- Incendies en Australie
Florin Bérenguer : « À Melbourne, ça fait quatre jours que tout est gris »
Attisés par la sécheresse, le vent et des températures extrêmes, les incendies qui ravagent actuellement l’Australie ont déjà détruit plus de 8,4 millions d’hectares (d'après une étude conjointe du WWF et d'un chercheur de l'université de Sydney). Selon un dernier bilan, au moins 24 personnes sont décédées, il y a 100 000 déplacés et 1,25 milliard d’animaux ont péri. Passé par Dijon et Sochaux, Florin Bérenguer joue milieu de terrain à Melbourne City depuis l'été 2018. Le Français raconte la catastrophe naturelle en Australie vue de l’intérieur.
Tu joues à Melbourne City depuis un an et demi. Melbourne est à plusieurs centaines de kilomètres des feux les plus impressionnants qui ravagent le pays, mais est-ce que tu as vu des incendies près de chez toi ?Je vis dans la périphérie de Melbourne, à vingt kilomètres du centre de la ville. Il y a une semaine, un feu s’est déclenché à deux kilomètres de ma maison, dans un parc. Il y a une enquête en cours, car il pourrait avoir été déclenché délibérément. Ça part vite. Le petit feu a été stoppé au bout de deux jours, plus de peur que de mal. Rien à voir avec le gros feu qui a démarré au sud de Sydney il y a au moins deux mois, et qui a nécessité l’évacuation d’habitations. (Au total, dans tout le pays, des dizaines de milliers d’Australiens ont dû évacuer leur domicile, N.D.L.R.)
C’est un sujet dans l’actualité depuis quelques jours en France, mais les feux (qui ont ravagé une superficie supérieure à la taille de la Suisse) ont démarré il y a plusieurs mois. Depuis combien de temps, c’est un sujet qui inquiète en Australie ?
On en parle beaucoup plus en ce moment à Melbourne parce qu’il y a eu ce feu qui s’est déclaré dans la région à quatre heures d’ici. De ce que j’ai compris, en discutant avec un parent à l’école de ma fille, le feu qui a démarré dans l’État de New South Wales et celui dans l’État de Victoria (celui de Melbourne) se sont réunis. J’ai demandé si ça faisait du bien qu’il ait plu ici un peu pendant deux jours, mais on m’a expliqué qu’il faudrait au moins une semaine de pluie consécutive pour calmer les feux.
Depuis quelques jours, une fumée s’est installée dans l’air de Melbourne. Tu la ressens chez toi ?
Il y a quelques jours, j’ai rallumé le chauffage parce que la température était redescendue à 15 degrés dans la nuit, il avait un peu plu les jours précédents – les maisons sont en bois, elles ne sont pas isolées comme en France. En sentant l’odeur de la fumée en me levant le matin, je pensais que c’était le système de chauffage qui n’avait pas tourné pendant quelque temps qui ne sentait pas très bon, et en sortant pour aller à l’entraînement, j’ai senti qu’en fait l’odeur venait de l’extérieur. C’est comme « un barbecue » . Une odeur un peu de cramé, car la pluie a dégagé beaucoup plus de fumée, et avec le vent, toute cette fumée voyage. J’ai même lu que les nuages de fumée avaient atteint l’Amérique du Sud. On m’a expliqué que c’est comme si tu envoyais de l’eau sur tes charbons chauds après un barbecue.
Des fumées des incendies australiens ont atteint hier le sud du Brésil, après l’Argentine et le Chili, selon l’Institut brésilien de recherches spatiales #AFP pic.twitter.com/hypYtev1gY
— Agence France-Presse (@afpfr) January 8, 2020
Et aujourd’hui ?Au centre d’entraînement et chez moi, aujourd’hui, il n’y a plus trop d’odeur, en revanche, ça fait trois jours qu’il y a toujours cette fumée blanche. En temps normal, sur la route, on voit très bien les immeubles de Melbourne au loin, là, on ne voit rien, on est sous la fumée. Ça fait quatre jours que tout est gris.
Qu’est-ce que ça change dans ton quotidien ?Pour le moment, rien. On continue de s’entraîner comme d’habitude. À Melbourne, on n’est pas trop affectés. En revanche, à Sydney, j’ai lu que des matchs ont été arrêtés à cause de la qualité de l’air qui n’était pas assez bonne. (Selon le World Air Quality Index, l’indice est globalement modéré à Melbourne, mais considéré comme dangereux à Sydney, N.D.L.R.)
Tu as vu des images qui t’ont affecté ?
Bien sûr. Toutes ces habitations qui brûlent… Il y a eu des pertes de vies humaines. (Au moins 24 morts et plusieurs disparus selon un dernier bilan, N.D.L.R.) Ça fait aussi de la peine pour toutes les bêtes et toutes les forêts et ça me touche parce que mes filles adorent les animaux. Il y a le koala, déjà en voie de disparition, qui est un animal qui se réfugie dans les arbres quand il y a le feu. Sauf qu’après, l’arbre va prendre feu. Et ce n’est pas fini. La saison d’été a démarré le 1er décembre et les mois les plus chauds sont janvier-février… Les températures extrêmes et le vent n’aident pas les pompiers.
Est-ce que cette catastrophe naturelle qui est visible pour toi et tes coéquipiers devient un sujet de discussion plus global sur le changement climatique avec eux ?
Bon, je suis parti de zéro en anglais quand je suis arrivé en Australie il y a un an et demi, donc c’est encore compliqué d’avoir des discussions poussées. Je pense que tout le monde est conscient du changement climatique. Après, est-ce qu’on fait les bonnes choses pour améliorer tout ça ? Personnellement, même si on agit à notre échelle, je considère qu’il y a des gros groupes industriels qui polluent et qui tuent beaucoup plus l’environnement que le simple individu chez lui. Avant que ça n’arrive en Australie, et que je vois ça de près, c’était la forêt amazonienne qui brûlait ou les inondations dans le sud de la France il y a quelques mois. Il y a des signes partout dans le monde sur les dégâts du changement climatique.
Incendies en #Australie : comment vérifier les images qui circulent sur internet ? https://t.co/A85HyFfMrA par @AfpFactuel #AFP
— Agence France-Presse (@afpfr) January 8, 2020
Il y a des levées de fonds pour aider les victimes. Vous y participez, toi et tes coéquipiers ?Hier, on a fait un vote dans le vestiaire pour décider vers qui on allait adresser nos donations. Chaque joueur va participer. Chacun a donné ce qu’il voulait donner sur des cagnottes en ligne, et là, il y a 2 000 dollars qui sont donnés par le groupe. On va donner moitié pour les pompiers, moitié pour des associations en faveur de la protection des animaux. Il y a d’autres choses qui sont mises en place : 1 000 dollars à chaque but marqué…
À Melbourne, l’Open d’Australie de tennis dont les qualifications sont censées démarrer la semaine prochaine est en suspens. Est-ce que le championnat de foot peut aussi être affecté ?Honnêtement, je ne suis pas sûr. Je n’ai pas les connaissances et je ne sais pas comment les feux vont évoluer dans les prochaines semaines. Sachant que les températures vont encore augmenter. On est déjà montés à 42 voire 44 degrés pendant plusieurs jours en décembre.
Aujourd’hui, il fait combien au thermomètre à Melbourne ?Il fait 22 degrés. Après, on va repartir sur du 36 degrés. Melbourne, ce sont les montagnes russes ! Ici, ils disent qu’on peut avoir les quatre saisons en une journée. On peut perdre une vingtaine de degrés en une soirée. Il y a un mois, il faisait 42, le lendemain 21…
L’environnement naturel australien, c’était un critère important dans ton choix quand tu es parti de Sochaux ?
Je savais que la qualité de vie était bonne ici, mais ce qui a surtout compté dans mon choix, c’est le fait de partir sur une nouvelle expérience et d’apprendre l’anglais. Pour mes filles, aussi, c’est important. À leur âge (cinq et six ans), ce sont des éponges. On est déjà allés voir les animaux : les kangourous, les koalas… On adore l’Australie, il y a plein de parcs à découvrir. Après, c’est tellement vaste que si on veut découvrir le pays, il faudrait plusieurs heures de route ou prendre l’avion, avoir quelques jours off, ce qui n’est pas vraiment possible pendant la saison.
Pour finir, sportivement, qu’est-ce que tu espères accomplir cette saison avec Melbourne City ?Il y a des play-offs à la fin de la saison. Aujourd’hui, on est 2es du classement. L’objectif du club, c’est de finir dans les deux premiers pour se qualifier pour la Ligue des champions asiatique et puis d’essayer ensuite de gagner le championnat.
Propos recueillis par Florian Lefèvre