Bon bah voilà ! Avant dire des conneries, je voudrais dire, qu’un de mes premiers émois au cinéma, un des derniers aussi, Jacques Rozier, est parti compter fleurette ailleurs, depuis quelques mois déjà, et on ne l’a plus revu.
Louis Rego, Yves Alfonso, Pierre Richard étaient différents avec lui, parce qu’il faisait de grands petits films gais et spontanés, toujours à part. Bernard Menez en devenait drôle, même planté de longues minutes sur une barque à marée montante. Ou peut-être le contraire, j’ai oublié. C’est loin tout ça.
Je ne me suis jamais ennuyé et quelques fois bien marré, moi aussi, embarqué dans son cinéma nouvelle vague qu’il faisait un peu comme il vivait, au hasard Balthazar.
Donc, puisqu’il en est ainsi… jouxtant J. Rozier, dans les r d’un abécédaire libertaire, Alexandre Rockwel : Plein de fantaisies, de plans astucieux, de petits jeux de mise en scène avec des acteurs sympas comme Jennifer Beals, Steeve Benuscemi, Seymour Cassel, par exemple, pour faire In The Soup.
Et aussi le tragique Sweet Things qui est bien sympa aussi, avec une bande son que tout le monde reconnaît, très sympa, et aussi avec d’autres acteurs sympas aussi.
Comme tout ça est sympathique, n’est-ce pas ?
On n’en demande pas tant.
Et non, c’est dramatique.
Dans cet abécédaire éphémère, car les r sont en l’air, plus bas au w : Brooklyn Boogie de Wayne Wang, avec Lou Reed, Jim Jarmush, et pleins d’acteurs formidables réunis au centre d’un bureau de tabac, dans lequel Lou Reed parle de Lou Reed, Jim Jarmush de cinéma et de cigarettes, les autres de tout et de rien, ou de Brooklyn, comme dans un vrai bureau de tabac de Brooklyn où je n’ai jamais mis les pieds. Mais voilà, j’imagine que c’est à peine exagéré, dans un bordel totalement improvisé ou pas, c’est de la bonne humeur en tout cas.
Et toujours accroupi aux pieds du w, le tentant In The Family de Patrick Wang. Un film sans musique, ou presque, juste un air a capella dans le noir, furtif, et une chanson de Chip Taylor qui n’apparaît qu’à la 120e minute environ, pour ne plus revenir. Et ça fait du bien quand ça s’arrête ; même dans un récit de presque trois heures. Avec de l’émotion pourtant, presque tout le temps, et sans cette musique qui devient souvent un support un peu trop facile et excessif au cinéma, et auquel on ne s’habitue pas forcément. Des poncifs…
Pour être honnête, Patrick Wang n’y échappe pas, c’est sûr. Mais autrement, il ne s’appelle pas Comme-ça, mais Autrement, et oui, il s’appelle comme-ça (désolé, c’est naze !) et il n’a peur de rien. La preuve : au centre de ce calme contemplatif règne la présence d’un enfant (précoce ?) qui pourrait être difficile, mais qui ne l’est pas, bien au contraire.
Et un autre en douceur : Les Secrets des Autres, toujours sans musique, merci Patrick Wang, dans lequel il ne joue pas, pas même de la mandoline, alors que dans l’autre si, mais pas de la mandoline, ce qui ne l’empêche pas de refaire le coucou, de s’immerger dans une famille en nous offrant quelques surimpressions, des incursions mentales, parfois troublantes, de l’art brut, et un vrai fleuve pour un film qui est beaucoup plus court que le précédent.
Les cuisines familiales de Patrick W., elles sont filmées à la manière de... ?
Ozu ?
Chantal Akerman ?
Hou Hsiao-Hsien ?
Peu importe, de toute façon, depuis 300 000 ans, forcément, on radote.
Et juste parce que j’y repense, quatre films à Lisbonne :
Eugène Green « La religieuse Portugaise » ; Manuel de oliveira « Singularité d’une jeune fille blonde » ; Andrzej Jakimowski « Imagine » ; Win Wenders « Lisbonne Story ».
« Imagine » est un peu… grand public. Voilà c’est dit.
