de Sister Midnight que Bowie a refusé pour Red Money et que Phil Palmer « vole » à Alomar, China Girl qui est une tentative de drague avortée d’Iggy pour séduire la nana d’Higelin, les collages kraftwerkiens de Laurent Thibault sur Mass Production et tout son boulot derrière la console éclipsé par l’ombre de Bowie, les trouvailles rythmiques géniales de Santangelli qui ne sera même pas crédité au final... Cet album est frappé du sceau du vol, de l’amoralité mais surtout d’une sorte de légitimité arrachée à bout de bras.

Et puis des bijoux à la pelle, Sister Midnight, Nightclubbing, Funtime, la seule et vraie version de China Girl... et puis l’apocalypse de Mass Production, qui selon la légende tournait encore sur la platine quand on a découvert le cadavre d’Ian Curtis...
Moi c’est Sister Ray. En revanche je me félicite de ne jamais avoir touché Sister Morphine.
Message posté par O Alegria Do Povo
Immense album, The Idiot. Celui qui fera dire bien maladroitement à Johnny Thunders qu’Iggy était devenu la pute de Bowie. Tellement d’histoires autour de cet album, le matos « emprunté » à Thin Lizzy pendant les sessions berlinoises (jusqu’à la basse de Lynott !), le riff de Sister Midnight que Bowie a refusé pour Red Money et que Phil Palmer « vole » à Alomar, China Girl qui est une tentative de drague avortée d’Iggy pour séduire la nana d’Higelin, les collages kraftwerkiens de Laurent Thibault sur Mass Production et tout son boulot derrière la console éclipsé par l’ombre de Bowie, les trouvailles rythmiques géniales de Santangelli qui ne sera même pas crédité au final... Cet album est frappé du sceau du vol, de l’amoralité mais surtout d’une sorte de légitimité arrachée à bout de bras.

Et puis des bijoux à la pelle, Sister Midnight, Nightclubbing, Funtime, la seule et vraie version de China Girl... et puis l’apocalypse de Mass Production, qui selon la légende tournait encore sur la platine quand on a découvert le cadavre d’Ian Curtis...


Merci pour l'anecdote sur le matos de Lizzy, je ne savais pas.
(Peut-on d'ailleurs leur en vouloir là-dessus ? Avant que TL fasse un disque comme ceux que les deux néo-Berlinois ont fait ensemble, y' marge, non ?)

Mais les huit chansons de ce manifeste nocturne sont superbes, même des chansons à premières vues secondaires comme Baby (ma fétiche, peut-être) ou Tiny Girls sont d'un niveau exceptionnel. Quant à Dum Dum Boys et son riff...

Je viens de percuter, le Phil Palmer en question, c'est le même qui faisait office de second guitariste pendant la tournée 91-92 de Dire Straits ?
Rayon amoral / vol, évidemment, le fait que Bowie sorte en son premier son "Low" alors que "The Idiot" était déjà prêt...mais apparemment Iggy ne lui en a pas voulu là-dessus, conscient de ce qu'il lui devait...

Alegria, je rebondis sur "sessions Berlinoises" dans ton commentaire, les deux étant arrivés à Berlin en octobre ou novembre 76, il y a donc eu des sessions pour l'album d'Iggy ensuite ? Je le pensais complété à Paris avant leur exode, et qu'ensuite il ne restait que le mixage, réalisé par Visconti (qui s'était pris le chou avec Thibault, paraît-il, donc à Paris probablement)
The Idiot est indétrônable.
Mais c'est dur de passer après Lust for Life. Je dis pas que Lust est mieux, mais je le trouve bien moins Bowiesque et plus Iggy dans l'âme, un vrai album de reptile, d'iguane.
Italia, oui c’est bien ce Phil Palmer (le neveu des frangins Davies).

Concernant l’enregistrement de l’album, c’est compliqué car il y eut une première session au château d’Herouville, avec notamment Thibault à la basse et au mixage et Santangeli à la batterie, puis une autre au Musicland de Munich où Phil Palmer rentre dans la danse, réécrivant le solo d’Alomar que Bowie avait utilisé sur l’ouverture de Sister Midnight et tapant au passage la basse de Lynott (TL enregistrait Johnny The Fox pendant la journée). Ensuite, troisième session à Berlin aux Hansa Studios, sans Thibault qui retourna à Hérouville (il était directeur du château, où il enregistra entre autres T.Rex, Hawkwind, Higelin, Bad Company, Marvin Gaye, Sweet...) mais avec Visconti-Bowie derrière les manettes, qui reprennent tout le mix hors Sister Midnight et Mass Production qui resteront les créatures du créateur de Magma.

J’avais chopé ça dans Open up and Bleed de Paul Trynka il me semble, mais impossible de remettre la main’ dessus. Un petit blog qui résume un peu le bordel :

http://idiotlust.blogspot.com/2008/01/


Ah oui je comprends la méprise, j’ai dit berlinoises alors que c’était à Munich, my bad !
"Il lui semblait être un cavalier qui chevauche dans un vide superbe, un vide sans épouse, sans enfant, sans ménage, un vide superbe balayé par le balai d'Hercule, un vide superbe qu'il emplirait de son amour.

L'un sur l'autre, ils chevauchaient tous deux. Ils allaient tous deux vers des lointains qu'ils désiraient. Ils s'étourdissaient tous deux d'une trahison qui les délivrait. Franz chevauchait Sabina et trahissait sa femme, Sabina chevauchait Franz et trahisait Franz."

Milan Kundera, in "L'insoutenable légèreté de l'être"


Ce passage est absolument splendide. Comme tout le roman, poème en prose sur quatre cent pages de papier doux et soyeux. Doux et soyeux comme les mots, la pureté de la langue et des lettres. Quelle œuvre. Splendide.
2 semaines que je déserte le site en raison d'une actualité personnelle chargée. Et il suffit de poser quelques messages sur le forums pour que ça me mette le smile. Ça fait du bien de revenir ici avec vous les potos.
Le fofo reste un excellent exutoire.
Après une coupure (comme moi pour les clémentines), tu apprécies le truc.
Ah oui j'avais remarqué qu'on ne te voyais plus pendant un certain temps ! Tu es producteur ?

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