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Florentino Pérez, un président ne devrait pas dire ça…

Par Adrien Candau
4 minutes
Florentino Pérez, un président ne devrait pas dire ça…

Ce dimanche, le président du Real Madrid, Florentino Pérez, a plaidé entre les lignes pour la création d'une Superligue européenne, en avançant que « tout le monde réclame une réforme du paysage footballistique mondial... Il y a une saturation et les fans, qui sont les plus importants, souffrent... » Une instrumentalisation des supporters au service d'un projet élitiste et inégalitaire, qui ne doit pas être passée sous silence.

Malgré son grand final bâclé, dont l’écriture ne vole pas forcément plus haut qu’un épisode d’une série d’AB productions, Game of Thrones fut longtemps un formidable spectacle, riche en enseignements. Dans l’épisode 6 de la saison 3 du show blockbuster d’HBO, Petyr « Littlefinger » Baelish, un personnage superbement vicelard, est l’auteur d’une des tirades les plus célèbres de l’illustre série de dark fantasy : « Le chaos n’est pas une fosse, le chaos est une échelle.(…)Seule l’échelle est réelle. Seule l’ascension importe. » Florentino Pérez, lui, n’a rien d’un grand seigneur qui ourdit des complots et machinations depuis Port-Real, mais cela ne l’empêche pas de trimbaler avec lui un opportunisme et un machiavélisme qui ne feraient pas tache en terre de Westeros.

La réforme du football ne doit pas attendre. Nous devons changer. Les grands joueurs européens ont des millions de fans et nous ne devons pas leur tourner le dos.

En pleine crise du coronavirus, le président du Real a tiré parti de l’incertitude ambiante pour célébrer, sans la nommer, l’idée de création d’une Superligue européenne : « La pandémie doit nous rendre plus compétitif, déclarait-il dimanche, lors de l’assemblée générale annuelle du Real. Nous devons innover, chercher des moyens de rendre le football attractif. Le Real Madrid a été à l’origine de la création de la FIFA, de la Coupe d’Europe… Le modèle actuel a besoin d’un nouvel élan et l’impact de la Covid-19 l’a démontré. » Avant d’ajouter : « Tout le monde réclame une réforme du paysage footballistique mondial. Il y a une saturation, et les fans, qui sont les plus importants, souffrent… La réforme du football ne doit pas attendre. Nous devons changer. Les grands joueurs européens ont des millions de fans et nous ne devons pas leur tourner le dos. » Une tirade qui pourrait faire tiquer jusqu’au socio le plus fanatisé de la Maison-Blanche.

De l’argent à gagner et des oreilles bouchées

Outre l’idée – pas franchement classieuse – d’instrumentaliser la Covid-19 pour accélérer la création du projet de Superligue européenne, le grand manitou madrilène a le toupet de greffer la soi-disant « souffrance » des supporters à son argumentaire. Ces supporters invoqués, c’est la force du nombre, que prétend avoir Pérez avec lui. Ils sont la base qui soutient cette phrase, énoncée fallacieusement comme une évidence : « Tout le monde réclame une réforme du paysage footballistique mondial. » Tout le monde, vraiment ? Florentino Pérez a-t-il seulement sondé les supporters du Real Madrid, pour savoir si la majorité d’entre eux étaient favorables à l’émergence d’un super championnat continental ? A-t-il mené une enquête sur le ressenti des supporters des clubs des championnats européens, quant à la potentielle création de cette nouvelle compétition ? Non, évidemment. Florentino Pérez, en capitaine d’entreprise, a le droit de prêcher pour sa paroisse. En ces temps de vaches maigres provoqués par le virus, on peut comprendre, d’un point de vue purement économique, qu’il fasse la publicité de cette Superligue, dont on nous rebat les oreilles année après année.

Il est beaucoup moins admissible de le voir parler au nom des supporters de clubs, pour vendre une réforme qui creusera les disparités, au sein d’un foot continental déjà scandaleusement élitiste. Le projet de Superligue est, de fait, massivement controversé. Tout particulièrement auprès de ceux qui, avec les joueurs, sont l’essence même du football : ceux qui le regardent et le supportent. Il serait bon que Florentino Pérez s’en souvienne, avant de prétendre se faire l’écho des desiderata des supporters, qu’il n’a peut-être de toute façon plus vraiment envie d’écouter. Mais à une époque où les stades sonnent vides, il est sans doute encore plus facile d’ignorer la désapprobation des masses, pour entendre seulement sa petite voix intérieure. Après tout, un bon entrepreneur, comme Florentino Pérez, sait toujours reconnaître une affaire qui marche. Une affaire, la Superligue, qui semble tristement déterminée à prendre une forme concrète, dans les années à venir.

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