Message posté par Coco ArribasJ'ai reçu un mail à ce propos d'ailleurs. Après c'est que le début.
Est-ce que l'Etat va être condamné à faire plus ? Ou va-t-on juste rester sur cet euro symbolique ?
De ce que j'ai compris ça ouvre surtout la porte aux victimes du changement climatique qui pourrait demander réparation à l'Etat.
L'analyse du jugement par le cabinet Gossement (pas le meilleur en matière de Droit de l'Environnement mais on fera avec) :
Le juge devait répondre à 2 questions : Pour le passé: l'Etat a-t-il commis une faute l'obligeant à réparer le préjudice moral des associations et le préjudice écologique. Pour le futur : le juge doit-il enjoindre l'Etat d'agir pour faire cesser ce préjudice écologique ?
A l'arrivée : le juge condamne l'Etat à réparer le seul préjudice moral des requérantes à hauteur d'1 euro, rejette la demande de réparation du préjudice écologique et se donne 2 mois de plus pour statuer sur la question de l'injonction.
Il s'agit d'un jugement "avant-dire droit" : le jugement définitif sera rendu après ce supplément d'instruction de 2 mois. Il faut d'attendre ce 2ème jugement pour savoir s'il sera "historique". Il faut surtout attendre la décision du Conseil_Etat dans l’affaire "Grande-Synthe"
Précision : c'est la 1ère fois que la question de la responsabilité de l'Etat dans la lutte contre le changement climatique était posée au juge. Mais ce juge s'est déjà prononcé plusieurs fois sur la légalité des décisions de l'Etat au regard de l'objectif climatique.
Sur le fond : le TA commence tout d'abord par constater l'existence d'un préjudice écologique. Il se réfère aux nombreux rapports scientifiques qui font état des dommages à l'environnement déjà causés par ce changement climatique. Reste à savoir si l'Etat en est responsable
Le préjudice écologique existe : reste à savoir si l'Etat a commis une faute à l'origine de ce préjudice. Ici le juge commence par constater que l'Etat a lui même admis avoir une "obligation générale de lutte contre le changement climatique" A-t-il exécuté cette obligation ?
Pour le juge, si la carence de l'Etat est certaine : elle n'est qu'en partie à l'origine du préjudice écologique. Ainsi, en matière d'efficacité énergétique : la carence de l'Etat n'a pas contribué directement à l'aggravation du préjudice écologique.
En matière d'énergies renouvelables : les objectifs n'ont pas été atteints mais la carence de l'Etat n'a pas contribué directement à l'aggravation du préjudice écologique (surprenant !)
S'agissant de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le TA reprend le raisonnement du Conseil d’Etat : l'Etat ne respecte pas la trajectoire qu'il s'est lui-même fixé pour parvenir à l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
S'agissant des objectifs pris par les Etats (dont la France) pour limiter le réchauffement à 1,5° C comme le prévoit le droit international : pas d'insuffisance démontrée donc pas de faute de ce point de vue.
L'Etat n'a pas non plus commis de faute en matière d’évaluation et de suivi et des mesures d’adaptation.
En définitive, la seule faute de l'Etat, comme le Conseil d’Etat l'a déjà suggéré, consiste à n'avoir pas respecté la trajectoire qu'il s'était fixée en méconnaissant son budget carbone. Il n'est donc responsable que d'une partie du préjudice écologique constaté.
Rappel : 2 questions :
Pour le passé : l'Etat doit il réparer le préjudice écologique déjà réalisé à hauteur de sa responsabilité ?
Pour l'avenir : le juge doit-il l'enjoindre à agir ?
Pour le passé : le juge rejette la demande de réparation du préjudice écologique car la demande des associations était mal présentée : il faut d'abord demander une réparation en nature et un euro n'est bien sûr pas à la hauteur de l'enjeu.
C'est évidemment le point le plus décevant du jugement : l'Etat a commis une faute assez minime (budget carbone), n'a pas commis de faute en matière d'ENR et d'efficacité + la demande de réparation du préjudice écologique (le + important) est purement et simplement rejetée.
Pas de réparation du préjudice écologique mais une réparation pour 1 euro symbolique du préjudice moral des associations déclarées recevables. Préjudice moral : effort des associations pour défendre un intérêt collectif.
Reste que le plus important est à venir : le juge administratif doit encore se prononcer par un jugement définitif sur la question de l'avenir : doit-il enjoindre à l'Etat de prendre des mesures pour faire cesser le préjudice écologique ?
Il faut insister sur ce point: ce jugement est un jugement "avant-dire droit" : il faut attendre de lire le jugement définitif qui sera rendu dans un peu plus de 2 mois pour savoir s'il est ou non "historique" Et, en réalité, ce contentieux suit le contentieux "Grande-Synthe".
Pour l'avenir : le TA ordonne un supplément d'instruction de 2 mois pour communiquer à toutes les parties les dernières écritures du ministère de l'écologie et statuer sur la demande tendant à ce que le juge enjoigne, pour l'avenir, l'Etat à prendre des mesures.
A l'arrivée, il est difficile de se réjouir d'un jugement qui n'admet qu'une faute assez minime de l'Etat et rejette intégralement la demande de réparation du préjudice écologique tout en limitant la réparation du préudice moral à un euro. Mais l'affaire du siècle n'est pas terminée : il faut surtout attendre les décisions définitives dans les dossiers "Grande-Synthe" et ADS pour en faire une appréciation définitive.