Message posté par Alain ProvisteFocus sur Cruzeiro
Je voulais faire un petit point sur la lutte pour le maintien dans le Brasileirão car trois grands clubs étaient menacés de relégation. En battant respectivement Chapecoense (malheureusement condamné avec cette défaite) et Palmeiras en milieu de semaine, Botafogo et Fluminense ont fait un grand pas vers le maintien.
Mais si les deux clubs cariocas sont presque sauvés, un autre club historique est aujourd'hui en grand danger : Cruzeiro. Jeudi soir, la Raposa a perdu le match à ne pas perdre (0-1) au Mineirão face au modeste CS Alagoano (pourtant quasiment assuré de descendre), malgré une domination de tous les instants : 21 tirs à 5, 73% de possession, un penalty manqué de Thiago Neves... Résultat des courses, les joueurs de Belo Horizonte sont aujourd'hui 17e et premiers relégables, à un point du 16e Ceara, et avec un calendrier très compliqué pour les trois dernières journées: déplacements à Vasco et Grêmio, puis réception de Palmeiras. On a connu plus simple...
En Europe, Cruzeiro est sans doute un peu moins connu et médiatisé que les grands clubs paulistas et cariocas, pourtant on parle d'un club majeur du foot brésilien et sud-américain, quadruple champion du Brésil et double vainqueur de la Libertadores (+ 2 finales perdues) ! Si le club a connu une nouvelle période de succès à partir du milieu des 90's, puis dans les années 2000 et la première moitié des années 2010, avec plusieurs joueurs révélés (Ronaldo, Maicon, Dida, Fred, Ramires, Alex, Cris...) ou confirmés (Sorin), pour moi le véritable âge d'or de Cruzeiro, ce sont les années 60-70 avec deux générations dorées successives (et quelques joueurs faisant le lien entre les deux).
Deux générations qui ont chacune connu une apothéose. Pour la première, c'est la Taça Brasil 66 (qui décernait le titre de champion du Brésil avant la création du Brasileirão) avec cette finale légendaire contre le Santos de Pelé, écrasé 6-2 à l'aller ! Une équipe où évoluaient, aux côtés des attaquants Natal, Evaldo et Hilton Oliveira, trois des principales idoles de Cruzeiro : le milieu défensif Wilson Piazza (champion du monde 70 mais en défense centrale) et surtout les deux plus grands joueurs de l'histoire du club, Tostão et Dirceu Lopes. Et pour la seconde, il s'agit de la Libertadores 76 remportée contre River (avant une nouvelle finale de Libertadores en 77, cette fois perdue face à Boca). Tostão a alors pris sa retraite prématurément à cause de ses pb à l'oeil, Dirceu Lopes est sérieusement blessé mais Piazza, lui, est toujours là. Et à ses côtés, les stars de ce Cruzeiro 76 sont le latéral droit Nelinho, le milieu Zé Carlos et le trio d'attaquants Joãozinho-Jairzinho-Palhinha.
Je conclurai ce post avec mes portraits maison de deux joueurs emblématiques de cet âge d'or de Cruzeiro : non pas Tostão et Jairzinho, que tout le monde connait déjà, mais Dirceu Lopes et Nelinho.
-DIRCEU LOPES
30 novembre 1966 : près de 80 000 torcedores de Cruzeiro garnissent les tribunes du Mineirão pour la finale aller de la Taça Brasil (ancêtre du Brasileirão) contre Santos. Quintuple champion en titre, le Peixe règne alors sans partage sur le Brésil et domine le foot sud-américain des 60's avec Peñarol. Ce soir-là pourtant, les Pelé, Pepe, Carlos Alberto, Mauros Ramos et autres Zito vont subir leur pire déroute, surclassés par un Cruzeiro injouable : 5-0 à la pause, 6-2 au coup de sifflet final ! Au sein de cette "máquina azul" pilonnant les buts de Gilmar, deux hommes, âgés respectivement de 19 et 20 ans, crèvent l'écran : Tostão, le futur cerveau du Brésil 70, et un petit meneur de jeu d'1,63 m, Dirceu Lopes, auteur d'un triplé. Les deux joueurs, qui formeront entre 1965 et 1972 l'un des plus beaux duos de l'histoire du football brésilien, éclaboussent la rencontre de toute leur classe et confirment une semaine plus tard au retour, inscrivant chacun un but lors la seconde victoire de la Raposa (3-2), synonyme de premier titre de champion du Brésil pour le club de Belo Horizonte. Véritable artiste, Dirceu Lopes s'affirme alors comme un futur crack du football auriverde : dribbleur exceptionnel et magnifique technicien, il possède, selon la presse de l'époque, « le sang-froid des buteurs et la vision du jeu des créateurs ». Une palette complète qui lui permet d'être aussi à l'aise devant qu'au milieu du terrain – en attestent ses 224 buts marqués sous le maillot celeste (2e buteur de l'histoire du club derrière... Tostão). Le bien nommé "Principe do Futebol" sera de presque tous les succès de Cruzeiro : outre la Taça Brasil 1966, il remporte neuf championnats du Minas Gerais (dont cinq consécutifs de 1965 à 1969) et cumule les honneurs individuels, comme la ''Bola de Ouro'' 1971 (désignant le meilleur joueur du championnat du Brésil). En revanche, il manquera la Copa Libertadores victorieuse de 1976, victime d'une rupture du tendon d’Achille quelques mois plus tôt. Mais la vraie blessure de sa carrière restera son absence du Mondial 1970. International depuis 1967, Dirceu Lopes devait certes faire face à une concurrence jamais vue à son poste, le Brésil disposant de plusieurs n°10 de classe mondiale : son coéquipier Tostão mais aussi Pelé, Rivelino, Gerson ou encore Ademir da Guia (lui aussi absent au Mexique). Néanmoins, il était régulièrement convoqué lors des matchs précédant la Coupe du monde et jouissait surtout du soutien du sélectionneur João Saldanha, l'un de ses fans notoires. Malheureusement, l'éviction, à quelques mois du tournoi, du charismatique militant communiste sonna le glas des espérances de Dirceu Lopes. Mario Zagallo, contrairement à Saldanha, accéda en effet aux demandes du dictateur Médici et lui préféra le buteur de l'Atletico Mineiro, Dada Maravilha, pourtant infiniment moins talentueux. L'Histoire ne retenant que les vainqueurs, il convenait de rappeler comment, en 1970, la Seleçao s'était privée de celui que Garrincha qualifiait alors de « meilleur joueur du monde ».
-NELINHO
Latéral droit de la Seleçao lors des Mondiaux 1974 (en alternance avec Zé Maria) et 1978, Nelinho fut l'un des meilleurs spécialistes sud-américains du poste dans les 70's. Doté d'une belle qualité technique et excellent dans ses projections offensives, il était surtout réputé pour son extraordinaire frappe de balle, aussi bien dans le jeu que sur coup franc. Son sublime extérieur du droit dans un angle impossible, qui trouva le petit filet d'un Dino Zoff médusé, lors de Brésil-Italie 1978, reste encore aujourd'hui considéré comme l'un des plus beaux buts de l'histoire des Coupes du monde ! Un but à la trajectoire aussi folle que celle d'un certain Roberto Carlos deux décennies plus tard... En club, si Nelinho a également porté le maillot du grand rival de Belo Horizonte, l'Atletico Mineiro, dans les années 80, il fut surtout le joueur emblématique du grand Cruzeiro du milieu des 70's. Dix ans après la fameuse équipe des Tostão, Dirceu Lopes et Piazza, championne du Brésil face à Santos, Cruzeiro va ainsi écrire l'une des plus belles pages de son histoire en 1976, remportant sa première Copa Libertadores contre River Plate en finale. Avec l’avant-centre Palhinha et l’ailier gauche Joãozinho, Nelinho est l'un des grands bonhommes de cette triple confrontation face au Millonarios en inscrivant deux buts. La Raposa manquera de très peu la passe de deux l’année suivante, ne s'inclinant qu'aux tirs aux buts face à Boca, en match d'appui de la finale de Libertadores 1977 - avec encore un but de Nelinho lors de la finale retour. Pas étonnant que ce dernier ait glané quatre "Bolas de Prata" (récompensant le meilleur joueur brésilien de la saison à chaque poste) entre 1975 et 1983... Et encore moins qu'il soit aujourd'hui considéré comme le meilleur latéral de l'histoire à la fois de Cruzeiro et de l'Atletico Mineiro, réussissant la prouesse plutôt rare de réunir les deux grands rivaux du Minas Gerais.
Merci de rendre hommage à un immense club brésilien. Un stade mythique et un de mes préférés, le Gigante da Pampulha. Un club avec qui on a travaillé et eu plusieurs années sous contrat, la dernière période remontant à 2012-2016. J'ai encore quelques contacts là bas et j'avoue que déjà en 2016, à la fin de la collaboration professionnelle, il se murmurait des choses pas très reluisantes. Et on avait galéré à se faire payer nos prestations de la saison écoulée.