Je me rends compte que ce topic est curieusement laissé à l'abandon. Aussi je me permets de le recycler comme aide-mémoire ; celle de votre serviteur, la trentaine déclinante, commence à sérieusement s’essouffler.
Ici je compte faire l’inventaire de tous les "arguments" commis par quelques anencéphales qui trouvent le moyen de défendre qu'on joue au football sur les corps de milliers d'ouvriers, esclaves décédés dans leur condition, encore songeurs, le rêve chimérique d'un affranchissement impossible, celui de revoir leur famille laissée au pays, pas encore veuve, pas encore orpheline.
Avez-vous déjà eu soif ? Je parle de la véritable Soif... Pas celle qui vous prend au sortir d'un after-work arrosé avec vos collègues un peu pénibles - on y va en traînant - et quelques verres qui assèchent un peu le palais.
Pas la soif des lendemains de cuite, celle qui vrille déjà la cervelle, avant qu'on comprenne son origine.
Non je ne pense pas que vous ayez connu la véritable soif. Votre corps vous la refuserait instantanément. Un prof de physiologie nous disait : "Si un jour vous avez vraiment soif, plus rien au monde ne comptera, vous pourrez tuer pour une gorgée”.
Facile (ou pas) à comprendre : une infime variation de l'osmolalité dans le sang, les cellules de votre cerveau suivent la loi de Fick, la barrière hémato-encéphalique comme membrane semi-perméable. Imaginez : votre cerveau se ratatine dans la boîte crânienne comme l’eau des neurones fuit vers le milieu extra-cellulaire, ça tire à fond sur les méninges.
Bien sûr il aime pas ça ! C’est dangereux, ça va péter, confusion, torpeur, coma, convulsion, mort !
Alors il faut boire, envoie le signal, assèche la bouche au max, retient l’eau qui fuit !
Mais pour ça, il faut avoir accès à l’eau.
Il faut pas trainer en plein cagnard, à 50 degrés, seize heures par jour, sept jour sur sept. C’est pas bon pour l’osmolalité.
On imagine pas quel trésor ce peut être, nous, occidentaux gâtés par la naissance, n’avons qu’à tourner le robinet, un geste qu’on fait chaque jour depuis gosse.
Allez dans un pays du Golfe, voir à quoi ça ressemble, d’avoir soif, et de pas avoir d’eau.
Sans transition deux “arguments” des benêts en question :
Argument teubé n°1 : L’attribution c’était en 2010 et on a rien dit ! Il fallait se réveiller à ce moment-là ! Deux mois c’est trop tard
C’est quelque chose que je vais dire souvent mais
a t-on vu plus supide que cet argument là ? . Immondice hélas très à la mode, surtout chez quelques “journalistes” sportifs dont on est en droit d’interroger la déontologie, eux qui devraient être les premiers à lancer l’alerte. Cet argument est déjà fallacieux dans sa prémisse “On a rien dit en 2010”. Pardon ? On a vraiment rien dit en 2010 ?
3 décembre 2010 : le lendemain de l’attribution.
Libé :
https://www.liberation.fr/sports/2010/1 … 22_698143/
Mister Obama :
https://www.tf1.fr/tf1/telefoot/news/ba … 30389.html
Tiens le Conseil de l’Europe, ici en 2015, carrément ?
https://www.lefigaro.fr/sports/football … tar-747294
Mais ce qui ne va pas dans cet argument c’est… la logique interne de cet argument. Parce qu’il serait “trop tard” pour dénoncer un crime, il ne faudrait pas le dénoncer ? Et ici, même si le crime en question a déjà été commis (écocide sans précédent, meurtre de milliers d’ouvriers, conditions d’esclavagisme, corruption avérée), on peut tout au moins faire en sorte qu’il ne se reproduise pas ? Quel meilleur moyen que de ne pas donner son aval, sa validation, en refusant de regarder un spectacle morbide ? C’est de la prévention, c’est le sens d’un boycott : on ne veut plus de cela.
Argument teubé n°2 : Alors il fallait boycotter aussi la Coupe du Monde en 2018, en Russie, en 1978, en Argentine
Cet argument est hélas très répandu, à rentrer dans la catégorie “appel à la tradition”, avec un petit bonus “homme de paille raciste” : “on a déjà fait ça par le passé, pourquoi se plaindre aujourd’hui, parce que c’est des arabes ?”
Cet argument serait valable si les deux événements se déroulaient dans la même temporalité : imaginez si la CDM dans l’Argentine de Videla devait commencer en novembre 2022, et que dire d’une Coupe du Monde qui débuterait dans deux mois en Russie ? C’est inimaginable, n’est-ce pas ?
errare humanum est, perseverare diabolicum
Oui, l’erreur est humaine. Dans le passé (et parfois aujourd’hui) : guerre, torture, sexisme, violence. Rien n’oblige à persévérer dans ces comportements indignes. Nous sommes dans une période où les paroles se libèrent. Dans certaines sociétés, les homos peuvent marcher dans la rue. Même certains joueurs noirs n’entendent pas de cris de singe à chaque fois qu’ils entrent dans un stade. Ce qu’on a pas fait par le passé, on peut le faire aujourd’hui. Et même on a de moins en moins d’excuses pour ne pas le faire.
Messieurs, c’est vous qui passez le balai désormais.
Les erreurs du passé n’excusent pas les erreurs à venir.
Là encore, dans cet
argument teubé n°2 (fallacieux dans sa logique comme on vient de le voir), les prémisses ne vont pas. L’Argentine, la Russie, étaient des pays de football au moment de l’attribution. Quand un pays organise la Coupe du Monde, c’est aussi son apport culturel au football qu’on scrute. Que signifie le football dans la culture Qatari ? Réponse : l’argent, le soft-power. C’est tout. C’est triste. Et puis, ce n’est pas simplement une question de popularité, mais aussi de logistique. Cette Coupe du Monde est le symbole de toutes les dérives du football, celles qu’on ne veut plus voir, à moins de souffrir d’anesthésie affective et de discordances cognitives sévères.
Je complèterai cette liste des “arguments teubés” à l’avenir, je sais qu’il y en a encore pas mal, bien sûr si vous voulez compléter ne vous gênez pas.