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Évra/Liza, même combat ?
L'arrivée de Patrice Évra à Marseille rappelle en plusieurs points celle de Bixente Lizarazu en 2004. Et si le début de l'histoire comporte des similitudes, prions pour que la suite se déroule différemment. En effet, le séjour marseillais de Liza avait rapidement viré au cauchemar.
Souleymane qui ? Les fans de Diawara ont eu beau répéter et répéter qu’on ne touchait pas au numéro 21 comme ça, Patrice Évra n’en avait rien à faire et a éhontément demandé à ce qu’on le floque sur son tout nouveau maillot de l’OM. Tout sourire face aux journalistes, Patoche s’en était donné à cœur joie en agitant sa tunique flambant neuve. La conclusion des pérégrinations hivernales de l’ancien capitaine de l’équipe de France, qui était quasiment sûr de quitter la Juventus où il ne jouait plus beaucoup, mais sans qu’on sache où il allait atterrir, et qui a surpris son monde en débarquant sur le Vieux-Port. Une équipe marseillaise ambitieuse, un mercato très actif, et un latéral gauche de trente-cinq ans à la carrière internationale longue comme le bras et au palmarès de cador qui signe à l’OM, une équation loin d’être inédite. Il suffit d’ouvrir des boîtes à archives pas si poussiéreuses pour se remémorer du cas Bixente Lizarazu, et de son arrivée à Marseille à l’été 2004, alors que le club olympien sortait d’une finale de Coupe de l’UEFA. Et en ce temps-là, Marseille était riche des millions de la vente de Drogba, comme Marseille est riche aujourd’hui de ceux de MC Court. Parti pour écrire les dernières pages de sa carrière dans le 13, arrivé en même temps que son pote champion du monde Fabien Barthez, Liza aurait dû être l’une des pierres angulaires du système de José Anigo et les dirigeants marseillais attendaient beaucoup de ce joueur d’expérience, dont le physique à toute épreuve devait lui permettre de rester compétitif malgré son âge.
Des débuts réussis
Si on s’arrête là, l’analogie entre Patrice Évra et Bixente Lizarazu est plutôt flatteuse. Tonton Évra n’a pas autant travaillé les pecs que Bixente et est donc moins attendu sur le plan physique, mais pour le reste, la recherche d’expérience de la part du club, le souhait d’une équipe ambitieuse de la part du joueur, le compte est bon. En revanche, personne à part ses pires ennemis ne souhaite à Évra de vivre une expérience marseillaise similaire au désastre qu’a été le séjour de Lizarazu à l’OM. Ses coéquipiers de l’époque se souviennent pourtant de débuts des plus sereins, et Frédéric Déhu refait le film plus de dix ans après les faits : « Il a été très bien accueilli, et s’est très bien adapté. Il s’est mis au service de l’équipe directement. » Même son de cloche chez Laurent Batlles, qui se rappelle des premières semaines paisibles : « Lui et Fabien étaient mélangés au vestiaire, ça se passait très bien. On était très nombreux à être ensemble et on rigolait bien dès le stage de début de saison. C’étaient des cadres parce qu’ils étaient champions du monde, avaient de grandes carrières derrière eux, mais ils tiraient l’équipe vers le haut plutôt que de se mettre de côté. » Les déclarations pleines de bonnes intentions, Patrice Évra aussi les a multipliées lors de sa présentation, en jurant à tout-va qu’il avait les crocs et qu’il était à Marseille pour bâtir quelque chose : « J’ai envie de m’investir, de montrer l’exemple sur le terrain. Je ne veux pas vendre du rêve en disant des choses, mais j’ai vraiment envie de m’impliquer. J’ai envie de donner du Patrice Évra à tout le monde. À la Juve, Allegri a pensé que vu mon âge, j’accepterai la situation. Mais non, j’ai envie de jouer. Je repars à zéro à chaque fois que je signe dans un nouveau club. »
La faute à tout le monde
Depuis son premier match costaud contre Montpellier, Évra a eu un peu plus de mal à trouver son rythme, mais il est encore trop tôt pour juger de sa réussite ou non à Marseille. Mais du côté de Liza, en 2004, on n’a mis que très peu de temps à comprendre que la greffe ne prendrait pas. Au-delà du cas personnel de Bixente, Marseille s’est vite embourbé dans une saison de galère avec changements de coachs incessants à la clé, jusqu’à ce que Troussier ne reprenne l’équipe en main en novembre. « Je crois que son départ est lié à celui d’Anigo. José avait tout fait pour faire venir Bixente, ça a été dur pour lui de le voir partir » , juge Batlles, même si Fred Déhu n’hésite pas à charger un peu la barque de Lizarazu : « Ce n’était pas qu’individuel. On a eu un début de saison relativement bon, puis on a enchaîné les mauvais résultats. Et peut-être que Bixente n’a pas été à la hauteur de ce que le club attendait en l’ayant recruté. » Troussier, nouveau coach aux méthodes de gros dur, veut marquer son territoire et fout Lizarazu sur le banc sans hésiter, ce qui met l’ancien Bleu dans une colère noire. Rapidement, les rumeurs parlent d’une tension impressionnante entre les deux hommes, même si ni Batlles ni Déhu ne confirment : « Ce n’était pas tendu, parce qu’ils ne se sont pas connus. Bixente a été mis sur le banc pour le premier match de Troussier, mais je crois qu’il était déjà dans l’idée de partir » , assure le premier. « Je ne me souviens pas d’une relation tendue entre les deux, et je ne me souviens pas non plus de frictions particulières » , promet le second.
Arracher la tête de Troussier
Et pourtant, encore en janvier dernier sur le plateau de Téléfoot, Lizarazu revenait sur sa pige marseillaise en rageant : « Le pompon pour moi, c’était l’arrivée de Troussier. Je ne sais pas si, involontairement, il cherchait à me provoquer. Mais pour la première fois de ma vie, j’ai eu envie d’arracher la tête à mon entraîneur. » Loin des relations prétendument apaisées évoquées par Déhu et Batlles. Patrice Évra va-t-il finir par étriper Rudi Garcia en quelques mois ? En attendant que le drame arrive ou non, Marseille est concentré pour ne pas reproduire les erreurs du début de saison 2004-2005, à savoir mal négocier le départ du joueur majeur qu’était Didier Drogba en recrutant trop et pas intelligemment. « La réussite de Marseille cette année n’est pas en lien avec le fait que Bixente ait réussi ou non. Il y avait eu trop de changements dans l’équipe pour qu’on soit dans la continuité de la saison précédente, analyse Batlles. On pensait que ça allait être une saison de succès, mais il y avait eu énormément de recrutement à l’époque après le départ de Drogba. Le groupe a été remanié à presque 50%, avec beaucoup de joueurs qui étaient arrivés, et peut-être que l’osmose n’a pas pris. » Pour Liza, l’aventure marseillaise s’arrête au bout de six mois, avant qu’il ne remonte dans un avion pour Munich. Déhu est à la barre : « Moi, ce que j’ai ressenti, c’est qu’il est venu à Marseille avec des ambitions, mais qu’il n’y a pas trouvé ce qu’il avait vécu auparavant. Avec une certaine rigueur, une certaine discipline au sein du club. Donc quand il a eu l’opportunité de retourner au Bayern, il a sauté dessus. » Toujours mieux que d’avoir sauté sur Troussier pour le décapiter.
Par Alexandre Doskov
Propos de Frédéric Déhu et de Laurent Batlles recueillis par AD